logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Une aide au pilotage de la GPEC

Enquête | publié le : 29.04.2008 |

Image

Une aide au pilotage de la GPEC

Crédit photo

En signant des accords GPEC dans la foulée de la loi de cohésion sociale, de nombreuses entreprises se sont dotées d'un observatoire des métiers. Les plus opérationnels assurent une meilleure visibilité sur les évolutions de l'emploi, favorisent le dialogue social et ont un impact sur la GRH. Avec certaines limites.

Areva, Carrefour, Rhodia, Thales, SFR, Generali, PSA, STMicroelectronics, Cap Gemini... la liste des entreprises ayant créé un observatoire des métiers dans le cadre d'un accord GPEC est longue. Surtout depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, qui oblige les entreprises de plus de 300 salariés à négocier tous les trois ans sur «la mise en place d'un dispositif de GPEC».

L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) a entrepris d'analyser 50 accords - sur les 200 recensés par la DGEFP -, dont les textes étaient rendus publics. Sur ces 50, 14 font appel à un observatoire des métiers, soit 30 %. « C'est une proportion importante, estime Michel Parlier, responsable du département Compétences, travail, emploi de l'Anact, qui a piloté cette étude (lire p. 27). C'était assez peu fréquent dans les anciennes démarches de GPEC. On ne voit cette multiplication que depuis la loi de cohésion sociale. » L'outil répond, en effet, à deux demandes de la loi : apporter de la lisibilité sur l'évolution de l'emploi et renforcer le dialogue social puisque la plupart des observatoires sont paritaires.

Visibilité structurée de l'évolution des métiers

Leur mission : envisager les évolutions prévisibles des métiers et des compétences, à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif (définition des métiers sensibles, notamment). Puis identifier les mesures à prendre pour adapter les salariés à cette évolution. Le tout avec un délai d'anticipation de deux à cinq ans et de dix-huit mois dans les secteurs où les évolutions technologiques sont beaucoup plus rapides (l'informatique, notamment). Un rôle que Marie-Anne Armand, DRH de Cap Gemini, résume ainsi : « C'est un organe qui permet de donner une visibilité structurée de l'évolution des métiers. Il ne se contente pas de dire ce qui va se passer demain. Il apporte des informations sur les actions d'accompagnement afin d'accéder aux évolutions affichées. »

Anticiper

L'objectif est, notamment, d'anticiper le plus en amont possible le déclin probable de certaines filières et d'opérer les mobilités professionnelles à temps plutôt que de le faire à chaud. Avec un observatoire, la transparence est de mise. « Les salariés savent s'ils sont dans un métier en développement, dans un métier en équilibre ou en régression à terme à cause d'un changement technologique ou autre. C'est un peu une nouveauté pour eux. Certains ont été surpris de voir indiqués des métiers en régression. Mais c'est très important qu'ils aient cette communication », observe Jean-Luc Vergne, DRH de PSA, dont l'observatoire des métiers et des compétences a été créé dans le cadre de l'accord de GPEC du 8 avril 2007.

Pour Pascal Delmas, DRH de Tokheim, cette transparence est sécurisante pour les salariés. « Avant l'observatoire, l'entreprise présentait ses évolutions régulièrement, mais les salariés ne voyaient pas le schéma global, les effets de la stratégie sur les métiers. A présent, toutes les évolutions des métiers sont présentées. Il est forcément plus rassurant d'avoir une vision partagée et un accord sur les outils à mettre en place derrière. »

Davantage de rigueur

Un observatoire amène aussi à une plus grande précision dans la GRH. « Il oblige l'entreprise à formaliser davantage un certain nombre de choses, ce qu'elle ne faisait pas aussi systématiquement auparavant. Et lorsqu'on est obligé de formaliser, il y a un niveau d'exigence supérieur et davantage de rigueur », observe Marie-Anne Armand. En consolidant les données de l'ensemble de l'entreprise, il permet d'élargir le champ de la GRH au plan local. « Nous ne sommes pas organisés autour d'un produit, mais autour du cycle de l'énergie. Il y a donc des métiers très spécifiques à chaque unité. Sur ces métiers, les actions d'accompagnement et d'anticipation sont gérées par les équipes locales RH et le seraient sans l'observatoire. En revanche, sur les métiers transverses, seul l'observatoire est capable de repérer des problématiques d'évolution et de formation », indique Dominique Jourdan, responsable de l'observatoire des métiers d'Areva.

GRH de terrain

Plus opérationnelle encore, la problématique de l'anticipation peut se décliner jusqu'au niveau de la GRH de terrain, c'est-à-dire au niveau des managers et de leurs équipes. Chez Thales, par exemple, l'entretien annuel doit être l'occasion d'évoquer systématiquement le poste à deux ou trois ans. Le manager et son collaborateur ont, pour s'y préparer, un guide de toutes les passerelles possibles dans chaque famille de métier.

Dans la renégociation - en cours - de son accord GPEC, la DRH de Cap Gemini est aussi en train de réfléchir à la façon d'évoquer l'évolution des métiers dans les entretiens annuels professionnels. Reste que, comme le souligne Dominique Malpart, directeur du développement professionnel à la DRH groupe de Thales, « il faut parfois gérer les contradictions entre le long terme et le court terme. Une technologie est en déclin pour le futur alors que le court terme veut qu'elle soit toujours mise en oeuvre ».

Il y a donc des arbitrages à faire entre les impératifs de production des managers de terrain et les mesures à prendre pour préparer l'avenir.

Favoriser le dialogue social

Censés favoriser le dialogue social, les observatoires remplissent-ils ce rôle ? Le partage d'informations, le travail d'anticipation comme alternative à la gestion de crise intéressent, bien sûr, les représentants des salariés.

Chez Tokheim, par exemple, l'observatoire booste le dialogue social. « En tant qu'organisation syndicale, on aurait pu se voiler la face et attendre de se prononcer classiquement pour ou contre les mesures que nous présente l'entreprise. Au lieu de cela, nous avons décidé de travailler en amont », indique Frédéric Souillot, délégué syndical central FO de Tokheim. Le DRH de cette entreprise va plus loin : « Sans l'observatoire, le légal dans la GPEC fonctionnerait au ralenti. Il permet d'aller beaucoup plus vite, beaucoup plus loin et plus facilement avec les instances représentatives du personnel qui doivent agir. »

Vers plus de réalisme

La DRH de Cap Gemini constate, pour sa part, une évolution vers plus de réalisme de la part des organisations syndicales qui participent à l'observatoire : « Elles ont pris conscience que la GPEC n'était pas un outil-miracle permettant d'éviter les plans sociaux. Certes, c'est un outil d'anticipation très structurant pour la vie de l'entreprise, mais qui n'évite pas les à-coups qu'une entreprise connaît régulièrement. »

Mais la bonne volonté des organisations syndicales peut avoir des limites, de même que l'engagement de la DRH. « L'observatoire permet aux acteurs de jouer le jeu, surtout lorsque les entreprises sont dans une bonne situation économique, estime Michel Parlier. Mais il suffit qu'elles soient confrontées à des retournements de marché ou à des bifurcations stratégiques radicales pour se retrouver dans des situations très compliquées. Certains DRH sont très mal à l'aise par rapport à la GPEC, dans la mesure où ils signent parfois des accords qu'une décision au niveau corporate risque d'invalider du jour au lendemain. C'est particulièrement le cas dans les groupes internationaux où les décideurs peuvent être en dehors du territoire. » Le risque est, alors, de décrédibiliser toute la démarche entreprise.

Une articulation fragile

C'est toute la limite des observatoires des métiers des entreprises : pilotés par la DRH, ils sont encore trop souvent déconnectés de la stratégie de l'entreprise. C'est, en tout cas, l'avis d'Aline Scouarnec, professeure à l'université du Littoral/IAE de Caen et coauteur de L'observatoire des métiers, concepts et pratiques *. « Aujourd'hui, l'articulation entre les équipes de direction et les équipes RH sur la problématique de l'évolution des métiers est encore fragile. Or, sans ce lien, il est vraiment difficile de réaliser quelque chose d'intéressant en matière de GRH et de donner à ces observatoires une dimension véritablement prospective », déclare-t-elle. L'enjeu est pourtant de taille : construire l'organisation de demain.

* Editions EMS, 2006.

L'essentiel

1 Un grand nombre d'observatoires des métiers ont été créés dans le cadre des accords GPEC signés depuis 2005. Leur but : mieux anticiper l'évolution de l'emploi pour éviter les gestions de crise.

2 Les entreprises en pointe en font un outil opérationnel : ils ont un impact sur la GRH au plan local et font l'objet d'une importante communication auprès des salariés et des managers.

3 Structures paritaires, les observatoires sont censés favoriser le dialogue social. Mais des retournements stratégiques, souvent imposés aux DRH elles-mêmes, limitent l'exercice.

Articles les plus lus