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Les pratiques

L'Alsace se mobilise pour sauver l'emploi frontalier

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 07.04.2009 |

Alertés par le reflux de salariés d'Allemagne, après des décennies de croissance ininterrompue, pouvoirs publics comme structures privées ont multiplié, depuis quatre ans, les actions afin de relancer la mécanique dans l'autre sens.

La statistique de 2004 avait donné l'alerte : cette année-là, l'Alsace avait perdu 4 000 de ses emplois frontaliers en Allemagne. Depuis, le total a varié à la hausse ou à la baisse au gré de la conjoncture, pour se stabiliser autour de 30 000. Mais, dans la région, s'est installé le sentiment qu'aller travailler outre-Rhin ne signifiait plus être à l'abri du chômage pour toute sa carrière.

Parcours sur mesure

La thématique inédite de la gestion du retour à l'emploi des frontaliers a fait l'objet d'un programme européen «Equal» d'un montant de 1,3 million d'euros entre 2005 et 2008, associant le conseil régional et le service public de l'emploi au coordinateur, le GIP-FCIP Alsace (1). Les quelque 1 000 nouveaux chômeurs suivis « présentaient une trajectoire professionnelle difficile à cerner. Ils ne pouvaient souvent brandir qu'un certificat d'employeur sans valeur juridique en France, ce qui les rangeait dans la catégorie «divers» de l'ANPE », rappelle la directrice du GIP, Elisabeth Eschenlohr. Au bout d'un parcours sur mesure, fait d'un bilan de compétences puis d'un accompagnement individualisé soit vers la VAE, une formation ou l'aide à la recherche d'emploi, 495 personnes au moins ont retrouvé un emploi, en France, en Allemagne ou en Suisse.

Les licenciements ont balayé une autre certitude : la faible qualification n'était pas un handicap. « Traditionnellement, les frontaliers interrompaient très tôt leurs études. La tertiarisation de l'économie et la montée en gamme technologique, dans des secteurs phares comme la métallurgie et la machine-outil, nous ont obligés à prendre le volet formation à bras le corps », souligne Daniel Marchal, directeur régional adjoint de l'Afpa.

Programmes européens

Parmi les actions spécifiques, deux programmes européens Interreg d'un montant total de 1,6 million d'euros (avec l'Afpa, le Greta, le rectorat...) ont été conduits dans l'espace transfrontalier Pamina (2) depuis 2004. Dans celui en cours, le Pass Reconnaissance permet aux salariés de faire valoir leurs compétences auprès d'employeurs sans considération de frontières. En l'absence de VAE en Allemagne, le document apporte une réponse informelle utile. Un BTS «assistant technique d'ingénieur» forme à une qualification binationale 11 personnes, des licenciés du chimiste Dow et des salariés français de l'aciériste allemand BSW.

Le troisième volet de ce programme, intitulé «langue du voisin», vise, pour son public français, à remédier au recul de la pratique de l'allemand. « Et c'est bien LE souci transversal », estime Pascal Fechter, conseiller formation au Greta Nord-Alsace, dont les actions sont cofinancées par le FSE, la région Alsace et Pôle emploi.

L'allemand au quotidien

Sur le problème de l'allemand au quotidien au poste de travail, les initiatives se multiplient. Elles émanent aussi du privé. Crit Intérim Mulhouse a monté, en 2008, deux sessions de 120 heures avec Integra, en niveau débutant, puis perfectionnement. Chacune a été suivie par neuf participants, des agents de fabrication que l'agence place régulièrement auprès d'un industriel outre-Rhin, « et dont nous connaissons la fiabilité pour les suivre depuis de nombreuses années. A la suite, certains ont pu évoluer dans leur poste », relate Adeline Rodrigue, attachée commerciale. Le cofinancement par la région est venu «labelliser» l'initiative.

Loin, donc, de se cantonner aux frontaliers en retour, les réponses visent à assurer les meilleures chances de placement à ceux qui désirent travailler outre-Rhin sans encore en avoir fait l'expérience. Pionnier en la matière, le réseau Eures-T poursuit notamment son action avec le programme «Du diplôme à l'emploi», dont la combinaison coaching et stage favorise l'immersion dans le monde du travail voisin.

Echange permanent d'informations

Au sein de Pôle emploi, l'équipe transfrontalière apporte l'exemple le plus poussé d'un raisonnement sur un bassin d'emploi faisant fi des barrières géographiques. Elle crée un échange permanent d'informations sur les offres et demandes d'emploi entre quatre conseillers basés dans l'agence de Strasbourg-Meinau et trois homologues de la région allemande voisine de l'Ortenau. Elle organise aussi des ateliers «travailler dans l'Ortenau», et son forum de recrutement de l'automne dernier, à Strasbourg, a permis à vingt employeurs allemands de présenter leurs offres.

Massive et multiforme, la mobilisation fait grincer des dents certains employeurs alsaciens, qui y voient une fuite organisée d'une main-d'oeuvre, de surcroît, formée en France. Mais le consensus politique s'est établi pour estimer qu'il vaut mieux un emploi ailleurs que pas d'emploi du tout. Les frontaliers alsaciens, en Allemagne comme en Suisse, apportent une sacrée soupape : jusqu'à la crise de l'automne dernier, ils étaient aussi nombreux que les chômeurs de la région.

(1) Groupement d'intérêt public - Formation continue et insertion professionnelle, structure relevant du rectorat.

(2) Palatinat du Sud, Mittlerer Oberrhein, Nord de l'Alsace.

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