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Contrat nouvelles embauches : beaucoup de bruit pour rien ?

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 03.06.2008 |

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Contrat nouvelles embauches : beaucoup de bruit pour rien ?

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La tentative avortée de mettre en place le contrat première embauche (CPE) a marqué les esprits du fait de la mobilisation à son encontre. Pourtant très semblable, le contrat nouvelles embauches (CNE) a suscité moins d'émoi lors de son adoption par l'ordonnance du 2 août 2005. Probablement parce qu'il ne s'attaquait pas au sujet crucial de l'emploi des jeunes et concernait les entreprises de moins de 20 salariés, moins propices à la mobilisation. Annoncé comme le remède miracle au chômage, censé relancer l'emploi dans les TPE grâce à la flexibilité qu'il offrait, il a fait l'objet de nombreuses interrogations dès sa création. Il a connu moult péripéties, notamment jurisprudentielles, conduisant à sa «mort» annoncée par le projet de loi sur la modernisation du marché du travail.

Aucune étude n'a été en mesure d'établir les effets de la création du CNE sur l'emploi, car il est impossible d'évaluer si les emplois créés en CNE n'auraient pas fait l'objet de contrats à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI). Le CNE a parfois déçu les employeurs, après leur constat qu'il permettait difficilement de fidéliser les salariés et que sa rupture avait un coût supérieur au licenciement d'un salarié en CDI ayant une faible ancienneté, du fait du versement d'une indemnité de rupture équivalant à 10 % des salaires perçus.

Le CNE a fait l'objet de nombreuses critiques dès son entrée en vigueur. Tout d'abord, il est étonnant que le principe d'égalité et la conformité à la Convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) n° 158 relative à la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur n'aient donné lieu à aucun contrôle du Conseil constitutionnel ni du Conseil d'Etat.

Le conseil de prud'hommes de Longjumeau, dans son jugement du 28 avril 2006, a été le premier à estimer que l'ordonnance du 2 août 2005 instituant le CNE était contraire à la convention n° 158 de l'OIT et à requalifier le CNE en contrat à durée indéterminée, décision confirmée par la cour d'appel de Paris et reprise ultérieurement par d'autres juridictions.

L'OIT a également estimé que la période de deux ans durant laquelle un salarié peut être licencié sans motivation ni procédure n'est pas "raisonnable" au sens de sa convention n° 158 et a invité la France à modifier le régime de ce contrat.

Des juristes ont alors conseillé de motiver la rupture d'un CNE selon le droit commun pour éviter toute condamnation : cela lui aurait ôté beaucoup de son intérêt puisque son objet était précisément de déroger à de nombreuses dispositions du Code du travail concernant les modalités de rupture.

Issue prévisible ? Le CNE est en voie d'être supprimé par l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, signé avec les partenaires sociaux et repris dans le projet de loi sur la modernisation du marché du travail, dont l'article 9 prévoit que les CNE « conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi sont requalifiés en contrats à durée indéterminée de droit commun ». Ce projet de loi a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 29 avril 2008. Le Sénat a adopté, le 7 mai 2008, quelques amendements ne concernant pas les dispositions relatives au CNE. Il doit faire l'objet d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions amendées. Il sera ensuite adopté par les deux assemblées, ou l'Assemblée nationale statuera à titre définitif sur demande du gouvernement.

Il y aurait donc une rétroactivité de la loi en ce qui concerne les CNE conclus depuis moins de deux ans qui n'ont pas encore été transformés en CDI. Les syndicats, notamment, s'inquiètent d'un risque d'hémorragie de licenciements avant l'entrée en vigueur de la loi pour éviter leur transformation en CDI. Ce risque semble faible car, en tout état de cause, en cas de contestation, ces CNE seraient requalifiés en CDI conformément à la jurisprudence.

Le CNE devait être une sorte de prototype de contrat de travail unique offrant une grande flexibilité aux employeurs. Au regard de sa durée de vie limitée et de l'émoi qu'il a suscité, on peut douter de la faisabilité pratique et juridique d'un tel projet...

Soazig Préteseille-Taillardat, avocate, Clifford Chance Europe LLP, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.