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Des plans de plus en plus ciblés

Enquête | publié le : 18.03.2008 |

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Des plans de plus en plus ciblés

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LCL, Alcatel-Lucent, Le Figaro, Capgemini, Pfizer... Les plans de départs volontaires ont le vent en poupe. Avantages : ils limitent les risques de licenciements secs et évitent les tensions sociales. Mais les règles du jeu doivent être très claires.

Ce n'est encore qu'une brèche mais elle annonce une ère nouvelle dans la gestion des restructurations. Ces derniers mois, Pfizer, LCL, Alcatel-Lucent, Le Figaro ont ouvert des plans de départs volontaires pour alléger leurs effectifs. Photo Station et AGF pourraient également faire partie du cortège. Outre-Atlantique, de tels départs constituent l'instrument privilégié des DRH. Les trois grands constructeurs automobiles de Détroit, General Motors, Ford et Chrysler, bouclent également des plans similaires.

« C'est une bonne solution, qui fait l'affaire de tout le monde », assure Yves Grandmontagne, le DRH de Pfizer, qui a signé, en avril 2007, avec les syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO, CSE-santé, Unsa) un accord de méthode préalable au PSE, prévoyant la suppression de 240 postes. Concrètement, l'accord prévoit le recours aux départs volontaires pour 39 personnes, au siège social pour tous les niveaux de responsabilité, et sur le terrain, essentiellement des visiteurs médicaux et des managers régionaux.

Alternative intéressante

« Les plans de départs volontaires constituent une alternative intéressante s'ils sont bien maîtrisés, estime Sylvain Niel, directeur associé au cabinet Fidal, avocat en droit social et président du Cercle des DRH (1). Lors des compressions d'effectif, désormais, on privilégie le volontariat. » Le principe est simple : offrir à une partie du personnel la possibilité de quitter volontairement l'entreprise dans le cadre d'une rupture amiable.

Longtemps, les préretraites ont été utilisées pour ajuster les effectifs. « Les plans FNE ont été lancés par Pierre Mauroy, en 1981, pour éviter les licenciements secs. Ce mouvement s'est poursuivi pendant trente ans, sur critère d'âge, note José Allouche, professeur à l'IAE de Paris (2). Or, leur coût progressant (la part financée par l'Etat diminue), les employeurs ne peuvent plus s'en contenter et doivent inciter de nouveaux salariés à partir. » Mais d'autres motivations existent aussi. Les employeurs profitent de ces départs pour recruter à moindre coût. Chez General Motors, l'objectif est d'évincer les cols bleus les mieux rémunérés pour les remplacer par des salariés à «moitié prix».

En France, la méthode est plus soft, mais la stratégie est similaire. LCL envisage de recruter 3 000 salariés pour le front office d'ici à 2010 suite au départ de 3 000 personnes du back office. Les fonctions administratives représentent un tiers de l'effectif aujourd'hui. Elles n'en représenteront qu'un quart à l'avenir.

Assouplissement

Signe que les temps changent, les conditions ont, d'ailleurs, été assouplies. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui est devenue obligatoire, permet, aujourd'hui, d'ouvrir des guichets en dehors de tout PSE pour des métiers menacés qui pourront être supprimés s'ils n'entrent pas dans le champ des orientations stratégiques. Objectif : prévenir les problèmes plutôt que les traiter dans l'urgence. « Concrètement, indique Gilles Amiet, manager senior chez Algoé, ces plans de départs sont négociés avec les partenaires sociaux, ils font l'objet d'un accord concernant les emplois éligibles au titre du départ volontaire et comprenant, a minima, les emplois menacés par les projets de réorganisation. Une rupture d'un commun accord est engagée entre le collaborateur et l'employeur, qui veille, en outre, à son reclassement externe. » La loi se montre même généreuse : la loi de financement de la sécurité sociale de décembre 2006 exonère, désormais, les indemnités de départ volontaire de cotisations sociales et d'impôt, comme dans le cadre d'un PSE. Elles représentent, en général, l'indemnité conventionnelle de licenciement complétée par trois à douze mois de salaire. Le prix de la paix sociale...

Contrat sécurisé

Les DRH apprécient. « C'est sécurisé, moins brutal qu'un licenciement économique, ça préserve le climat social, relève Sylvain Niel. C'est inattaquable, le dispositif est sécurisé. » Autrement dit, « un salarié qui signe un accord à l'amiable dans le cadre d'un départ volontaire ne peut, par la suite, contester la régularité et la légitimité de la rupture de son contrat de travail ». A condition, toutefois, de respecter les règles du jeu : personnes ciblées, motifs des refus, accompagnement... Car un départ volontaire n'est pas uniquement un «chèque valise». Le salarié sur le départ doit également bénéficier de mesures de reclassement, comme tout salarié licencié dans le cadre d'un PSE.

« Nous ne voulions pas être accusés d'avoir poussé les gens au départ », indique Yves Grandmontagne. C'est pourquoi, tout salarié candidat au départ pouvait bénéficier d'aides ou de conseils à la reconversion. Pfizer a travaillé avec BPI pour affiner les projets naissants, analyser la pertinence d'un business plan ou valider l'intérêt de telle ou telle formation. « Chaque projet, création d'entreprise, poste à l'extérieur, formation, était présenté à une commission de suivi composée de représentants de la DRH et des partenaires sociaux. La commission ne pouvait pas rejeter un projet. » Elle n'a aucun droit de veto. « Mais un projet professionnel peut l'emporter sur un projet personnel. Autrement dit, les salariés qui présentaient un CDI ou un CDD d'au moins six mois avec promesse d'embauche pouvaient bénéficier d'un départ anticipé dès la fin de la consultation du livre IV. »

Forum emploi

De même, PSA Peugeot Citroën n'a pas lésiné sur les moyens ; 120 millions d'euros ont été provisionnés, en juin dernier, pour financer ce plan programmé par l'accord de GPEC, signé en avril 2007. Afin de le rendre plus populaire, le constructeur a organisé un forum emploi, à Poissy, pour ses salariés tentés par le départ. Veolia, la Société générale, Alstom, Suez, Areva... Une vingtaine d'entreprises du CAC 40 ont répondu, le 6 juillet dernier, à son invitation ; plus de 4 000 offres ont été proposées aux salariés de PSA. Les candidats se sont précipités : 5 090 volontaires ont « adhéré à une mesure de départ de l'entreprise ». C'est plus que les 4 800 départs programmés initialement. Du coup, PSA réitère l'expérience cette année, et prévoit de s'alléger de 1 090 postes supplémentaires d'ici au 30 juin.

Le package est tout aussi séduisant chez LCL ; 400 millions d'euros ont été mis sur la table pour pousser vers la sortie 3 000 salariés employés au back office, âgés de 57 ans et plus, sur trois ans, du 1er janvier 2008 à 2011. Pour cette année, 800 personnes se sont portées candidates. Elles peuvent bénéficier d'un accompagnement sur mesure proposé par l'antenne mobilité maison.

Mais la recette a aussi son revers. De plus en plus souvent, les guichets départs se soldent par un déficit de compétences, obligeant l'entreprise à réembaucher. La perspective de toucher un gros chèque attire des catégories de personnels qui n'étaient pas visées. L'entreprise peut, ainsi, se laisser déborder.

Echanges de postes

Chez Capgemini, 236 salariés se sont portés volontaires, soit 53 de plus que les «places» disponibles. Grâce à des échanges de poste avec des salariés «ciblés», mais désireux de rester dans l'entreprise, la direction a également accepté le départ de 10 personnes sur les 16 volontaires «hors cible». A la DRH, ensuite, de gérer les frustrations de ceux qui n'ont pas pu partir. A l'inverse, le plan de départs volontaires peut se révéler totalement impopulaire. Auchan l'a appris à ses dépens. En 2006, seules 112 personnes se sont portées volontaires alors que le PSE prévoyait la suppression de 1 000 emplois, notamment administratifs. Des salariés plutôt âgés, occupant des métiers pas très en vogue qui n'ont eu aucune envie de se confronter au marché du travail. Et un pari risqué pour l'entreprise.

(1) Auteur des Mesures d'accompagnement des mutations économiques, Collection Axe Droit, éditions Lamy, 2008.

(2) Auteur de l'ouvrage Restructuration d'entreprise : regards croisés, 2007, Vuibert.

L'essentiel

1 Pour échapper aux licenciements secs, les entreprises mettent en place des dispositifs négociés de «départs volontaires» offrant la possibilité de gérer des situations de sureffectif.

2 Depuis mai 2007, des guichets de départs peuvent être ouverts en dehors de tout PSE, sur la foi d'un accord de GPEC, pour les salariés occupant des emplois menacés.

3 Mais un départ volontaire n'est pas uniquement un «chèque valise». Des mesures de reclassement sont à prévoir.

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