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Quand l'entreprise fait la Une du «20 heures»

Les pratiques | publié le : 26.01.2010 |

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Quand l'entreprise fait la Une du «20 heures»

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PSE d'envergure, accidents du travail, grève, suicide de salariés... La prise de parole sur de tels événements relève de la communication de crise. Un exercice difficile, souvent mal maîtrisé par les entreprises. Dans un contexte de forte émotion, mieux vaut ne pas improviser...

En 2001, il y a eu l'affaire Lu, à Calais, et son plan social qui a conduit au boycott des produits Danone. Plus récemment, France Télécom et la petite phrase de Didier Lombard, son Pdg, sur « la mode des suicides » fournissaient un nouveau contre-exemple de la «bonne» communication de crise. Il semble, en effet, que les entreprises peinent à maîtriser l'exercice. Pourtant, actuellement, les crises sociales se multiplient. Une mauvaise approche de ces évènements, et ce n'est pas seulement l'image employeur qui est écornée. Une enquête, réalisée l'année dernière auprès de 2 400 personnes par Euro RSCG C & O, agence spécialisée en communication d'entreprise, montrait l'émergence des questions sociales dans l'image de marque des produits et dans les arbitrages des consommateurs. Ainsi, « la manière dont les entreprises traitent leurs salariés arrive, en France comme aux Etats-Unis, en deuxième position des attentes des individus devant tous les critères de prix, d'environnement et d'innovation », signale Olivier Bas, partner d'Euro RSCG C & O.

Après la bataille

Le problème ? « Les entreprises ont la fâcheuse habitude, sur des sujets sociaux, de communiquer après la bataille », remarque Thierry Libaert, professeur de communication à l'université de Louvain*. Même si de grandes disparités s'observent. « Les entreprises du CAC 40, notamment, disposent, en règle générale, de bonnes cellules de crise RH. Les autres groupes, non cotés, non soumis aux mêmes obligations de transparence et de contrôle, sont moins bien outillés et réagissent a posteriori », constate Me Agnès Cloarec-Mérendon, du cabinet Latham & Watkins, qui déplore le manque de procédures ad hoc. « De nombreuses entreprises n'ont pas réfléchi à établir une cartographie de leurs risques spécifiques en matière de crise RH et des espaces de gestion y afférant », ajoute-t-elle.

Pour de nombreux observateurs, les ratages sont à mettre en perspective avec la particularité de la matière sociale. « La crise sociale est, en effet, toujours fortement émotionnelle. Elle implique que les discours utilisent le champ de la compassion », précise Olivier Bas. Et puis, comme tous sujets RH, « il y a toujours une femme ou un homme au centre », souligne Jean-Christophe Sciberras, DRH France et directeur des relations sociales de Rhodia.

Pas de présomption d'innocence sociale

Autre circonstance aggravante, les dés sont aujourd'hui pipés, selon Olivier Bas, qui constate une forte suspicion à l'égard des entreprises : « La présomption d'innocence sociale leur est très rarement accordée. Elles payent, ainsi, pour quelques-unes au comportement irresponsable. Les entreprises doivent alors communiquer à contre-courant, empruntant le registre de la justification, moins efficace. »

La recette ? « Déjà, entretenir des relations construites et de long cours avec les médias afin de faire comprendre la politique RH de l'entreprise pour que, le jour de la crise venue, ils jugent objectivement et non dans l'émotion », répond Olivier Bas.

Certes, la crise est toujours ce que l'on n'a pas prévu, mais il y a une différence entre un PSE forcément impopulaire et l'écroulement, au petit matin, d'un échafaudage causant la mort de plusieurs salariés. Le premier s'anticipe et se balise médiatiquement.

Reste la désignation du bon porte-parole. Trois possibilités énoncées par Thierry Libaert : « Les communicants, les experts et le président. On sait que les premiers ne recueillent pas la confiance de l'auditoire. L'expert, soit le DRH, sera légitime en cas de crise en cours ou en devenir. Il a la compétence, il connaît ce dont il parle. La crise terminée, c'est au dirigeant de prendre la parole », précise-t-il, ajoutant que « tout est une question de parallélisme des formes ». En clair, plus la crise fait réagir les hautes sphères politiques, plus il faut aller haut dans la hiérarchie de l'entreprise.

Le DRH, un interlocuteur légitime

Pour Michel Yahiel, président de l'ANDRH, le plus légitime reste le DRH, d'autant plus qu'il est l'interlocuteur naturel des partenaires sociaux. « Et en matière de crise sociale, la communication externe ne doit pas être dissociée de la communication interne. » Quoi qu'il en soit, le dirigeant aussi doit mettre les mains dans le cambouis. « Il doit personnellement s'impliquer dans la cellule de crise, l'épauler et, in fine, être présent. Cela sera bénéfique en interne, mais aussi en externe. Car ces crises font souvent référence à des questions stratégiques, et il est alors le seul à les maîtriser », souligne Me Agnès Cloarec-Mérendon. C'est également le dirigeant du site, en cas d'accident du travail, par exemple, qui doit prévenir la famille et l'entourage professionnel, selon Jean-Christophe Sciberras : « Il prend alors, au nom de l'entreprise, une posture d'engagement par rapport à l'événement. » Sans oublier les représentants du personnel. « Exit toute considération juridique. Le dirigeant ou le DRH doit partir du drame et non des obligations légales », complète le DRH France de Rhodia. Le tout dans un timing serré. Il est, en effet, déplorable que l'interne apprenne ce genre de nouvelles depuis l'extérieur. Il est ainsi contreproductif de se poser mille questions et de tergiverser. L'entreprise perd alors un temps précieux, qu'elle ne pourra pas rattraper.

Transparence

Quant au contenu de la communication, il doit être empreint de transparence. Il n'est pas, pour autant, question de dire « nous avons eu tort », mais plutôt, comme le conseille Me Agnès Cloarec-Mérendon, de pointer du doigt la difficulté du sujet, et les prochains efforts entrepris. Dans tous les cas, le déni est dangereux « à moins d'être au-dessus de tout soupçon. Mais la moindre divulgation ultérieure risque de décrédibiliser durablement l'entreprise reconnue alors coupable au double titre de sa responsabilité et de son mensonge », évoque Thierry Libaert. A manier également avec précaution, la stratégie du bouc émissaire et de la quasi-victime, utilisée en particulier lors de grèves lorsqu'elles concernent une minorité de salariés qui paralysent l'intégralité des activités. « Le propos est alors de dissocier l'image globale de l'entreprise de celle de cette minorité », commente le professeur.

Enfin, comme le souligne l'avocate de Latham & Watkins, la crise ne s'arrête pas quand les caméras sont parties : « Un suivi des engagements pris et médiatisés doit nécessairement s'opérer. » A défaut, si une nouvelle crise survient, l'entreprise mettra du temps à se relever.

* Auteur de La Communication de crise, Dunod, 2005.

L'essentiel

1 Une mauvaise gestion de la crise impacte la marque employeur, mais aussi la sphère économique d'une entreprise.

2 La particularité des sujets sociaux, mettant en scène l'humain, complexifie l'exercice.

3 Un message transparent, l'implication des dirigeants dans la communication et un suivi de crise sont quelques-uns des éléments à mettre en oeuvre.

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