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Quand divertissement rime avec management

Les pratiques | publié le : 16.12.2008 |

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Quand divertissement rime avec management

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Envoyer ses collaborateurs apprendre à rire, à manoeuvrer un cheval dans un manège ou à jouer de l'épée comme Zorro... Pas très sérieux a priori. Pourtant, les formations atypiques séduisent un nombre croissant d'entreprises qui ont compris que leurs salariés assimilent mieux les messages quand on les amuse ou qu'on les surprend.

Directeur de la performance commerciale et logistique chez Lafarge, Louis-Antoine Lauvergne se souvient encore de sa rencontre avec Elliott. Fringant mais rebelle, ce collaborateur atypique se plaît à tester le sens du leadership des managers qui le prennent en charge. Doué d'une grande sensibilité, Elliott surréagit au moindre signal. Perçoit-il une indécision ? Il n'en fait qu'à sa tête. Son manager appuie-t-il un peu trop un geste ou hausse-t-il le ton pour faire exécuter un ordre ? Il s'emballe, prend peur, perd confiance en son interlocuteur. Ce dernier se désintéresse de lui ? Elliott se démotive, oublie sa feuille de route.

Certes, Elliott n'est qu'un poney, recruté pour deux jours par la société Horses & Coaching, le temps d'une formation sur le leadership. Mais il permet aux cadres qui y participent d'en apprendre beaucoup sur leur manière de manager. « La confrontation physique avec un animal est très enrichissante. Cela m'a permis de travailler la progressivité et la réactivité dans l'exercice de l'autorité. Si un cheval ne fait pas toujours ce que vous voulez, il fait toujours ce que vous lui demandez », poursuit Louis-Antoine Lauvergne.

Voilà déjà dix ans qu'Horses & Coaching met la plus belle conquête de l'homme au service des cadres qui souhaitent développer leurs compétences. Durant deux jours, ceux-ci alternent passages en manège, retours et partages d'expérience avec des coachs et les autres participants. Pas besoin de pratiquer l'équitation : il s'agit, par la voix et le geste, d'amener un équidé à suivre des instructions sur un manège et à créer une relation de confiance. Durant ces exercices, Guillaume Antoine, fondateur d'Horses & Coaching, analyse la communication verbale et non verbale des managers, que les chevaux perçoivent de manière très fine.

Disciplines originales

Horses & Coaching fait partie de ces formations managériales atypiques qui s'appuient sur des médiations ou des disciplines originales. Que ces dernières soient de nature sportive, artistique, spirituelle, scientifique, voire relèvent de l'art de vivre, elles sont censées être très efficaces. Rares sont les organismes de formation qui évoquent l'agrément ou le plaisir qu'en retirent les participants. Pourtant, on sait depuis les jeux éducatifs de Fernand Nathan qu'on apprend mieux en s'amusant. Et cela vaut aussi pour les adultes : la dimension ludique ou émotionnelle de ces séminaires contribue à l'implication des participants et à la mémorisation des savoirs. Qu'il s'agisse d'améliorer son leadership, de résoudre les conflits ou de renforcer la cohésion d'une équipe.

C'est particulièrement vrai dans le domaine sportif. Frédéric Delpla, champion olympique d'escrime, propose, ainsi, des séminaires sur la motivation, assaisonnés de séances d'entraînement à l'épée : « L'avantage de ce sport, c'est que les règles sont archi-simples et que tout le monde peut s'y amuser. J'apporte mon expérience de sportif pour parler de motivation, de la manière dont on progresse en se fixant des objectifs intermédiaires, de la gestion de l'échec. Tous ces thèmes sont transposables à ce que vivent les salariés en entreprise. »

JCB, un constructeur de matériel et d'équipements pour le BTP, a testé la formule pour ses équipes de vente. « Nos vendeurs ont beaucoup apprécié l'alternance d'exercices sportifs et d'échanges sur leur vécu professionnel. Ils sont habitués à bouger, c'est difficile de leur demander de rester vissés sur une chaise plus de deux heures à écouter un formateur ou un coach. Avec l'épée, ils se sont défoulés en se prenant un peu pour Zorro. Nous avons eu de bonnes remontées, cela leur a laissé un bon souvenir », déclare Laurent d'Arnal, directeur commercial de JCB.

Littérature et musique ouvrent des espaces d'échanges

L'art peut aussi être mis au service de la formation. Ainsi, Christine Sarah Carstensen, psychothérapeute, formatrice et coauteure de la collection «Contes et entreprises», décline ce concept dans des séminaires d'entreprise destinés à impulser le changement ou à susciter l'adhésion à un projet. Les grands contes ont pour point commun de poser une problématique de départ, de confronter les bons protagonistes à des difficultés qu'ils finissent par résoudre. A partir de ce schéma classique, Christine Sarah Carstensen propose à des salariés de s'appuyer sur des contes comme Le chat botté, qui offrent plusieurs niveaux de lecture, pour analyser les problèmes auxquels ils sont confrontés. « La transposition libère la parole. Les participants s'expriment plus facilement quand on fait un détour par l'imaginaire pour revenir ensuite à leur réalité professionnelle. »

Dans le registre musical, le cabinet-conseil en ressources humaines Alalma propose des séminaires de développement managérial intitulés Mythe & Opéra. Le concept ? Faire vivre en musique le parcours d'un héros confronté à des épreuves fondamentales qui entrent en résonance avec des problématiques managériales. Chaque mythe est choisi pour sa pertinence au regard de la problématique que le responsable souhaite aborder avec ses équipes. Pour le Forum du management du groupe La Poste, Alalma a proposé Le barbier de Séville, de Rossini, afin d'illustrer le thème «Prise de décision, incertitude et complexité», et Aïda, de Verdi, pour «Concilier les contraires». Le détour par le mythe et l'opéra ouvre un espace d'échanges, de réflexion et de créativité propice au développement managérial et à la dynamique d'équipe, explique-t-on chez Alalma. Comme pour les contes, les mythes de l'opéra libèrent la parole des participants, en sollicitant leur imaginaire.

Améliorer son image professionnelle

L'art de vivre, le savoir-vivre, le look font aussi l'objet de formations qui visent à améliorer l'image professionnelle des participants. Pour aider les salariés à adopter le style «décontracté chic» en adéquation avec ses valeurs, Suitehotel, une marque du groupe hôtelier Accor, propose, depuis 2004, deux jours de formation à ses nouvelles recrues. Ce séminaire, qui intervient juste avant leur prise de fonction, permet de travailler l'apparence vestimentaire, la communication verbale et non verbale, l'attitude et les comportements face à la clientèle. Une formation d'autant plus nécessaire que le personnel de réception est dispensé de porter l'uniforme, en vue de « créer un contact plus personnalisé avec les clients » explique la DRH, Aurore Lami.

« La difficulté, c'est de convaincre les entreprises que ce type de formation ne relève pas du gadget et qu'elle ne sera pas perçue comme intrusive par le personnel », explique Eric Pestel, président de Lookadok, qui forme le personnel de Suitehotel. Les animateurs de ces séminaires doivent, en effet, faire prendre conscience aux salariés, avec tact, des éventuels décalages entre l'image qu'ils pensent émettre et celle perçue par leurs interlocuteurs, celle de l'entreprise qu'ils représentent et la leur.

De son côté, Johanna de Baumont, cofondatrice de La Belle Ecole, qui travaille beaucoup pour des marques haut de gamme, promeut une approche ludique du savoir-vivre en entreprise. En vertu de quoi, les participants sont invités à travailler leur posture en marchant avec un livre sur la tête comme s'ils ambitionnaient de défiler pour un grand couturier.

Développement personnel

Enfin, le registre spirituel ou psychologique suscite autant d'engouement que de controverses. Ainsi, certaines formations liées au développement personnel ont-elles été parfois accusées d'escroquerie, voire de manipulation mentale.

Les entreprises qui recourent à ce genre de formations atypiques ne l'assument pas toutes. Par crainte pour leur image, elles interdisent parfois à leur prestataire de divulguer leur identité. A moins que le prestataire en question ne se serve de ce prétexte pour masquer l'absence de sérieuses références clients. Difficile de le savoir, dans ce champ foisonnant et complexe, où le pire côtoie le meilleur et où les modes se succèdent.

Les modes se succèdent

La dernière méthode «in» concerne les constellations systémiques d'entreprises (CSE) qui aideraient à clarifier les non-dits et les jeux de pouvoir au sein des organisations. Cette méthode permettrait, selon ses promoteurs, d'identifier les sources de dysfonctionnement et d'opérer les changements nécessaires. Qui paiera verra...

L'essentiel

1 A côté des formations classiques, «sérieuses», il existe une offre de formation atypique, basée sur le divertissement. Elle fait appel au sport, à l'art, à la spiritualité...

2 Par crainte que leur image en pâtisse, les entreprises hésitent souvent à afficher qu'elles ont recours à ces formations.

3 Pourtant, elles peuvent donner de bons résultats... moyennant un minimum de précautions.