logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

États-Unis Les dessous du statut de travailleur temporaire immigré

Les pratiques | publié le : 02.03.2010 |

Plusieurs centaines de travailleurs immigrés indiens, «invités temporaires» sur le sol américain, protestent contre les conditions de travail que leur a fait subir la société Signal International qui les a recrutés.

Deux cent cinquante Indiens viennent de se porter partie civile contre la société américaine Signal International et accusent le groupe d'avoir exploité à mauvais escient le programme de travail temporaire qui leur a donné le droit de venir aux Etats-Unis. Cette affaire, défendue par les avocats du New Orleans Workers' Center for Racial Justice (NOWCRJ), donne un rare aperçu sur la vie de ces travailleurs «invités» et sur les faiblesses du programme de visas H2B qui permet d'accueillir, chaque année, quelque 66 000 travailleurs étrangers sur le sol de l'oncle Sam.

Flash back. Après le passage de l'ouragan Katrina, la société Signal International a décroché un gros contrat pour réparer les plates-formes pétrolières, le long des côtes de l'Etat du Mississipi. Et, sans doute pour réduire ses coûts, elle a fait venir, en 2006, au Texas et dans le Mississipi, 500 professionnels, soudeurs et ajusteurs indiens. Ces derniers ont été démarchés en Inde par des chasseurs de têtes qui leur ont promis monts et merveilles, et tout particulièrement une carte verte pour les ouvriers et leurs familles. Les recruteurs ont empoché, au passage, jusqu'à 20 000 dollars, pour prix de leur effort.

Menaces constantes

En arrivant aux Etats-Unis, les professionnels indiens ont vite déchanté. Selon Jacob Horwitz, le représentant du NOWCRJ, la carte verte était un leurre et les conditions de travail misérables. Les nouveaux venus ont été installés par groupes de 24 à 28 hommes dans des roulottes, aux portes du chantier naval, avec tout juste « deux salles de bain » par équipe. Un logement malgré tout payé 35 dollars par jour.

« On les menaçait constamment d'être renvoyés au pays s'ils ne travaillaient pas plus vite ou s'ils refusaient les tâches dangereuses », explique Jacob Horwitz. Le visa H2B qui leur a permis d'entrer aux Etats-Unis stipule, en effet, que l'intéressé est venu travailler pour le compte d'une entreprise particulière. Et s'il la quitte, ou s'il est licencié, il devient travailleur clandestin. En plus, poursuit Jacob Horwitz, « ces ouvriers se sont endettés dans des proportions énormes pour poursuivre le rêve américain, il n'est donc pas possible qu'ils rentrent chez eux, sans avoir remboursé. »

Malgré les menaces, les immigrés indiens ont fini par raconter leurs mésaventures dans une église proche de leur chantier. Avec l'aide des militants du NOWCRJ, ils se sont organisés et ont réclamé de meilleures conditions de travail.

Les cadres de Signal International ont alors décidé, en mars 2007, de renvoyer en Inde une poignée de fauteurs de troubles pour calmer les ardeurs des manifestants. Et, révèle l'enquête de la justice, ils ont en cela suivi les conseils des fonctionnaires de l'Immigration and Customs Enforcement Agency (ICE), l'agence fédérale en charge de l'immigration. Quatre « geignards chroniques » ont été enfermés dans une pièce, surveillés par des gardes armés, en attendant leur départ pour l'aéroport. La grève de leurs collègues et les protestations des avocats et des militants des droits de l'homme ont bloqué le mouvement. Et le conflit a été porté devant la cour de justice. La direction de Signal International, peu bavarde, a tout de même porté plainte contre les chasseurs de têtes, qui l'ont trompée et ont trompé les immigrants indiens.

Demande de réforme

De l'autre côté de la barrière, les militants du NOWCRJ veulent faire de l'affaire un exemple pour réclamer une réforme de la loi sur l'immigration. « Ces professionnels devraient être mieux protégés, dit Jacob Horwitz. Ils devraient avoir le droit de se syndiquer et, surtout, ne plus avoir peur d'être déportés. » Un plaidoyer pour une revue de fond en comble du statut de « travailleur invité ».