logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

Une séquestration « rapporte environ 30 000 euros »

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 23.06.2009 |

Après avoir séquestré des membres de leur direction ou bloqué leurs sites de production, les salariés de Continental, Caterpillar ou encore 3M Santé ont obtenu une sensible amélioration des conditions de départ prévues par leurs plans sociaux respectifs.

Le 11 juin dernier, Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'Industrie, a contresigné ce qui apparaît comme l'un des plans sociaux les plus favorables de ces derniers mois : dix jours plus tôt, direction et syndicats du site Continental de Clairoix, dans l'Oise, s'étaient, en effet, accordés sur le paiement d'une prime de départ de 50 000 euros, en plus des indemnités légales, pour les 1 120 salariés concernés par la fermeture de l'usine. Un compromis qui venait clore deux mois et demi de conflit, émaillés d'actions violentes, dont l'acmé avait été atteinte avec la mise à sac de la sous-préfecture de Compiègne, fin avril.

Les salariés, qui sont payés intégralement jusqu'en octobre, ont également obtenu un congé de reconversion de 23 mois ainsi que l'assurance de toucher 75 % de leur salaire jusqu'en 2014. Eux qui s'étaient vu proposer, le jour de l'annonce de la fermeture de l'usine, en mars, une prime de départ de 17 000 euros, ont eux-mêmes approuvé le nouveau texte, le 29 mai, à l'unanimité.

Après avoir fait la une de tous les journaux, les récentes actions «coups de poing» ont donc payé... Sur la base d'une trentaine de conflits «significatifs» qui se sont déroulés ces trois derniers mois, le cabinet d'audit social Epsy a fait les comptes : une action violente rapporte environ 30 000 euros aux salariés.

Limiter les vagues

« Avant les conflits, les indemnités proposées s'échelonnaient entre 10 000 et 12 000 euros. Après séquestration ou occupation des sites de production, les chèques de départ atteignent une moyenne comprise entre 40 000 et 45 000 euros, à laquelle il faut ajouter un mois de salaire par année d'ancienneté », explique Jean-Claude Ducatte, le directeur du cabinet. Selon lui, ces gains, au moins 25 % plus importants que ceux qui étaient généralement obtenus au cours des conflits du début des années 2000, sont dus à l'intense médiatisation qui a accompagné la mobilisation. « Il y a encore une dizaine d'années, en cas de conflit, syndicats et direction, unanimement soucieux de limiter les vagues, trouvaient rapidement à s'accorder, souligne Jean-Claude Ducatte. Les récents événements ont montré, a contrario, que, dans certaines entreprises, majoritairement d'origine anglo-saxonne, faute de culture de la négociation collective, les tensions se sont exacerbées. » En 2009, les directions ont également souvent été saisies à la gorge par l'occupation des outils de production. « Du jamais-vu depuis le conflit Lip en 1974 », souligne le directeur d'Epsy.

Meilleures garanties, mais insuffisantes

Au lendemain de la mobilisation, rares sont cependant les syndicalistes qui ont le sentiment d'avoir «gagné» quelque chose. Les 110 licenciés (sur un effectif de 230 personnes) du site 3M Santé de Pithiviers, dans le Loiret, auront beau partir avec un chèque de 30 000 euros, soit près de quatre fois le montant proposé avant la séquestration du directeur industriel du groupe, le 26 mars, Jean-François Caparros, délégué syndical central FO du groupe pharmaceutique, ne cache pas son amertume. « L'enveloppe globale du plan social est, certes, passée de 10 à 15 millions d'euros, précise-t-il. Mais, selon nos estimations, c'est 20 millions d'euros qu'il aurait fallu pour permettre aux plus de 53 ans de toucher leur salaire jusqu'à la liquidation de leur retraite. C'est-à-dire des conditions équivalentes aux derniers plans sociaux réalisés par l'entreprise. » Selon le chercheur au Cevipof et spécialiste des mouvements sociaux Guy Groux, il est de toute façon « difficile de parler de «victoire» à propos de ces «conflits en creux» qui n'ont jamais obtenu que des garanties individuelles plus favorables ».

A l'exception de celle des salariés du sous-traitant automobile Molex, qui ont vu le plan social suspendu par voie judiciaire, fin mai, pour défaut d'information du comité d'entreprise, les violentes mobilisations de ces derniers mois ont, en effet, été impuissantes - si tant est qu'elles en aient eu l'ambition - à préserver l'emploi.

L'emploi reste menacé

Même du côté de Caterpillar, en Isère, un des conflits les plus durs de la période, la sauvegarde de 133 emplois (sur un plan social portant initialement sur 733 postes) reste encore suspendue à la signature d'un accord sur l'aménagement du temps de travail, qui devra intervenir, au plus tard, le 1er octobre. « De fait, tant que nous ignorons sur combien de personnes il faudra répartir l'enveloppe (passée de 35 à 50 millions d'euros au cours du conflit), même les conditions de départ de ceux qui partiront malgré tout sont encore indéfinies », précise Alain Massy, délégué syndical central CFDT.