logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

« La référence aux 35 heures comme durée légale du travail est une coquille vide »

Enquête | L'entretien avec | publié le : 02.03.2010 |

Image

« La référence aux 35 heures comme durée légale du travail est une coquille vide »

Crédit photo

E & C : Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi «Aubry II», que reste-t-il de cette réforme ?

C. R. : La réforme des 35 heures était fondée sur un double projet, collectif et individuel : soutenir la création d'emploi et favoriser l'épanouissement personnel des salariés dans une logique inspirée de la loi de 1936. Aujourd'hui, l'esprit de cette législation a totalement disparu. La droite, au pouvoir depuis 2002, n'a, en effet, jamais cru au partage du temps de travail. Il faut dire que le bilan des lois Aubry en termes de créations d'emploi - entre 400 000 et 700 000, créés ou sauvegardés, selon les estimations - n'a pas été à la hauteur des espérances : souvenons-nous qu'à l'époque, certains économistes avaient annoncé jusqu'à 5 millions de créations de poste...

En l'espace de dix ans, la conviction politique initiale, qui associait temps et emploi, a, ainsi, progressivement été remplacée par une seconde, associant temps et argent. C'est, désormais, par la relance de la consommation que Nicolas Sarkozy entend soutenir l'emploi. On est bien loin du projet de départ...

E & C : Les 35 heures restent, malgré tout, la durée légale du travail...

C. R. : Cette référence, à laquelle les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 n'ont jamais osé toucher, n'est cependant qu'une coquille vide. Selon l'enquête «Emploi en continu» de l'Insee, la durée hebdomadaire moyenne de travail des salariés à temps complet, tous secteurs et tous types d'entreprises confondus, était de 39,3 heures en 2008. Rappelons que, depuis 2002, la seule atteinte directe aux 35 heures a été l'instauration, en 2004, de la journée de solidarité prônée par le gouvernement Raffarin. A partir de là, et pour la première fois depuis 1941, la durée légale annuelle du travail a augmenté, passant de 1 600 à 1 607 heures (ou de 217 à 218 jours pour les salariés au forfait). Qu'il s'agisse ensuite du relèvement, puis de la suppression du contingent d'heures supplémentaires, de l'extension du recours aux forfaits en jours ou des possibilités de rachat de JRTT, les remises en cause ultérieures ont toutes été plus indirectes, pour ne pas dire plus insidieuses.

E & C : Un même processus visant à vider de sa substance une référence symbolique est à l'oeuvre, selon vous, avec la retraite à 60 ans...

C. R. : Le parallèle entre les 35 heures et la retraite à 60 ans, deux mesures qui reposent sur un même projet de partage de l'emploi et de rééquilibrage entre les loisirs et le travail, est en effet éclairant. Dans les deux cas, le symbole est à ce point ancré qu'on s'arrange pour en conserver la façade tout en modifiant les règles, de façon à le rendre inatteignable. Les Français ne travaillent pas plus 35 heures par semaine qu'ils ne partent en retraite à 60 ans aujourd'hui. L'effet pervers de cette logique est qu'on laisse croire que le projet de société qui sous-tend ces mesures a toujours une quelconque réalité.