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Des avocats en droit social décodent le nouveau Code

Les pratiques | publié le : 03.06.2008 |

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Des avocats en droit social décodent le nouveau Code

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Nouvelle structure, nouveaux articles, dispositions transférées... Le Code du travail rénové, entré en vigueur le 1er mai, bouleverse les habitudes. Si certains changements sont salués, d'autres posent des problèmes de fond.

Rendre le Code du travail plus accessible, mieux organisé, plus lisible... Tels étaient les buts visés par la recodification. A en croire les utilisateurs, la nouvelle version présente, en effet, une structure plus logique. Au total : huit parties, subdivisées en livres, titres et chapitres. Pour s'y retrouver, la Direction générale du travail a prévu une table de concordance permettant de passer des anciens aux nouveaux articles*, numérotés différemment. Ils ne sont plus à 3 chiffres mais à 4.

Dans la partie I, les articles commencent par L.1111 ; dans la partie 2, L.2111, etc. Ainsi, le fameux L.122-12 s'appelle désormais L.1224-1 ; la mission du comité d'entreprise est définie dans l'article L.2323-1 et non plus L.431-4. Dominique Jourdan, avocate associée au cabinet Jacques Barthélemy & Associés, en convient : « Il faudra s'habituer à ce nouvel ordonnancement et abandonner ses vieux réflexes. » Me Coline Bied-Charreton, du cabinet Latham & Watkins, fait, à ce propos, le parallèle avec l'euro : « Nous allons sans doute fonctionner quelque temps avec le double affichage. »

Apparition ou transfert de textes

Plus complexe, en revanche, est l'éparpillement des textes. « Certains ont, en effet, été transférés dans un autre code », signale Dominique Jourdan. C'est le cas, notamment, d'articles concernant les assistantes maternelles (Code de l'action sociale et des familles), les mineurs (Code des mines) ou les vendangeurs (Code rural). D'autres ont fait leur apparition, comme les dispositions spécifiques pour l'Alsace et la Moselle, les conventions de forfait pour les non-cadres, le vote électronique, le statut des journalistes professionnels... Egalement au sommaire du nouveau Code : la création d'une partie totalement dédiée à la santé et à la sécurité au travail. Finalement, la cure d'amaigrissement du mille-feuille n'a pas eu lieu. Pour preuve, le nombre d'articles est passé de 5 225 à 9 965.

Des règles modifiables par décret

Si tous ces changements ne semblent pas insurmontables aux praticiens, ces derniers s'interrogent, en revanche, sur le passage de certaines règles de la partie législative à celle réglementaire (500 articles ont ainsi été déclassés). Conséquence : ces règles sont désormais modifiables par décret. « Ce qui introduit une instabilité juridique, dont la matière n'avait pas besoin », souligne Coline Bied-Charreton. C'est le cas, notamment, de la liste des informations trimestrielles que l'employeur doit communiquer au comité d'entreprise sur la situation de l'emploi, ou de la possibilité des entreprises de moins de 300 salariés de conclure avec l'Etat une convention permettant d'obtenir une aide finançant l'étude sur leur situation en matière d'égalité professionnelle. Enfin, certains contenus de l'ancien Code n'ont toujours pas été codifiés, soit parce qu'ils renvoient à des dispositions qui n'existent plus, mais dont certains publics peuvent encore bénéficier, soit parce qu'ils ont vocation à être codifiés dans un nouveau code à paraître. La direction du travail précise, à leur propos, que ces articles doivent être cités sous leur appellation antérieure. Lorsque ces dispositions sont soumises à sanction pénale, l'article de pénalité est également conservé.

Changement de fond

Reste les changements de fond qui contrarient le principe de recodification à droit constant. Parmi eux : l'article sur la GPEC. « La nouvelle codification des dispositions sur la GPEC laisse à penser que l'absence d'engagement et de négociations pourrait constituer, désormais, un délit d'entrave », soulève Me Agnès Cloarec-Mérendon, de Latham & Watkins. Un changement de taille qui inquiète nombre de ses clients. Pour sa part, Dominique Jourdan note que « le recours de l'expert-comptable du comité d'entreprise pour examiner les comptes a disparu pour les entreprises non sociétaires ». Egalement passé à la trappe, l'ancien alinéa sur le contenu du contrat de travail à temps partiel modulé. Enfin, dans certains articles, les mentions « entreprises de 500 salariés et plus » deviennent « entreprises de 501 salariés ». C'est le cas , entre autres, de ceux se référant au crédit d'heures des représentants syndicaux. Quid des entreprises de 500 salariés ?

Coquilles ? Oublis ? Les praticiens restent perplexes, même si l'Administration se veut rassurante. Dans une circulaire du 8 avril dernier, la Direction générale du travail précise que « la citation de la seule ancienne ou nouvelle référence à un article est sans effet juridique sur la légalité d'un acte, dès lors que la règle de fond utilisée est bonne ».

Même logique en matière de jurisprudence. Selon Yves Chagny, conseiller à la Cour de cassation, interrogé en mars 2007 sur l'impact de cette rénovation : « Comme pour toute recodification à droit constant, les juges vont se référer aux principes dégagés antérieurement par la jurisprudence et maintenir, ainsi, la continuité. »

Réactualisation inévitable

Qu'importe, l'incertitude reste entière. Que faire lorsque les documents utilisés font référence à l'ancienne numérotation ? « Nos clients travaillent avec des modèles que nous leur avons fournis au fil de nos collaborations. Je leur conseille d'être vigilants. Ils devront inévitablement les réactualiser, d'autant plus que certains touchent à des domaines très sensibles comme le contrat de travail, ou à certaines procédures de négociation ou d'information et de consultation du comité d'entreprise », soulève Dominique Jourdan.

Des risques de mauvaise interprétation

Egalement touchés : les documents relatifs aux procédures de licenciement pour motif économique. S'il ne s'agit que de numéros à changer, rien de trop grave. Un simple toilettage peut suffire. Plus délicat, « lorsqu'il est fait référence à des articles qui n'existent plus, qui ont été saucissonnés ou qui ont été déplacés dans d'autres codes », soulève Jacques Brouillet, directeur associé chez Fidal. Alors, le contenu même a été modifié. « Imaginons une convocation préalable comportant un mauvais numéro d'article. Désormais, il y en a plusieurs : un pour le motif personnel, un autre pour le motif économique concernant les entreprises de moins de 10 salariés... Si l'employeur vise le mauvais article, le motif n'est plus le bon », évoque Me Jourdan. Le risque ? « Le déclenchement de contentieux résultant de mauvaises interprétations des articles visés par ces accords », avertit Jacques Brouillet. Me Cloarec-Mérendon se veut moins alarmiste : « J'ai plaidé récemment aux prud'hommes, les conseillers utilisaient encore les anciens numéros. » Les entreprises pourront, semble-t-il, compter sur l'indulgence des juges pour encore quelque temps.

* Un outil appelé Codacod, disponible sur <www.travail-solidarite.gouv.fr>, permet d'effectuer les correspondances entre les articles de l'ancien Code et ceux du nouveau.

L'essentiel

1 Le nouveau Code du travail, rédigé à droit constant, est entré en vigueur le 1er mai dernier.

2 Sa nouvelle organisation nécessite l'abandon d'anciens réflexes et un nouveau cheminement de lecture des différents articles.

3 Une réactualisation de certains documents est nécessaire, au risque de générer des erreurs d'interprétation.

Quelques effets de style

Pour simplifier sa lecture, le nouveau Code du travail uniformise certaines formulations, sans incidence sur le fond.

Le présent de l'indicatif remplace l'impératif. Les formules aussi sont simplifiées. Exit « l'employeur est tenu de... » ; « l'employeur doit... ».

Le terme « délai-congé » est systématiquement remplacé par « préavis ».

Le mot « résiliation » est abandonné au profit du mot « rupture ».

Le terme « employeur » a été généralisé et couvre les termes précédents « chef d'entreprise » ou « chef d'établissement ».

Le terme « travailleur » est abandonné au profit de « salarié ».

Les renvois sont évités au maximum.

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