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Des renégociations à la marge

Enquête | publié le : 02.03.2010 |

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Des renégociations à la marge

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Proclamer son intention de remettre à plat les 35 heures acceptées à contrecoeur est une chose, le faire en est une autre. Les employeurs ont été nombreux à vouloir renégocier les accords de RTT. Mais quand ils y sont parvenus, ils se sont souvent contentés d'un toilettage.

Les entreprises se sont fondues dans le moule des 35 heures tout en continuant à chercher les moyens d'en desserrer l'étreinte. La réduction des jours de RTT en a proposé un. La modulation, elle, avait été pratiquée en abondance dès les lois Aubry, ce qui a limité ses nouvelles opportunités. « L'une d'elles a consisté à introduire des règles variables par sous-groupes de salariés, pour créer de la flexibilité. Les services l'ont notamment pratiqué », indique Tristan Girard, directeur de l'ingénierie-relations sociales chez BPI.

Temps effectif

La notion de temps effectif a été travaillée par les entreprises qui ne l'avaient pas encore fait. Elles ont (re) découvert qu'en sortant les pauses, les repas et les trajets du temps de travail, on pouvait augmenter celui-ci sans donner le sentiment de toucher aux 35 heures. Ni créer un casus belli avec les salariés.

Chez Peugeot Motocycles, la discussion a été beaucoup plus vive, mais l'avenant de septembre 2008, signé par trois organisations syndicales sur cinq, a fait du temps effectif la référence, ce qui a remonté le «temps de travail» à 35 heures contre 30 à 32 heures. « La durée de présence n'a pas bougé. Notre révision s'est inscrite dans une refonte complète de l'organisation : les postes ont été revus un par un pour convertir en temps ce que nous exprimions en quantité de pièces produites », rappelle le DRH Christian Pellet. Les non-signataires, la CGT et la CFDT, dénoncent « le flou persistant sur la pérennité de l'emploi » : depuis, 250 personnes sont parties dans le cadre d'un plan de départs volontaires.

La réécriture d'Eurocopter vise à optimiser le temps passé dans les ateliers. L'accord «Safe», entré en vigueur le 1er septembre 2009, en constitue la traduction pour les 4 500 salariés non cadres du fabricant d'hélicoptères en France. « Dans un objectif d'efficacité industrielle, il réorganise le temps de travail de façon à ce qu'un maximum de personnel soit présent en même temps durant les huit heures quotidiennes de temps de travail effectif », expose Jean-Baptiste Ertlé, DRH du site de Marignane. Cela sans renoncer aux 35 heures, qui demeurent la moyenne hebdomadaire dans le cadre de l'annualisation déjà présente dans l'accord de 1998. Ni tirer un trait sur les semaines de quatre jours. « De majoritaires, elles sont devenues égales à celles de cinq jours, dont nous avons augmenté le nombre », souligne le DRH. « L'entreprise a avancé profil bas : pas d'attaque frontale des 35 heures, mais, au final, une série de réaménagements sous prétexte de mondialisation », analyse le délégué central CFDT Didier Hacquart.

Autre pratique, l'homogénéisation «vers le haut» de régimes divers, conséquence de fusions successives ou d'organisations différentes d'équipes. Nexter, l'héritier de Giat, a aligné sur le seuil de 1 607 heures annuelles (soit 35 heures hebdomadaires moyennes) les salariés en horaire normal et les postés, qui travaillaient respectivement 1 567 et 1 407 heures.

Les 45 embauches fermes en 2009 et les 117 contrats d'apprentissage sur trois ans chez Eurocopter, la hausse de salaires et l'amélioration des rémunérations annexes chez Nexter (intéressement, plan épargne-entreprise, régime prévoyance...) viennent rappeler une autre dimension des renégociations : les contreparties demandées en emplois et en pouvoir d'achat. « Les compensations ne sont pas à la hauteur. L'intéressement, c'est de l'aléatoire, alors que le travail, lui, est fait », relève Maryse Dumas, l'ancienne secrétaire confédérale de la CGT en charge des 35 heures jusqu'à fin 2009.

Symbolisées par un Bosch ou un HP il y a quelques années, les offensives radicales de type retour aux 39 heures payées 35 heures, avec chantage à l'emploi semblent donc appartenir, pour l'essentiel, au passé.

Position de force

Tout employeur n'est pas dans la position de force du repreneur allemand de la papeterie Lana à Strasbourg, en 2006, qui a remis les rescapés aux 39 heures. « Nous savions que nous allions rencontrer des refus - une quinzaine - mais, de toute façon, nous ne reprenions que 86 salariés sur 125. Et, sans nous, c'était la fermeture complète », indique le nouveau Pdg Franz Reinisch.

Grèves, voire actions en justice (la première mouture de la révision Eurodisney, notamment) rappellent également que les discussions ne se mènent ni en un tour de main, ni sans heurts. La dénonciation unilatérale peut constituer une arme. « Le nouvel accord s'opère souvent sur une révision à la baisse des jours de RTT », selon Tristan Girard. Mais son succès n'est pas garanti. Treize mois après l'avoir pratiqué et un peu plus d'un mois avant l'échéance de renégociation, la direction du groupe de presse Express-Roularta n'a toujours pas manifesté ses intentions aux organisations syndicales, elles-mêmes divisées sur la pertinence de revenir à la table des négociations, entre le duo majoritaire CFDT-CGT qui le réclame et le SNJ qui estime que les « priorités sont ailleurs », à savoir la réorganisation suite à un PSE.

Car, depuis, la crise a changé la donne. Et même chez Continental à Sarreguemines, revenu aux 35 heures depuis mars 2009 : le très médiatisé accord sur les 40 heures n'aura vécu qu'un an. « On est passé d'une pénurie à une surcapacité d'heures de travail », résume Tristan Girard. Ce que Maryse Dumas traduit à sa façon : « Une entreprise qui prépare sa fermeture ne va pas se mettre à rediscuter des 35 heures. »

Un assouplissement par étapes

Depuis le retour de la droite au pouvoir, en 2002, une série de lois et de décrets est venue amender la réforme des 35 heures.

Le décret du 15 octobre 2002 porte le contingent d'heures supplémentaires de 130 heures à 180 heures par an et par salarié.

La loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi du 17 janvier 2003 prévoit que les heures supplémentaires ne génèrent plus de repos, mais une majoration de salaire d'un minimum de 10 %. La valorisation du compte épargne temps (CET) en argent est désormais possible. En outre, le temps d'astreinte n'est plus considéré comme du temps de travail effectif.

Le décret du 24 novembre 2004 porte la durée annuelle de travail à 1 607 heures (ou 218 jours pour les cadres au forfait) en application de la loi du 30 juin 2004 instaurant une journée de solidarité.

Le décret du 21 décembre 2004 porte le contingent d'heures supplémentaires à 220 heures par an et par salarié.

La loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (loi Ollier-Novelli) du 31 mars 2005 instaure un régime particulier d'heures supplémentaires «choisies» qui permet d'effectuer des heures supplémentaires sans autorisation de l'inspection du travail au-delà du contingent prévu dans l'entreprise. Les salariés peuvent, désormais, utiliser leur CET au-delà de 22 jours par an, et les cadres, renoncer à une partie de leurs congés contre un supplément de rémunération.

La loi en faveur des PME du 2 août 2005 étend le recours au forfait en jours aux salariés non cadres disposant « d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ».

La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (loi Tepa) du 21 août 2007 exonère les heures supplémentaires d'impôt et de cotisations sociales.

La loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail du 20 août 2008 permet aux entreprises de fixer par accord leur propre contingent d'heures supplémentaires. En-deçà de 48 heures de travail par semaine, l'autorisation de l'inspection du travail n'est plus requise. Un accord collectif peut désormais prévoir la possibilité pour un salarié au forfait de travailler au-delà de 218 jours par an, dans la limite de 282 jours.