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Bilan en demi-teinte pour «l'îlot caisse»

Enquête | publié le : 08.09.2009 |

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Bilan en demi-teinte pour «l'îlot caisse»

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Destinée à fluidifier l'organisation du travail et à permettre aux caissières de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle, l'organisation en îlots a été adoptée par deux poids lourds du secteur : Auchan et Carrefour.

Plus de vingt ans avant l'introduction du «temps complet choisi», le secteur de la grande distribution, (déjà) confronté à un feu nourri de critiques relatives à son modèle social, a imaginé «l'îlot caisse», un mode de gestion destiné à rendre aux caissières une part d'autonomie dans l'organisation de leur temps de travail. Des petits groupes de salariées - 15 à 25 généralement - ayant des profils et des contraintes horaires hors travail différents s'associent pour définir leurs plannings de travail hebdomadaires et éviter au maximum les coupures dans la journée et la multiplication des déplacements. En cas de désaccord, une animatrice désignée par le groupe a pour mission de mettre de l'huile dans les rouages.

Gérer les fluctuations

« Adapter les emplois du temps aux fluctuations de la clientèle au cours de la journée a toujours été crucial pour un secteur qui génère en bonne partie sa marge à ce niveau-là, relève Sophie Bernard, sociologue à l'université Paris-Dauphine. Pour la grande distribution, une bonne caissière est une caissière toujours occupée ! D'où la généralisation du temps partiel flexible qui entraîne des difficultés d'organisation personnelle importantes, en particulier pour les mères de famille. »

Au début des années 1980, c'est Auchan qui, le premier, expérimente l'«îlot caisse». Aujourd'hui, environ un tiers de ses caissières ont opté pour cette organisation. Semaine après semaine, grâce à un système de compteur, elles ont également la possibilité de moduler leurs horaires (de +10 % à -20 % du temps défini par leur contrat de travail). Pour le distributeur, le bilan est très positif : « Les salariées organisant elles-mêmes leur emploi du temps en fonction de leurs contraintes plus d'un mois à l'avance, l'absentéisme diminue nettement, explique Alain Boissières, responsable national des caisses. En outre, ce système est un excellent vecteur de promotion interne. De nombreuses responsables de caisse ont d'abord fait leurs preuves en tant qu'animatrices d'un îlot. » Ici, le volontariat reste toutefois la règle : « Certaines salariées n'ont pas forcément envie de négocier leur emploi du temps avec leurs collègues ou préfèrent faire confiance à la structure », précise-t-il.

Volontariat

Depuis 1998, les hypermarchés Carrefour ont également progressivement adopté «l'îlot caisse». La totalité de leurs hôtesses, soit 20 000 personnes, sont aujourd'hui concernées. « Le grand avantage de ce système réside dans le fait que les caissières connaissent leurs horaires cinq semaines à l'avance, contrairement à ce qui peut être pratiqué chez certains de nos concurrents. Elles ont de ce fait la possibilité d'adapter leurs horaires de travail à leurs impératifs personnels, tels qu'un rendez-vous médical pris longtemps à l'avance ou une sortie avec les enfants. Cela entraîne un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle et un meilleur confort au travail », explique Carrefour.

Formaliser les négociations

Pour Sophie Bernard, l'organisation en îlots a pour principal intérêt de formaliser les négociations qui permettaient, jusqu'alors, d'optimiser l'organisation du travail : « Des tractations effectuées de manière plus ou moins sournoise d'ailleurs. Dans de nombreuses enseignes, il était fréquent, notamment, de faire miroiter un temps complet - le temps partiel étant la règle à l'embauche - à celles qui acceptaient sans broncher des changements d'horaire de dernière minute. »

Horaires fixes

Secrétaire fédéral de la CGT commerce, Charles Dassonville ne croit cependant pas que l'encadrement des négociations instauré dans un «îlot caisse» suffise à supprimer rapports de force et arbitraire des décisions. « Dans cette profession soumise à des amplitudes horaires importantes et au travail le week-end, un seul système est acceptable : celui des horaires fixes à l'année avec des équipes du matin, du milieu de journée et du soir, explique-t-il. Les salariées de chaque équipe finissent par se connaître : celles qui travaillent le soir s'arrangent pour amener les enfants de leurs collègues à l'école le matin, et vice-versa. »

Un autre inconvénient entrave le développement de cette organisation à plus grande échelle : sa dépendance à l'égard des étudiants salariés. « Le système repose sur la complémentarité des profils, souligne Sophie Bernard. Dans les hypermarchés très éloignés des centres d'enseignement supérieur, on peut s'attendre à ce que l'ensemble des caissières aient peu ou prou les mêmes contraintes horaires hors travail. »