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Les pratiques

Editis repense les salaires au niveau groupe

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 16.09.2008 |

Après sa revente faramineuse à l'éditeur espagnol Planeta, Editis, numéro deux de l'édition, a concédé une prime de 1 500 euros brut à tous ses salariés. Et démarre des négociations salariales anticipées.

Fin août, les 500 euros complémentaires ont été versés. Après une première distribution de 1 000 euros, effectuée en juin. Comme promis, les 2 600 salariés d'Editis ont touché la totalité de la prime exceptionnelle consentie par leur direction selon les termes de l'accord signé avec les partenaires sociaux le 30 juin. S'est aussi, ensuite, déroulé, comme prévu, le 5 septembre, le premier round des négociations salariales au siège parisien de ce poids lourd du livre, qui ne compte pas moins de 40 sociétés dans les domaines de la littérature et de l'éducation (Plon-Perrin, Robert Laffont, Nathan, Bordas, Le Robert...). Un rendez-vous inédit chez cet éditeur qui délègue habituellement ce type de tour de table à ses patrons d'entité.

350 millions d'euros de plus-value

Ces avancées sociales soldent, pour une part, l'affaire du pactole Editis qui a fait couler beaucoup d'encre au printemps dernier. L'objet du scandale ? Une plus-value fabuleuse de 350 millions d'euros réalisée par l'actionnaire Wendel, après la revente, le 30 mai dernier, du groupe à l'espagnol Planeta, quatre ans après son achat à Lagardère. Plus choquant pour les salariés, le fait que douze de leurs dirigeants aient empoché 37 millions d'euros puisés dans ce pactole, parce qu'ils avaient investi dans la société via une opération de LBO.

Revendications salariales

Un jackpot (11,3 millions pour le patron d'Editis) qui a fait la preuve que l'entreprise était rentable, malgré un discours ambiant misérabiliste. Et la mise au régime sec du personnel qui bénéficie, depuis trois ans, d'un modeste 1 % à 2 % d'augmentation générale. En réalité, le numéro 2 français de l'édition a réalisé un chiffre d'affaires de 760 millions d'euros en 2007, en hausse de 16 % par rapport à 2006. De quoi alimenter les revendications des salariés qui souhaitent, eux aussi, récolter les fruits de leur travail. « On nous répète que l'édition est un métier de passion. Qu'on se bouscule pour y entrer, parce qu'on fabrique un produit prestigieux. Mais le succès en librairie ou les prix littéraires ne sont pas une reconnaissance suffisante », expose Karina Darvoy, déléguée CFTC groupe et à «Place des éditeurs» (Belfond, Presses de la Cité). L'affaire a révélé un profond malaise dans cet univers plutôt discret et dévoilé par Martine Prosper, secrétaire générale du Syndicat national livre-édition CFDT (1). « Les niveaux de salaire sont bas, surtout ceux des cadres, majoritaires dans le coeur du métier, explique-t-elle. La moitié des coefficients de la grille conventionnelle sont en dessous du Smic. A titre d'exemple, le premier salaire d'employé s'élève à 1 163 euros brut et le premier niveau d'agent de maîtrise à 1 219 euros, soit moins que le Smic (1 308 euros). Le premier coefficient cadre se situe à 1 655 euros brut. En outre, la précarité explose. » En effet, depuis dix ans, les éditeurs externalisent, poussent les gens à s'installer à leur compte et font massivement appel au travail des stagiaires.

Compromis

Les négociations en cours chez Editis sont donc suivies de près par la branche, engagée cet automne dans la révision de sa convention. Même si le groupe pratique des salaires supérieurs aux barèmes minima (2). Les syndicats du groupe (CFDT, CFTC, CGC, FO, USI ; la CGT n'a pas signé) ont donc obtenu un accord, après des semaines d'agitation, une lettre envoyée à l'Elysée, une pétition demandant que les douze managers millionnaires mettent 25 % de leur cagnotte dans le pot commun, et cinq rencontres au siège. Le compromis : une prime de 1 500 euros brut, et non pas net comme demandé, égale pour tous. Le mode d'attribution est simple : avoir six ans d'ancienneté au 31 mai ; être dans les effectifs au 30 juin.

Autre acquis : le principe d'un intéressement aux résultats du groupe, qui s'ajouterait aux accords éventuels conclus dans chaque maison.

Calendrier de négociations

Enfin, un calendrier de négociations salariales au niveau groupe a été accepté. « Nous souhaitons avoir une visibilité sur la politique globale de rémunérations sur le moyen terme, résume Maryannick Le Du, élue CFDT chez Univers Poche et déléguée au comité de groupe. Certaines entités ont de l'intéressement, d'autres pas. Certaines touchent de la participation, d'autres sont à zéro. Le mode d'attribution des primes sur objectifs et d'individualisation des salaires reste opaque. Ce serait bien d'harmoniser tout ça et de mutualiser les risques et les coûts. Enfin, on aimerait qu'Editis donne un coup de pouce aux salaires moyens, entre 30 000 et 40 000 euros annuels, car ils ne sont concernés par rien, ni par un rattrapage ni par des primes. »

La direction refuse de s'exprimer sur le passé. Toutefois, François Irrmann, DRH du groupe, parle de son rôle de « mise en cohérence » des salaires afin de pondérer les différences de performance entre entités. Reste que chaque maison négociera les salaires dans ses murs selon des directives globales. Avant, de source syndicale, un debriefing au siège en mars 2009.

(1) Voir aussi sa tribune dans le quotidien Le Monde du 29 août 2008.

(2) Exemple, 1 800 euros brut pour un éditeur junior chez Univers Poche. Un bac + 5 (sauf écoles de commerce) commence souvent au niveau technicien avant de passer cadre.

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