Le mot «entreprise» s'est peu à peu substitué aux vocables qui désignaient, il y a peu, tous les lieux de travail : usine, bureau, magasin... Aujourd'hui, l'entreprise semble une boîte de Pandore qui recouvre toutes ces réalités variées, mais, surtout, les met dans le même sac sous la raison sociale unique de la performance concurrentielle.

Pour le salarié du tertiaire comme pour le travailleur en usine, le client est aujourd'hui le roi qui dicte l'inéluctable logique du toujours plus/toujours mieux, souvent couplée à la tout aussi inévitable économie de moyens. Le salarié, désormais responsabilisé sur les résultats, fait partie, aujourd'hui, de la république entrepreneuriale qui, en plus de son temps, requiert son engagement et toujours plus d'efforts.

Arnaud Viviant, journaliste et écrivain, a réuni dix textes courts d'écrivains du social qui expliquent comment, sous ce mot naguère destiné à galvaniser les énergies, s'est constitué un nouveau prolétariat. Celui-ci ne travaille plus dans la sidérurgie ou l'automobile, mais plus souvent dans le tertiaire. Et son quotidien, comme celui des héros de Zola, est fait de sueur et de larmes. Le mot stress et son cortège de connotations psychologiques a simplement remplacé la pénibilité physique - encore que celle-ci soit loin d'avoir disparu - et la qualité totale s'est substituée aux cadences infernales dénoncées dans les années 1970.

La précarité, pour sa part, demeure, voire augmente. La fiction, ici, sert à faire voir le réel.