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« Les entreprises du Net exigent une DRH de proximité »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 12.05.2009 |

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« Les entreprises du Net exigent une DRH de proximité »

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Internet a créé un ensemble d'entreprises aux valeurs, à la culture et au fonctionnement spécifiques par rapport à l'économie traditionnelle. La gestion de leurs ressources humaines, elle aussi, se distingue. Rapidité, proximité, partage et innovation en sont les maîtres mots.

E & C : Vous avez lancé officiellement le Club des DRH du Net, le 2 avril*, afin de réunir ces professionnels autour de problématiques communes. Quelles sont-elles ?

Geoffroy Fourgeaud : La principale concerne le recrutement. L'ensemble des membres de notre club éprouvent des difficultés à trouver des candidats, tant en termes de qualité de profil que de quantité, pour occuper les métiers spécifiques à Internet. Une autre problématique à laquelle nous sommes confrontés est liée à la méconnaissance de nos métiers. Il faut, aujourd'hui, être capable d'établir une fiche de poste, d'identifier le profil à lui associer, tout comme les compétences, la formation et, évidemment, le salaire. Comme nous peinons encore sur certains postes, nous payons plus cher et avons parfois, aujourd'hui, l'impression de jouer hors cadre.

E & C : Quelles sont les particularités de votre secteur et celles de sa gestion des ressources humaines ?

G. F. : Elles sont directement liées à notre média. Rapide, dynamique, il impose l'innovation permanente. La moindre idée peut être obsolète au moment même où elle est mise en ligne, car un concurrent l'a lancée la veille. Les délais sont plus courts, les impacts immédiatement mesurables. Le temps de la réflexion est réduit à son minimum. Une course galvanisante, mais également usante. D'ailleurs, dans le référentiel métiers que nous avons construit au sein du Club, une composante est récurrente : la capacité à gérer le stress.

Concernant la GRH, sa spécificité est la gestion de la matière grise. Autrement dit, celle d'une population de niveau d'études supérieures, quasi exclusivement cadre, d'une moyenne d'âge de 30 ans. D'où de fortes exigences d'écoute et de facilitation dans leur travail. Cela implique une direction des RH de proximité. Les salariés ont besoin de se sentir soutenus. L'esprit pionnier du web où tout est «né dans le garage» est toujours vivace. On est dans le partage. En termes de politique RH, cette culture d'entreprise se traduit, notamment, par la mise en place de services aux salariés, habituels dans les grandes entreprises mais plutôt rares dans une PME. Ainsi, dans mon entreprise (Voyages.sncf.com, un peu moins de 300 personnes), nous avons proposé des Smart comme voitures d'appoint, des Cesu préfinancés, une mini-conciergerie, une part mutuelle très importante - les cotisations mensuelles des salariés égalent 1 euro -, des avantages comité d'entreprise... Au total, cela représente un montant de 4 000 à 5 000 euros par an et par famille avec enfants en bas âge.

Mes interlocuteurs internes attendent aussi de moi que je suive le mouvement imposé par le média, et cela se traduit par de nombreuses mobilités fonctionnelles. Les salariés n'acceptent aucun temps mort dans leur carrière. Pas question, pour eux, de s'ennuyer. Un changement de métier ne les effraie pas. Leur moteur ? Les expériences nouvelles. Dans notre entreprise, nous réalisons 15 % de mobilité par an. Ainsi, il m'est arrivé de transférer un salarié du marketing à l'informatique. En tant que DRH, il faut donc être créatif et ne rien s'interdire concernant les parcours professionnels. Et ne pas lésiner sur l'effort formation. Car l'univers web apporte sans arrêt de nouveaux langages informatiques, de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles approches marketing qu'il faut intégrer et maîtriser.

E & C : Quels sont les enjeux de cette GRH ?

G. F. : Nous veillons, aujourd'hui, à encadrer plus attentivement la filière expertise, que l'on a tendance à abandonner, en France, au profit de celle du management. C'est d'autant plus vrai dans notre secteur. Arrivés très jeunes, nos salariés ont grandi avec l'entreprise. Alors que certains n'avaient ou n'ont ni le goût ni les capacités à manager. La GRH dans le secteur Internet doit également s'intéresser à une meilleure mixité de sa population. J'ai ainsi recruté quelques quadras, plus enclins à la mesure, à la prise de recul et à une vision stratégique de moyen terme. Pour autant, il n'est pas si simple de recruter. Comment trouve-t-on des candidats, sachant que tout le monde - surtout les SSII - s'arrache les mêmes profils ? Cette réalité exige un marketing RH transparent et de l'inventivité en matière de sourcing. Il faut donc intégrer les réseaux des candidats en étant, par exemple, présents sur les bons groupes de discussion. Notre objectif est d'être visibles. On réfléchit, ainsi, à l'idée d'un recrutement en commun. Pourquoi ne pas installer sur les forums recrutement un stand unique, mais imposant, avec plusieurs entreprises du web ?

E & C : Existe-t-il un profil de «DRH du Net» ?

G. F. : Nos outils changent, mais les fondamentaux sont identiques à ceux de l'économie traditionnelle. Un plan de formation reste un plan de formation. Le DRH du Net ressemble à celui des PME. Même si de nombreux sites Internet n'ont pas véritablement de directeur RH, mais plutôt des responsables RH, seuls aux commandes de la fonction. Précisons, en effet, que les entreprises du Net qui dépassent les 300 salariés se comptent sur les doigts d'une main. Le spécialiste RH arrive, en général, en cours de route, espérant que les mauvaises habitudes intrinsèques à l'univers Internet ne se soient pas trop installées. Quant au profil, aucun modèle précis ne se distingue. Nous venons, indifféremment, des nouvelles technologies, de l'industrie ou des services. Peu, néanmoins, ont fait toute leur carrière dans le web.

* Lire Entreprise & Carrières n° 949 du 7 avril 2009.

PARCOURS

• Geoffroy Fourgeaud est le DRH de voyages-sncf.com depuis 2005 et président du Club des DRH du Net, depuis octobre 2007.

• Il est également maître de conférences à Sciences po Paris depuis 2008.

• Titulaire d'un MBA de l'ESCP, il a occupé, pendant dix ans, différents postes en formation, en communication, puis dans le conseil, avant d'être DRH chez Jean-Paul Gaultier SA durant six ans.

LECTURES

Un monde sans fin, Ken Follet, Robert Laffont, 2008.

L'entreprise réconciliée, Jean-Marie Descarpentries et Philippe Korda, Albin Michel, 2007.

L'esprit des Lumières, Tzvetan Todorov, Robert Laffont, 2006.

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