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« Des politiques à effet progressif pour dynamiser la croissance »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 25.03.2008 |

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« Des politiques à effet progressif pour dynamiser la croissance »

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Comment permettre à la croissance française de gagner entre 0,5 et 1 point par an ? Des économistes, dans leur rapport*, préconisent, notamment, une plus forte mobilisation de la population en âge de travailler ; davantage de flexibilité dans la durée du travail ; le cumul emploi-études ; un meilleur suivi des chômeurs...

E & C : Publié en décembre dernier par le Conseil d'analyse économique, votre rapport, intitulé Les leviers de la croissance française, rédigé par quatre économistes*, propose des pistes pour dynamiser la croissance française. Quel est le constat ?

Gilbert Cette : Commandé début 2007 par Dominique de Villepin, ce rapport a été présenté à François Fillon à l'automne dernier. Il part du constat que notre niveau de croissance actuel est insuffisant pour permettre le rattrapage économique de la France avec des pays comme les Etats-Unis ou encore les pays nordiques, ainsi que pour assurer l'avenir du financement de notre système de protection sociale. Il existe, selon nous, deux grands types de politique susceptibles de dynamiser notre croissance : à productivité inchangée, la première permet de mobiliser plus fortement la population en âge de travailler. Prenant le relais de cette première politique - on ne peut augmenter indéfiniment la mobilisation de la population en âge de travailler ! -, la seconde consiste à dynamiser la productivité de nos facteurs de production. En agissant sur ces deux leviers, nous croyons qu'il est possible de gagner 0,5 à 1 point de croissance par an.

E & C : Quelles sont vos principales préconisations en matière sociale ?

G. C. : Il nous semble d'abord nécessaire de simplifier le droit de la durée du travail - durées maximales et heures supplémentaires, notamment -, dont la complexité prive les entreprises, les PME en particulier, des opportunités qu'il comporte en termes de flexibilité. Deux voies paraissent envisageables : supprimer purement et simplement les règles françaises - mais non le droit européen - concernant le droit de la durée du travail, les partenaires sociaux conservant la liberté de décider de règles plus contraignantes, ou bien laisser les entreprises déroger aux règles spécifiquement françaises sous réserve d'un accord majoritaire.

Intervient, ensuite, la question des taux d'emploi : outre les seniors, dont la trop faible participation au marché du travail n'est plus à démontrer, la France se caractérise par un très faible taux d'emploi des jeunes. Nous pensons, à ce titre, que le cumul d'un emploi, sur des courtes durées avec les études pourrait être encouragé - sous condition de réussite de l'étudiant à ses examens - par une exonération de toutes les contributions sociales salarié et employeur. Cette mesure aurait l'avantage d'abaisser substantiellement le coût du travail et d'augmenter le salaire net, les jeunes concernés pouvant bénéficier du régime de sécurité sociale des étudiants. L'expérience de pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas démontre que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, le cumul emploi-études à temps partiel n'a aucune incidence négative sur la réussite aux examens.

Par ailleurs, il nous semble que certaines incitations comme le complément de libre choix d'activité (CLCA), qui accorde une prestation aux parents de deux jeunes enfants quittant le marché du travail, contribuent, à leur façon, à la faiblesse du taux d'emploi français. Chaque année, le coût du CLCA représente environ 3 milliards d'euros. Il serait plus approprié de mobiliser, au contraire, ces ressources pour aider les parents à concilier activité et prise en charge des enfants. Dans le but d'un meilleur ajustement sur le marché du travail, la fusion ANPE-Unedic nous paraît, d'autre part, prioritaire. C'est une étape indispensable pour aller vers un suivi des chômeurs plus soutenu et qui comporte des allocations plus généreuses, sous condition que leurs bénéficiaires soient engagés dans une recherche d'emploi active et vérifiable.

Nous appelons, enfin, à une réflexion d'ensemble sur les seuils à partir desquels les entreprises se voient soumises à certaines obligations. Il apparaît, en effet, que la multiplicité et la complexité de ces seuils brident la croissance des PME ou les poussent à rechercher des formes juridiques complexes pour y échapper. A titre d'exemple, le seuil de 50 salariés pour l'obligation de reclassement en cas de licenciement collectif pourrait disparaître complètement : il n'y a aucune raison qu'une personne licenciée bénéficie de droits supérieurs sous prétexte que son entreprise compte davantage de salariés. Cette obligation devrait s'appliquer à toutes les entreprises, du point de vue financier, du moins, car on ne peut obliger une PME dont ce n'est pas le métier à reclasser elle-même ses salariés.

E & C : Certaines mesures proposées, comme l'amélioration du suivi des chômeurs ou le cumul emploi-études, vont dans le même sens que les préconisations du rapport Attali publié en janvier. Qu'est-ce qui distingue ces deux rapports relatifs à l'accélération de la croissance française ?

G. C. : A notre avis, le premier point fort de notre travail est sa cohérence d'ensemble. Au-delà de la description des mesures prioritaires, notre rapport propose également un ordre souhaitable des réformes, de manière à ce que les politiques à effet progressif puissent prendre le relais des politiques à effets plus immédiats.

D'autre part, nous avons très précisément étudié la question du financement des réformes proposées : il en ressort que le coût net de ces mesures serait, immédiatement, de 0,4 point de PIB et de 1,3 point au bout de cinq ans. Au-delà, il s'annulerait pour se transformer en gain et faciliterait, ainsi, le désendettement des administrations publiques.

* Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen et Jean Pisani-Ferry, rapport du CAE n°72, La Documentation française, 2007.

Parcours

• Professeur associé à la faculté de sciences économiques de l'université d'Aix-Marseille-2 et membre du Conseil d'analyse économique, Gilbert Cette est l'auteur de nombreux articles et ouvrages sur la croissance, la productivité et les réformes.

• Il vient de publier Productivité et croissance en Europe et aux Etats-Unis (éditions La Découverte, collection Repères).

Lectures

Le contrat de travail, La Découverte, Centre d'études de l'emploi, collection Repères, n° 505, 2008.

Contours of the World Economy, Essays in Macro-Economic History, Angus Maddison, Oxford University Press, 2007.

Le sacre du temps libre, Jean Viard, L'Aube, Poche essai, 2004.

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