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Quels partenaires pour faire respecter la RSE ?

Enquête | publié le : 23.06.2009 |

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Quels partenaires pour faire respecter la RSE ?

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Faire respecter des normes sociales ou des codes de conduite dans toutes les filiales et tout au long de la chaîne d'approvisionnement s'apparente à un casse-tête pour les entreprises qui se veulent socialement responsables. Auditeurs, internes et externes, ONG et syndicats sont les principaux partenaires de l'entreprise dans son contrôle de la RSE.

Chaque année, les responsables de la communication des plus grandes enseignes mondiales de sport ou de distribution consultent avec nervosité l'enquête du collectif d'ONG Clean Clothes Campaign, ou celle de China Labor Watch, pour vérifier si leur entreprise y est citée. Car ces dossiers épinglent les pratiques peu sociales de certains de leurs fournisseurs, notamment des pays émergents.

Heures de travail à rallonge, salaires minima non respectés, discrimination syndicale... Ces violations avaient été relevées par les ONG, en 2008, chez de nombreux fournisseurs d'équipements sportifs travaillant en Chine pour Adidas, Nike, New Balance. En 2009, elles ciblent les fournisseurs des distributeurs discount comme les allemands Lidl et Aldi, le français Carrefour, l'anglais Tesco ou le géant américain Walmart... Auparavant, Mattel ou Hasbro aussi avaient vu les pratiques de fournisseurs peu scrupuleux étalées au grand jour.

Aversion au risque d'image

Toutes les grandes entreprises ont, désormais, développé une aversion au risque d'image et redoutent de voir les médias pénaliser leurs marques en les associant à l'exploitation des travailleurs du Sud. Problème : les politiques de RSE qu'elles affichent (à travers des chartes ou codes de conduite, des normes internationales, parfois des accords avec les partenaires sociaux locaux ou internationaux) ne se traduisent pas toujours par des améliorations réelles pour les salariés...

Prendre des engagements est un premier pas. Encore faut-il pouvoir les faire respecter tout au long de la chaîne de production ou d'approvisionnement, chez les fournisseurs, mais aussi dans toutes les filiales, y compris sur le périmètre français, où le droit du travail est plus protecteur et mieux appliqué. Ce qui n'a pas empêché un grand groupe comme Renault, pourtant engagé dans une politique de diversité, de se faire épingler par la cour d'appel de Versailles en 2008, pour deux cas de discrimination raciale.

Appuis externes et internes

Les entreprises s'appuient non seulement sur des partenaires externes, comme les auditeurs des grands cabinets d'audit non financier (Veritas, SGS...), mais aussi, dans quelques cas, sur des ONG, sur des fédérations syndicales internationales, ou encore, en interne, au-delà de leurs propres procédures de contrôle habituelles, sur les syndicats de l'entreprise dans le cas d'accords de RSE. Chacun a ses avantages et ses limites.

Audits RSE

Chaque année, des milliers d'audits commandés par les donneurs d'ordres sont menés chez des fournisseurs dans le monde. Mission assignée : vérifier la conformité des pratiques sociales dans les usines et les ateliers avec le code ou la charte imposée par le commanditaire, ou encore avec la norme privée la plus utilisée dans ce domaine, la SA 8000. Toutes sont inspirées des conventions de l'OIT.

Référentiel commun

Face à la multiplicité des audits, différentes initiatives communes de donneurs d'ordres ont vu le jour, comme celle de la Fédération française du commerce et de la distribution (FCD), à laquelle participent la plupart des grandes enseignes hexagonales. Elles consistent en un référentiel commun et un partage des résultats des audits réalisés par tous les membres. Un dispositif plus vaste, international, se met en place sous le nom de Global Social Compliance Programme (lire p. 26).

Principaux griefs faits, depuis quelques années, à ces missions : la difficulté à renseigner tous les domaines de la RSE. « Si ces audits permettent de relever des non-conformités sur certains points, comme l'hygiène et la sécurité au travail, ils sont généralement moins efficaces pour les violations en matière de temps de travail ou de rémunération, par exemple », reconnaît Bruno Colombani, responsable éthique de Casino, qui en fait pourtant réaliser régulièrement auprès des fournisseurs de l'enseigne.

Autre champ difficile à appréhender : la liberté syndicale. « Sur les droits humains, les audits sont sans doute encore perfectibles », avoue, de son côté, Céleste Cornu, responsable technique RSE chez SGS (lire l'entretien p. 31). Mais, selon elle, l'inefficacité supposée des audits tient en partie dans l'absence ou l'insuffisance de l'accompagnement des donneurs d'ordres dans les mises en conformité de leur fournisseur.

Politique d'achat

Certaines entreprises commencent d'ailleurs à revisiter leur politique d'achat. Chez Casino, par exemple, Bruno Colombani s'efforce de faire valoir auprès des acheteurs l'idée d'une fidélisation des fournisseurs qui sont susceptibles d'évoluer. Un tel «partenariat» avec des fournisseurs sélectionnés permettrait de les accompagner vers une complète conformité. « Sur certaines zones de sourcing comme la Chine, il est envisagé de poursuivre la relation commerciale au-delà d'un an, pour créer une dynamique vertueuse », annonce-t-il.

Les ONG

Les partenariats ONG/entreprises les plus fréquents relèvent davantage d'actions humanitaires ou de mécénat que du contrôle des engagements RSE. C'est, par exemple, le cas de Care, qui développe, notamment avec Lafarge, des programmes de lutte contre le sida.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a, un temps, audité les pratiques sociales des fournisseurs de Carrefour, dans le cadre d'une coopération construite autour d'une association financée par le distributeur et appelée Infans. La méthodologie d'audit avait été développée avec l'assistance de la FIDH. Pourtant, en 2002, le mandat d'Infans a été révisé pour mettre fin à l'implication systématique de l'ONG dans les audits de Carrefour.

Nouvelles coopérations

Mais de nouveaux champs de coopération ont été établis. Infans est, depuis, intervenu, notamment au Bangladesh en 2005 et 2006, pour mettre en place un programme de formation des cadres et employés des fournisseurs de Carrefour sur la période 2006-2009, avec le concours de l'ONG locale Karmojibi Nari (introduction à la charte sociale et formation de base aux droits fondamentaux au travail). L'association ne s'interdit pas de mener, aussi, des contrôles inopinés, ou de mandater pour cela des ONG locales, ce qu'elle a fait dans ce pays en 2006 (6 usines ont été visitées), et de nouveau fin 2007, pour vérifier la mise en oeuvre de ses recommandations à Carrefour.

Militant pour l'élaboration de normes communes aux grands du secteur, la FIDH a accepté de rejoindre le conseil consultatif du Global Social Compliance Programme (GSCP, lire p. 26). Elle y siègera au côté de l'UNI (fédération syndicale internationale du secteur de la distribution), consacrant une nouvelle convergence entre ONG et syndicats.

Les syndicats

Un peu plus de 70 entreprises ont signé un accord-cadre international (ACI), par lequel elles s'engagent avec les partenaires sociaux à déployer une politique de RSE. Les signataires peuvent être les fédérations syndicales européennes et internationales du secteur concerné, les syndicats de l'entreprise, ou tous ces acteurs à la fois. Renault et EDF, qui vient de renouveler son accord-cadre international (lire p. 28), ont, par exemple, choisi cette option.

Les plus récents de ces accords établissent le rôle des syndicats signataires en matière de suivi des engagements. L'exercice a aussi ses limites : les fédérations internationales ont de faibles moyens et les affiliés locaux n'ont pas toujours une expertise réelle de la RSE et des droits sociaux fondamentaux, sans compter que les pays n'ayant pas ratifié les conventions de l'OIT sur le droit syndical (la Chine, mais aussi les Etats-Unis notamment) sont parfois purement et simplement exclus du périmètre de l'accord.

Organisations affiliées

« Le suivi de l'application d'un accord dépend essentiellement de l'implication de nos organisations affiliées. Si nos organisations nationales ne nous font pas remonter les informations, nous n'avons pas de moyens d'intervention », reconnaît, ainsi, Patrick Dalban Moreynas, chargé du secteur hôtellerie-tourisme à l'Uita, fédération internationale qui couvre, notamment, le secteur hôtellerietourisme.

« Les réflexions les plus récentes des entreprises qui souhaitent s'engager visent à mobiliser des acteurs locaux de l'entreprise, indique François Fatoux, secrétaire général de l'Orse (Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises). C'est, par exemple, le cas d'EDF, dont l'accord prévoit la déclinaison des engagements du groupe dans un cadre national négocié ; c'est aussi celui de PSA, dont l'accord stipule que chaque engagement fait l'objet d'une évaluation annuelle pour l'ensemble des 110 filiales concernées et que cette autoévaluation doit être présentée aux syndicats locaux, invités à la commenter. L'ensemble permet d'élaborer une vision du niveau d'engagement de l'entreprise dans le monde avec l'avis des syndicats. » L'intérêt majeur de ces partenaires internes de la RSE : une représentation des salariés dans toutes les filiales peut agir comme un système d'alerte des risques sociaux, tout en assurant une meilleure maîtrise de la communication vers l'extérieur. Mais aucun de ces dispositifs n'est exclusif d'un autre. Certaines alertes des partenaires sociaux conduisent à commander un audit ciblé ; des enseignes de grande distribution commencent à s'intéresser au travail des ONG, notamment en Asie du Sud-Est, pour travailler sur l'accompagnement des fournisseurs après les audits. La crédibilité relève de plus en plus du sur-mesure.

L'essentiel

1 Les engagements RSE ne suffisent pas. Les entreprises, qui craignent le risque de réputation, doivent contrôler le respect des normes sociales ou de leur code de conduite.

2 Ce contrôle est moins aisé à exercer dans les filiales lointaines qu'au siège. Et plus difficile encore auprès des fournisseurs.

3 Si les acteurs susceptibles d'assurer cette tâche sont multiples - auditeurs internes ou externes, ONG, syndicats -, chacun a ses limites. Et la question de la remédiation est déterminante.

Audit dans les usines chinoises

Entretien avec Olivier Prévost, directeur opérationnel Chine d'Asia Inspection, entreprise spécialisée en audit et inspection d'usines.

E & C : Comment se déroulent vos audits sociaux ?

O. P. : Le protocole est essentiellement fixé par les normes SA 8000 et ETI (Ethical Trade Initiative). S'y ajoutent quelques questions propres aux codes internes de nos commanditaires. Nous vérifions sept chapitres : sécurité-hygiène, travail des enfants, travail forcé, liberté d'association et discrimination, pratique disciplinaire, temps de travail, rémunération.

La plupart des audits sont réalisés en un jour par un auditeur. Si l'usine comprend plus de 500 salariés, deux jours et deux auditeurs sont nécessaires. Nous expliquons toujours le résultat de l'audit à la direction.

E & C : Quelles sont les non-conformités les plus importantes ?

O. P. : La sécurité et les heures de travail. Elles posent problème dans 10 % à 20 % des usines que nous inspectons en Chine. Le travail des enfants est, en revanche, rare, ici, notamment par rapport à ce qu'on peut constater en Inde, au Bangladesh ou au Vietnam. Sur plus de 400 inspections que nous effectuons chaque année en Chine, nous rencontrons moins de cinq cas.

E & C : Comment faire un audit efficace au milieu des soupçons de fraude ?

O. P. : Pour la fraude, nous faisons soit des audits surprises, soit nous prévenons les usines la veille. Ce qui laisse peu de temps pour forger de fausses preuves. Par ailleurs, nous prévenons la direction que chaque information dissimulée est rapportée comme la pire des fraudes possibles. Dans la grande majorité des cas, les usines chinoises comprennent bien où est leur intérêt.