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L'employabilité, nouvelle garantie sociale ?

Dossier | publié le : 08.04.2008 |

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L'employabilité, nouvelle garantie sociale ?

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Pour donner vie à l'idée de compte individuel formation souhaité par le rapport sénatorial Carle-Seillier, les cabinets Circé-Amnyos et Jacques Barthélémy proposent de créer une nouvelle garantie sociale, le droit à l'employabilité, financée sur un principe de sécurité sociale.

Le rapport sur la formation professionnelle, présenté le 11 juillet 2007 par les sénateurs Jean-Claude Carle et Bernard Seillier, contient une proposition phare : le compte épargne formation, devant garantir à tout un chacun un accès égal à la formation tout au long de la vie. Les deux sénateurs pensent, en effet, que la création d'un tel compte individuel replacerait « la personne au centre » de l'organisation de la formation professionnelle et permettrait de réduire « la complexité, les cloisonnements et les corporatismes qui la caractérisent ». Ce compte épargne formation serait un « germe mutagène de simplicité ».

Les cabinets Circé-Amnyos et Jacques Barthélémy ont décidé de se pencher sur cette question et, le 26 mars dernier, lors d'un séminaire d'expertise au Sénat, ont présenté les résultats de leur étude intitulée Opportunité et faisabilité d'un compte d'épargne formation : contribution au débat sur la réforme de la formation tout au long de la vie en France.

Individualisation des droits

Premier constat : le concept de compte individuel épargne formation est en concordance avec la lame de fond d'individualisation et de personnalisation des droits et renvoie à la sécurisation des parcours professionnels tout au long de la vie et à la portabilité des droits attachés à la personne, quel que soit son statut. Oui, mais voilà : la tradition française du financement de la formation est placée sous le signe du «tiers payant». L'entreprise paie la formation de ses salariés en imputant ce coût sur l'obligation fiscale de financement de la formation qui pèse sur elle. Les FAF, les Opca et les Fongecif prennent le relais des entreprises avec la même ressource, qui leur a été affectée et qu'ils ont mutualisée. Ce principe vaut pour les fonds publics via les Assedic et les régions pour les chômeurs. Questions : comment passer de l'un à l'autre système ? Qui financerait quoi ? Que resterait-il du DIF, du CIF, du plan de formation de l'entreprise... ?

Pas de modèle universel

Deuxième constat : à partir de l'étude des exemples étrangers de comptes épargne individuels de formation, il résulte qu'il n'existe pas un modèle technique universel incontournable ; que leurs usages ont été finalement assez faibles et marginaux par rapport aux politiques publiques et aux politiques d'entreprise ; et que l'idée d'épargne est réservée à une élite bien rémunérée si elle n'est pas soutenue par une politique fiscale publique très volontaire (lire «le modèle allemand» ci-dessous).

Comment conjuguer ces contraires ? L'étude Circé-Amnyos/Jacques Barthélémy propose de créer une forme de «prévoyance employabilité» sur le modèle des garanties sociales que l'on connaît déjà : retraite complémentaire, assurance chômage, santé.

Cette «prévoyance employabilité» reposerait sur un régime conventionnel assurantiel cofinancé par les entreprises, les salariés (la fusion du CIF et du DIF pourrait être opérée) et les ressources affectées par l'assurance chômage à la formation. La gestion de ce régime assurantiel serait confiée à des «institutions de prévoyance» issues de la restructuration des Opca, des Fongecif et des Fonds d'assurance formation, le modèle du FAF étant le plus proche de l'objectif à atteindre.

Complémentaire au plan de formation

Le salarié (ou le chômeur) pourrait utiliser cette prévoyance pour se former (avec conseils et suivi) quand son employabilité serait menacée et que le plan de formation de son employeur n'y répondrait pas. Cette prévoyance employabilité serait complémentaire au plan de formation employeur, maintenu, notamment, du fait du renforcement jurisprudentiel de l'obligation d'adaptation des salariés à leur poste par l'employeur.

Défiscalisation

Une «défiscalisation pour effort de formation» des adultes (comme pour les cours de soutien scolaire des enfants), une réforme des comptes épargne temps (lire encadré p.26) et la création d'un droit à la qualification différée financé par le budget public sont, par ailleurs, proposées comme accompagnement de cette nouvelle forme de prévoyance.

Réformer les comptes épargne temps

Selon l'étude Circé-Amnyos/Jacques Barthélémy, la mise en place des comptes épargne formation individuel pourrait passer par une réforme des comptes épargne temps, dont le principal inconvénient, dans leur rédaction actuelle, est de soumettre les sommes liquidées à charges sociales, patronales et salariales, et à impôt sur le revenu des salariés. « Ainsi, que le salarié opte pour une période de repos ou pour la formation, il devra payer des charges et des impôts à la date de liquidation du CET, analyse l'étude. Ce régime est non seulement peu attractif, mais aussi dénué de logique, dans la mesure où le salarié ne récupérera pas les sommes lorsqu'elles sont destinées à financer directement une formation et à être versées à un organisme de formation. »

Processus d'externalisation

« Par ailleurs, le dispositif ne peut fonctionner que si le compte épargne individuel formation est totalement externalisé auprès d'un organisme assureur : fonds d'assurance formation ou type société d'assurances, institution de prévoyance, mutuelle... En effet, le travailleur doit pouvoir alimenter son compte épargne dédié à la formation tout au long de sa carrière et pas dans une seule entreprise. De même, il doit pouvoir utiliser son compte quand il le souhaite, y compris en période d'inactivité ; et, le cas échéant, additionner les épargnes accumulées au titre de plusieurs emplois pour financer une seule et même formation. Il est donc impératif de sortir l'épargne du salarié du strict cadre de l'entreprise. Il est tout aussi impératif de sécuriser l'épargne du salarié en l'excluant du passif social de l'entreprise. Ce dispositif ne saurait donc fonctionner sans le recours à un processus d'externalisation propre aux techniques assurantielles. » L. G.

La formation, investissement productif ?

- La notion d'investissement productif devrait prendre en compte les dépenses des entreprises en matière de formation professionnelle continue. C'est ce que recommande le CES (Conseil économique et social) dans un avis adopté le 12 mars 2008.

- Présenté par Nasser Mansouri-Guilani, docteur en économie et responsable des activités économiques de la CGT, l'avis propose d'élargir à certaines dépenses immatérielles le concept de formation brute de capital fixe, actuellement limité aux investissements immobiliers et en équipement. « La persistance de nombreux besoins sociaux non satisfaits permet de conclure à une insuffisance et à une inadéquation de l'investissement productif en France », estime Nasser Mansouri-Guilani, prenant comme preuves que la proportion du PIB qui lui est consacrée diminue depuis dix ans ; et que cette formation profite peu aux bas niveaux de qualification.

- L'avis adopté par le CES conseille de « faire enfin de l'éducation et de la formation tout au long de la vie une véritable priorité et un facteur de la cohésion sociale ».

- L'avis et le rapport sont consultables sur le site du CES : <www.ces.fr>

Le modèle allemand

Le modèle de compte épargne formation mis actuellement en place par le gouvernement fédéral allemand est une piste que pourrait suivre la France, avance une étude des cabinets Circé-Amnyos et Jacques Barthélémy. Ce projet prévoit trois sources de financements.

Premier dispositif : ouvrir l'usage des comptes de complément de salaire («Vermögenswirksame Leistungen») versé par l'employeur (et possiblement abondé par le salarié) au financement d'actions de formation déclenchées par le salarié. Ces comptes sont abondés par l'Etat. La réforme en cours prévoit la possibilité, pour les personnes ayant un revenu annuel inférieur à 17 900 euros, de dépenser une part de ce compte avant la date prévue pour le versement du bonus gouvernemental, sans que cela n'ait d'effets sur les droits des bénéficiaires. Ainsi, le bonus et les intérêts continueraient à être calculés et payés, malgré le retrait du compte. Outre-Rhin, environ 95 % des employés ont de tels comptes.

Deuxième dispositif : offrir la possibilité de contracter un prêt spécial pour financer la formation, auprès d'une banque publique fédérale ou d'Etat, à des taux d'intérêt bas.

Troisième dispositif : verser une allocation formation publique aux participants dont le revenu imposable annuel est inférieur à 17 900 euros, et qui pourrait couvrir 50 % des frais de participation à la formation. Sachant que les dispositifs développés ne permettraient finalement pas de couvrir la totalité de la population, le plan du gouvernement fédéral pourrait être complété par des dispositifs régionaux, notamment pour les employés de PME ne bénéficiant pas des fonds de capitalisation, ainsi que pour les personnes à très faible revenu nécessitant un investissement plus direct de la part des autorités publiques.

L. G.

Les Urof contre la création d'un fonds régional de sécurisation des parcours professionnels par la DGEFP

Les projets de réforme font également grincer les dents de certains prestataires de formation.

En février dernier, la Fédération nationale des Urof (unions régionales des organismes de formation, travaillant surtout sur fonds publics) déclarait, à propos du fonds régional de sécurisation des parcours professionnels (que la DGEFP a proposé de créer, le 9 janvier dernier au Conseil d'orientation), que ce projet était « lourd de menaces et témoigne d'une affligeante méconnaissance des dispositifs et des publics demandeurs d'emploi ». Selon la fédération, « ce nouveau dispositif installerait un droit de tirage individuel, qui sonnera le glas des politiques structurelles menées par les régions et de bon nombre d'organismes qui attendront le chaland ou le dragueront à grand renfort de publicité. C'est l'achèvement de la marchandisation du demandeur d'emploi ».

« La méconnaissance des publics est atterrante puisque déjà, aujourd'hui, on sait que ceux qui utilisent la formation professionnelle sont les plus diplômés. Que deviendront alors les publics les plus en difficulté ? Comment construire un parcours dans ce dédale ? », argumente l'organisation. Pour les Urof: « Il faudrait, pour simplifier un système trop complexe, renforcer le rôle des régions sur l'amont de la formation, y compris en ce qui concerne le pilotage du SPE et du nouvel ensemble Assedic-ANPE. »

L. G.