Dans le rapport qu'il adresse à François Fillon après saisine du Premier ministre au Conseil d'analyse de la société, le raisonnement de Luc Ferry prouve que ce n'est pas la crise financière qui a fini par atteindre l'économie réelle et donc l'emploi. D'abord économique, voire sociale, la crise est devenue progressivement financière, puis politique.

Selon l'auteur de ce rapport, dans un contexte d'économie globalisée, les pays occidentaux les plus industrialisés ont connu une bipolarisation croissante du monde du travail avec, d'un côté, des travailleurs très formés bénéficiant de fortes rémunérations et, de l'autre, une masse de salariés faiblement rétribués parce que moins qualifiés. La mondialisation ayant, ainsi, fonctionné comme laminoir de l'emploi «milieu de gamme» et obligé l'économie à faire de la croissance sans pouvoir d'achat. D'où le recours à l'endettement, dans les pays anglo-saxons notamment.

Si l'analyse semble frappée au coin du bon sens, puisque les difficultés économiques liées à la globalisation datent manifestement d'avant la crise financière, on peut se demander dans quelle mesure, justement, elle ne tend pas à gommer l'incidence de la tyrannie galopante des taux de profit au détriment de la logique industrielle. Mais, à quoi bon chercher lequel est premier, de la poule ou de l'oeuf ? A défaut d'être parfaitement convaincante, l'argumentation de l'ancien professeur de philosophie a le mérite de la clarté et de l'élégance.

Mais l'auteur n'en reste pas là. Il nous invite à reprendre en main les fils d'une histoire, qui s'agite trop souvent hors la volonté des hommes, dans un beau projet citoyen à l'échelle européenne.

Luc Ferry est président délégué du Conseil d'analyse de la société (CAS), philosophe, universitaire, ancien ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche (2002-2004).