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Des fonds d'urgence débloqués pour la formation

Les pratiques | publié le : 31.03.2009 |

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Des fonds d'urgence débloqués pour la formation

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Opca, Etat, régions, voire FSE se mobilisent rapidement pour financer des formations destinées aux salariés touchés par le chômage partiel. Mais ces mécanismes de financement exceptionnels sont complexes.

Le chômage partiel s'emballe. Selon l'Insee, 146 000 personnes ont été en chômage partiel ou technique rien qu'au dernier trimestre 2008, soit trois fois plus qu'au troisième trimestre. Alors, pourquoi ne pas utiliser ce temps disponible pour lancer des formations ? A la DRTEFP de Rhône-Alpes, un directeur adjoint reconnaît que « la réalité des entreprises, c'est désormais de faire tantôt du chômage partiel, tantôt des formations. L'important, c'est de maintenir le lien entre le salarié et son entreprise, pour assurer le maintien du revenu ». « En situation de crise, il faut mobiliser les financements plus vite pour éviter les licenciements, souligne cet observateur. Nous ne pouvons plus nous baser sur le seul critère des plus bas niveaux de qualification et de la lutte contre les discriminations. » C'est aussi l'enjeu du fonds de sécurisation des parcours professionnels, doté de 360 millions d'euros pour 2009 (900 millions en 2010), qui doit remplacer, prochainement, le Fonds unique de péréquation.

Doper les compétences des salariés

En attendant, les régions - Lorraine, Alsace, Rhône-Alpes, Pays de la Loire, Franche-Comté... -, inquiètes pour l'emploi local, ont voté, depuis janvier, des financements d'urgence pour doper les compétences des salariés jusqu'à la sortie de crise. La Lorraine, par exemple, a débloqué un million d'euros pour former 15 000 salariés. L'Alsace lance, elle, une aide immédiate d'un million d'euros destinée à la formation de bas niveaux de qualification, de 3 à 5 euros par heure et par salarié, plafonnée à 150 000 euros par entreprise. En Rhône-Alpes, c'est une enveloppe de 1,7 million d'euros qui est consacrée à cette situation exceptionnelle. L'Agefos-PME de Rhône-Alpes a, ainsi, obtenu une subvention de la région de 250 000 euros pour soutenir les coûts pédagogiques et la rémunération de 250 salariés de la vallée de l'Arve (Haute-Savoie). Les premières actions consistent à renforcer les savoirs de base, les compétences attachées au métier occupé (par exemple, en management pour des agents de maîtrise) et celles de formateur. Soit des actions longues se concluant par une validation, surtout proposées aux opérateurs, aux Etam et aux seniors.

Un «fonds d'amorçage» en faveur des PME-TPE

Les Opca ont également débloqué des fonds exceptionnels. Le 19 février, l'Agefos-PME a, ainsi, annoncé un «fonds d'amorçage» de 70 millions d'euros en faveur des PME-TPE. Le 11 mars, l'Opcaim (métallurgie) a tenu un conseil d'administration extraordinaire pour décider d'une enveloppe de 50 millions d'euros immédiatement mobilisable. Elle servira à garantir 50 % du salaire brut pour plus de 20 000 salariés en formation, dans la limite de 200 heures, afin d'obtenir une certification, un titre ou un diplôme. Ces formations ne pourront pas être réalisées durant les heures autorisées du chômage partiel, pour éviter le cumul des rémunérations. « Nous incitons les salariés à utiliser le DIF acquis et disponible », indique une porte-parole de l'Opcaim.

Le Forthac (chaussure, couture, cuirs et peaux, entretien textile, et habillement et textile) Nord-Pas-de-Calais est, lui aussi, passé à l'action. Dix millions d'euros (dont 2 à la charge de l'Etat et 8 supportés par l'Opca et les entreprises) sont mobilisés sur trois ans, pour 10 000 salariés. Les parcours préconisés concernent surtout des formations certifiantes et des remises à niveau, avec ou sans VAE. Lorsque le salarié sera en chômage partiel, il sera indemnisé par l'entreprise et par l'Etat, selon un barème plus favorable que le droit commun. Durant son stage, la rémunération sera maintenue par l'employeur, tandis que le niveau de remboursement par le Forthac dépendra de l'effort de formation. De son côté, l'Opca Transports a annoncé, le 16 mars, un soutien de 4 millions d'euros pour aider ses entreprises à surmonter la crise (lire Entreprise & Carrières n° 947). Avec, à la clé, des formations gratuites à la conduite pour les entreprises de moins de 10 salariés.

L'Etat et le FSE à la rescousse des entreprises

L'Etat comme le FSE peuvent également venir à la rescousse des entreprises. Celles-ci pourront obtenir des fonds Adec (actions de développement de l'emploi et des compétences), mobilisés par l'Etat en faveur des publics qui, d'habitude, bénéficient le moins des formations, en complément de fonds du FSE. Mais, pour l'heure, aucune indication générale n'a été donnée concernant le montant alloué à cette aide spécifique. De même, pour le moment, le FSE ne dispose pas d'une enveloppe particulière pour cette situation totalement inédite en Europe.

PSA : des financements incertains

Chez PSA Peugeot Citroën, direction et syndicats négocient, depuis le 12 mars, un accord d'articulation du chômage partiel et de la formation pour garantir aux salariés 100 % de leur rémunération nette. Car les premières formations aux «méthodes et performance Lean industriel» (cursus certifiant de 70 heures) seront conduites durant les jours chômés.

Du coup, la question de savoir qui supportera les rémunérations des stagiaires est encore en suspens : « Les mécanismes financiers sont encore à définir avec l'Etat et les partenaires sociaux », répond un représentant de la direction.

Le textile maille les jours de cours et de chômage

Trois syndicats patronaux du textile du Nord-Pas-de-Calais (UIT Nord, Uric et Uniret) démarrent, actuellement, avec l'Etat, un «dispositif expérimental de sécurisation des salariés du secteur textile habillement» pour une cinquantaine d'entreprises sur 300. « Le principe est qu'un établissement qui doit recourir à huit jours chômés dans le mois en consacre autant à la formation », explique Bernard Vandeputte, responsable du Forthac régions du Nord, qui gère ce dispositif. Reste à traduire dans les faits cette idée simple. Pour l'heure, les projets de formation viseront surtout des formations certifiantes et des remises à niveau, avec ou sans VAE. Il s'agira d'actions collectives (lutte contre l'illettrisme, management) ou individuelles (en vue d'une mobilité interne ou externe).

Convention avec la DDTEFP

Au préalable, chaque entreprise aura conclu une convention avec la DDTEFP. Car le dispositif autorise, à titre exceptionnel, le versement à l'entreprise de l'allocation spécifique de chômage partiel, même dans la situation où les établissements appliquent la modulation du temps de travail. Cette disposition sera toutefois contrôlée pour que les entreprises ne rémunèrent pas les salariés en poste avec des allocations de chômage partiel. Ainsi, celles qui auront utilisé moins d'heures de chômage que prévu, ou bien qui auront atteint ou dépassé 35 heures hebdomadaires en moyenne sur la période de leur convention, devront « régulariser les salaires des salariés concernés », ainsi que les charges sociales. Contrepartie demandée : ne pas supprimer d'emplois durant la période de la convention, de trois ou six mois renouvelables selon les projets de formation.

L'entreprise pourra se faire rembourser ses coûts salariaux de deux manières : par une prise en charge du Forthac - variable selon son dépassement, ou non, de l'obligation légale - durant les périodes de formation, ou bien par l'allocation publique de l'Etat pendant les jours de chômage partiel. L'indemnisation des heures chômées sera de 5,08 euros de l'heure (au lieu du taux de 3,33 euros prévu par le droit commun) pour les entreprises de plus de 250 salariés, ou de 5,34 euros de l'heure pour les moins de 250 salariés.

L'Opca indique que ses fonds mobilisés intègrent le complément Adec issu de son accord régional avec l'Etat. Il espère aussi un appui du FSE et, surtout, du nouveau fonds de sécurisation (FNSPP), très attendu par les dirigeants du Forthac national : « Nos maquettes régionales font exploser le budget de l'accord-cadre du 5 février signé avec le secrétaire d'Etat Laurent Wauquiez, qui prévoit 40 millions d'euros (dont 10 millions d'euros de l'Etat et 30 millions apportés par l'Opca et les entreprises), sur trois ans, pour 10 000 personnes, prévient Xavier Royer, le directeur du Forthac. Nos schémas font état de 8 000 salariés en un an. Nous ne pourrons pas suivre sans le fonds de sécurisation. »

L. P.

Mancini forme ses chauffeurs au quart de tour

En Lorraine, l'entreprise de fret Mancini (16 salariés) est la première à bénéficier de l'aide votée par la région à la fin janvier (un million d'euros) pour soutenir des formations alternatives au chômage partiel. La collectivité lui verse 5 000 euros pour alléger les coûts salariaux de neuf personnes qui viennent déjà de bénéficier, selon les cas, de 21 heures ou de 42 heures de formation.

Anticipation des besoins

Jean-Bernard Vion,directeur associé, n'en revient pas : « Le mois dernier, mon dossier a été examiné et accepté en quinze jours. » Ses salariés viennent de terminer des formations en conduite rationnelle (économie de carburant et entretien des véhicules) et des permis Caces - grue et transport de matières dangereuses. L'entreprise en a besoin pour diversifier son activité de négoce et de transport d'agrégats, ce à quoi elle se prépare depuis un an. « Nous ne faisons qu'anticiper des formations que nous aurions faites, de toute façon », résume le directeur. Les modules ont eu lieu durant le temps de travail et au titre du plan de formation. La PME n'a pas reçu d'appui de son Opca (Opca Transports), auquel elle ne verse que la cotisation obligatoire du 0,15 % professionnalisation. « On m'a proposé des cours d'anglais pour les chauffeurs », rigole le dirigeant.

C'est avec l'Agefos-PME qu'il a bâti son projet. L'Opca, lui, a déjà proposé de contribuer pour plus de 30 % du budget de l'opération, qui s'élève à 14 000 euros (cours, salaires et frais). Le bouclage financier sera bientôt prêt. Mancini a déjà pioché dans ses fonds propres à hauteur de 10 000 euros, pour couvrir plus de la moitié des coûts pédagogiques, ainsi que les frais annexes. Mais le conseiller Agefos, Mickaël Dorget, affirme qu'« au final, son coût sera celui d'une année de cotisation, soit près de 3 000 euros », grâce à la combinaison de l'aide régionale et de la prise en charge Agefos.

Maintien de l'effectif

En attendant, c'est le maintien de l'effectif qui préoccupe le dirigeant. « J'ai demandé à la DDTEFP de m'accorder la possibilité du chômage partiel, mais je veux l'éviter. » Comme pour rassurer les salariés sur ses intentions, il avait préalablement soumis aux délégués du personnel un accord salarial qu'ils ont signé à l'automne. « Nous garantissons les rémunérations - soit le salaire de base plus 20 heures supplémentaires - sur une période de six mois, quoi qu'il arrive. En contrepartie, les salariés ont «confié» à l'entreprise l'initiative de poser leurs jours de congés restants pour 2008, plus une semaine en 2009. »

L. P.

L'essentiel

1 Rhône-Alpes, Lorraine, Alsace, Pays de la Loire, Franche-Comté... Toutes ces régions ont débloqué des fonds exceptionnels pour doper les compétences des salariés jusqu'à la sortie de crise.

2 De même, les Opca sont passés à l'action. L'Agefos-PME prévoit, ainsi, 70 millions d'euros en faveur des PME-PMI ; l'Opcaim, 50 millions d'euros. Le Forthac (textile) a, lui aussi, mis la main à la poche.

3 L'Etat se mobilise également via les fonds Adec (actions de développement de l'emploi et des compétences), en complément des financements du FSE.