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Peut-on licencier un commercial pour insuffisance de résultats en période de récession ?

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 22.12.2009 |

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Peut-on licencier un commercial pour insuffisance de résultats en période de récession ?

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Rappelons tout d'abord que l'insuffisance de résultats ne peut constituer une cause réelle et sérieuse du licenciement d'un commercial qu'à la double condition que les objectifs fixés aient été réalistes et qu'ils n'aient pas été atteints en raison de l'insuffisance professionnelle ou d'une faute du salarié.

Pour l'employeur, en ces temps de difficultés économiques, ce premier impératif peut constituer un vrai casse-tête. L'augmentation des objectifs qui avait été convenue avant la survenance de la crise financière prive-t-elle ipso facto les objectifs de leur caractère réaliste ? Les objectifs fixés pour le nouvel exercice qui, en anticipation des difficultés, avaient été maintenus au niveau de l'exercice précédent, voire réduits, continuent-ils d'être réalistes aux yeux des juges ?

La Cour de cassation s'est déjà prononcée sur la question et juge que, dès lors que l'insuffisance de résultats résulte en réalité de la conjoncture économique, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Comment, dans ce contexte, imputer au commercial l'origine de l'insuffisance de résultats ?

Pour préparer au mieux son dossier, l'entreprise doit prendre plusieurs précautions. La première est de pouvoir opposer au commercial des objectifs. On rappellera à cet égard que, pour éviter toute contestation, ceux-ci devront avoir été acceptés par le salarié, et fixés compte tenu de la situation du marché et des conditions d'exercice de son activité.

La deuxième est de pouvoir démontrer que les négligences du commercial, principalement dans son travail de prospection de la clientèle, sont à l'origine de l'insuffisance de résultats. C'est ainsi, par exemple, qu'un nombre insuffisant de visites peut être un élément de nature à démontrer la carence du salarié dans l'exécution de son travail.

La troisième précaution consiste à s'accorder un temps suffisant d'appréciation de la non-réalisation des objectifs. Pour autant qu'en principe, la non-atteinte des objectifs convenus constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, ce ne sera pas le cas si le délai entre la fixation de l'objectif et la notification du licenciement était manifestement trop court pour permettre une appréciation raisonnable des résultats obtenus.

Dans un arrêt récent (cass. soc. 29 septembre 2009 n° 07-45722), et pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation a sanctionné un employeur qui n'avait pas attendu la fin de la période accordée au salarié pour réaliser ses objectifs, en vue de se prononcer sur son insuffisance professionnelle. En l'espèce, il s'agissait d'un commercial qui avait un objectif annuel et qui a été licencié le 19 septembre au motif que ses résultats à cette date étaient insuffisants et « laissaient envisager » que les objectifs ne seraient pas atteints à la fin de l'année.

La portée de cet arrêt est significative pour les entreprises : celles-ci seront désormais contraintes d'attendre la période écoulée pour licencier un salarié en raison de ses résultats, sauf à démontrer l'existence de circonstances particulières leur permettant de ne pas attendre la fin de la période fixée, circonstances qui seront, de toute façon, soumises à l'appréciation des juges du fond.

Il serait donc judicieux de reconsidérer la période d'appréciation des résultats pour la circonscrire au semestre ou à une autre période plus courte. Si, en effet, bien souvent, les objectifs annuels subissent au cours de l'année des réajustements, la fixation d'objectifs sur une période infra annuelle n'est que rarement formalisée entre le commercial et l'entreprise.

Enfin, la preuve de l'insuffisance peut-elle être rapportée par la comparaison des résultats entre commerciaux ? Si le licenciement doit être motivé par des faits imputables au salarié, la jurisprudence admet, en théorie, que soit apportée la preuve de l'incompétence d'un salarié par comparaison de ses résultats avec ceux d'autres commerciaux.

Toutefois, les juges du fond peuvent estimer, en fonction des éléments de preuve qui leur sont soumis, qu'il n'y a pas lieu de procéder à des comparaisons entre le salarié licencié et les autres employés. Le juge est d'ailleurs d'autant moins lié par ces comparaisons que, souvent, les secteurs commerciaux sont différents et donc difficilement comparables. Cette comparaison ne saurait donc constituer à elle seule le fondement d'un licenciement pour insuffisance de résultats.

Aymeric Hamon, avocat associé au Cabinet Fidal, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.