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Le Medef dégonfle les parachutes dorés

L'actualité | publié le : 14.10.2008 |

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Le Medef dégonfle les parachutes dorés

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Le président de la République semble se satisfaire des recommandations émises par les organisations patronales pour contenir les abus en matière de rémunération des dirigeants d'entreprise. Le Medef et l'Afep pourraient échapper à une loi sur le sujet.

Nicolas Sarkozy avait promis d'interdire les rémunérations excessives des dirigeants. Plus d'un an après son élection, alors qu'en pleine tourmente financière, l'opinion s'émeut de parachutes dorés de plus en plus consistants, le président a sommé le Medef de proposer une régulation, sous la menace de légiférer dans ce domaine. Et l'Etat français - chose rare - s'est opposé au versement de 3,7 millions d'euros à Axel Miller, ex-président du directoire de la banque Dexia, après le sauvetage de la banque par des fonds publics.

Le Medef et l'Afep (Association française des entreprises privées) ont obtempéré en présentant, le 6 octobre, leurs «Recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé».

Ce document d'une dizaine de pages (lire le détail des propositions ci-contre) semble satisfaire le gouvernement : lors du Conseil des ministres du lendemain, le 7 octobre, une communication a été présentée, qualifiant les propositions du Medef et de l'Afep d'« ensemble ambitieux et cohérent, de nature à rétablir le lien entre performance et rémunération ».

Application rigoureuse

Mais le gouvernement demande aux conseils d'administration des entreprises concernées (les seules entreprises cotées) d'« adhérer formellement à ces recommandations avant la fin de l'année 2008 et de veiller à leur application rigoureuse », brandissant une nouvelle fois la menace législative : « A défaut, (il) traduira ces recommandations dans un projet de loi dès le début 2009 ».

En outre, si la question des parachutes dorés lui semble traitée, le gouvernement a jugé le document un peu léger sur la question des stock-options, et a prévu de déposer un amendement au projet de loi sur les revenus du travail, qui sera examiné au Sénat le 27 octobre. Objectif : conditionner l'attribution de stock-options (ou tout autre dispositif équivalent) pour les dirigeants à la mise en place d'un système de stock-options, d'actions gratuites, d'intéressement ou de participation dérogatoire pour l'ensemble des salariés. Depuis, le cabinet du ministre du Travail a affiné la formule : si un tel dispositif existe déjà, il devra impérativement être amélioré pour permettre des versements d'options.

Restaurer la motivation des salariés

Cette moralisation des rémunérations patronales suffirat-elle à restaurer la motivation des salariés, et notamment des cadres, qui ont découvert, ces dernières années, les sommes ahurissantes que s'accordaient leurs dirigeants ? Alors que leur pouvoir d'achat est menacé, ils ont vu Daniel Bernard, à Carrefour, Jean-Noël Forgeard, à EADS, Antoine Zacharias, chez Vinci, ou encore Patricia Russo et Serge Tchuruk, chez Alcatel-Lucent, quitter leur entreprise, souvent mal en point, avec des indemnités faramineuses. Il est patent que la situation préconflictuelle relevée par certains experts du social dans de nombreuses entreprises tient, en partie, à ces disparités de traitement.

Il demeure que la fiscalisation de ces parachutes n'a pas été évoquée (alors que l'intéressement et la participation vont être taxées) et qu'un point reste flou sur les circonstances de leur attribution : comment caractériser l'échec du dirigeant le privant des indemnités de départ dont il est censé bénéficier ?

Au cabinet de Xavier Bertrand, on considère que cette notion d'échec ne peut être définie que de façon contractuelle. C'est donc le contrat du dirigeant qui doit fixer les conditions dans lesquelles un patron peut (ou non) percevoir ses indemnités de départ. Une perspective qui fait sourire Caroline Dana, directrice du département rémunérations d'Altedia : « Les difficultés traversées par une entreprise ne sont pas forcément de la seule responsabilité du dirigeant, comme la conjoncture actuelle le prouve. » Les dirigeants en sont plus conscients que quiconque. Ils ne manqueront donc pas d'introduire des garde-fous dans les clauses relatives à l'attribution de leurs indemnités. « On peut même s'attendre à les voir négocier très sérieusement ces clauses ! », ajoute Caroline Dana. Au point de les vider de leur substance ?

De «bonnes intentions», mais avec des limites

Plus globalement, cette experte en politique de rémunération apprécie toutes les «bonnes intentions» qui sous-tendent ces textes, mais ne peut s'empêcher d'en percevoir les limites : « D'une entreprise à l'autre, leur mise en oeuvre risque d'être très hétérogène. Prenons le cas du plan d'intéressement, censé conditionner la mise en place de stock-options pour les dirigeants : si les partenaires sociaux ne sont pas vigilants - ou n'ont pas la compétence financière suffisante -, ils pourront être amenés à signer des accords d'intéressement qui ne redistribuent pas grand-chose... »

Recommandations du Medef et de l'Afep

Mettre un terme au cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail pour le président, le Pdg et le directeur général des sociétés à conseil d'administration, le président du directoire et le directeur général unique dans les sociétés à directoire et à conseil de surveillance, les gérants dans les sociétés en commandite par actions.

Mettre définitivement un terme aux indemnités de départ abusives («parachutes dorés») : pas plus de deux ans de rémunération (fixe et variable, retraites chapeau comprises) et aucune indemnité en cas de départ volontaire du dirigeant ou en cas d'échec.

Renforcer l'encadrement des régimes de retraite supplémentaires (les «retraites chapeau»), dont la valeur doit être prise en compte dans le calcul du parachute doré.

Fixer des règles complémentaires pour les options d'achat ou de souscription d'actions : subordonner l'existence d'un plan de stock-options pour les dirigeants à la mise en place de dispositifs associant l'ensemble des salariés aux résultats et mettre un terme aux distributions d'actions gratuites sans conditions de performance.

Rendre les politiques de rémunération plus transparentes à travers une présentation publique standardisée.