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Un accompagnement sur mesure pour les salariés grenoblois

Les pratiques | publié le : 19.02.2008 |

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Un accompagnement sur mesure pour les salariés grenoblois

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Le pôle de mobilité régional de l'Isère, lancé à l'initiative de STMicroelectronics, Hewlett-Packard, Cap Gemini et Radiall, propose à des salariés volontaires un nouvel horizon professionnel - création d'entreprise, reconversion, détachement -, plutôt que d'avoir à subir un tel changement lors d'une restructuration.

Même l'accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier, signé par la plupart des partenaires sociaux (FO, CFTC, CFDT, CFE-CGC), y fait référence. Le pôle de mobilité régional lancé par STMicroelectronics, Hewlett-Packard, Cap Gemini et Radiall, en juillet 2007, en Isère, est placé en tête des expérimentations scrutées par les organisations syndicales. Selon le texte de l'accord, ce sera aux branches professionnelles et aux organisations territoriales d'évaluer cette démarche pour nourrir d'autres réflexions en matière de mobilité interprofessionnelle. Sans attendre les résultats, STMicroelectronics a pris les devants.

Définir un objectif réaliste et réalisable

Deux autres pôles devraient voir le jour, au printemps, à l'initiative de la société franco-italienne. Le premier, à Rousset, près d'Aix-en-Provence, associant deux grands groupes et une PME, et, le second, à Tours, en partenariat avec des sociétés voisines.

Il est encore trop tôt pour dresser un bilan. Depuis un an et demi, 75 salariés de STMicro et 6 de Cap Gemini sont accompagnés par le pôle installé sur la zone d'activités de Montbonnot-Saint-Martin, une commune située au nord-est de Grenoble. Quatre consultants sont à la disposition des candidats à la mobilité : Alain Brémon, le coordinateur du projet, un ancien responsable marketing de STMicro devenu coach indépendant ; deux animateurs de l'Apec et une personne de l'Afpi (Association de formation professionnelle de l'industrie).

Sur place, les visiteurs peuvent consulter des dossiers de presse, mais, surtout, les études économiques du territoire et les enquêtes réalisées par les observatoires de métiers des différentes sociétés partenaires. Ils peuvent solliciter des conseils, des orientations. Objectif : réfléchir sur leur carrière, en toute tranquillité et en toute confidentialité, bâtir des projets, rechercher un nouveau poste, penser à leur reconversion. « Le but est de définir un objectif réaliste et réalisable », explique Alain Brémon. Pour ce faire, ils peuvent effectuer un bilan de compétences, une formation en vue d'une reconversion, ou participer à des ateliers de création d'entreprise.

La plupart des salariés ont décidé de voler de leurs propres ailes, en créant leur société. Le pôle a d'ailleurs obtenu le soutien des Assedic pour que les créateurs d'entreprise bénéficient de l'Accre, une aide réservée jusqu'ici aux seuls demandeurs d'emploi. L'idée est de favoriser ainsi l'essaimage et la sous-traitance, à la manière des plates-formes développées dans les années 1980 par Schneider, France Télécom ou encore Thalès.

Des innovations extra-muros

Car, pour Thierry Danjean, DRH de STMicro, à l'origine du pôle, il est important de décloisonner les frontières de l'entreprise : « Les innovations peuvent se générer extra-muros. Nous devons travailler en relation étroite avec les universités, les laboratoires, mais aussi les start-up, créées notamment par nos ex-salariés, au sein d'un même pôle de compétitivité. » Mais les autres projets - mobilité interne, détachement temporaire dans une autre entreprise, mobilité externe ou reconversion d'entreprise - sont aussi les bienvenus.

En cas de mésaventure, les candidats à la mobilité ont la possibilité de réintégrer leur société, soit après avoir mal vécu une période d'essai pour ceux ayant retrouvé un poste salarié, ou en cas de liquidation judiciaire durant l'année suivant la création de leur entreprise, pour les indépendants.

A l'origine de ce projet, plusieurs constats. Tout d'abord, la faible mobilité régionale. Les salariés sont attachés à la région et veulent y rester. Ensuite, l'idée que l'emploi à vie dans une même entreprise n'existe plus. Les compétences jugées à la pointe aujourd'hui peuvent rapidement devenir obsolètes. L'entreprise est en perpétuel mouvement. La stratégie fluctue au gré des marchés, des clients et de l'environnement. « Les évolutions technologiques sont très rapides, prévient Marie-Anne Armand, directrice des affaires sociales de Cap Gemini. Certains s'adaptent, d'autres s'essoufflent. D'autres encore n'ont plus envie de suivre. » Cette difficulté à franchir ces « marches technologiques » pose également problème chez STMicro. « Nous vivons régulièrement des ruptures, explique Thierry Danjean. Des métiers disparaissent, d'autres émergent, entraînant ainsi des mutations dans l'emploi. Il faut sans cesse innover ; 17 % de notre chiffre d'affaires est consacré à la recherche et développement. » Chez STMicro, par exemple, l'automatisation, avec l'arrivée de robots, contraint les opérateurs à se réorienter vers des métiers de maintenance préventive, notamment. D'où l'idée de « fluidifier le marché du travail interne », en favorisant les départs, tout en recrutant des profils plus adaptés aux nouvelles orientations. Or, les plans sociaux précédents ont laissé des séquelles à Grenoble. La fermeture de STMicro à Rennes, en 2003, accompagnée d'une grève de la faim, avait soulevé l'indignation. « Je souhaite éviter de revivre une telle expérience », poursuit le DRH. Pourquoi attendre des moments difficiles pour capitaliser sur de nouveaux projets ? « Lors du dernier PSE, nombre de salariés avaient des projets personnels de création d'entreprise ne demandant qu'à être mis sur pied. Pour peu que la démarche soit accompagnée. » C'est pourquoi l'idée de sécuriser les parcours professionnels en proposant un accompagnement à tous les candidats, ou presque, avant l'heure critique fait son chemin.

Des métiers fragilisés

Tous les salariés n'accèdent pas à ce pôle. La priorité est donnée aux personnes travaillant dans des métiers voués à évoluer rapidement, voire à disparaître, et ce, quelle que soit leur ancienneté. Le degré de fragilité de ces métiers est déterminé par les accords de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), clé de voûte du système. STMicroelectronics a signé son accord de GPEC en juin 2006, et consacre un chapitre au pôle de mobilité régional. Un nouvel avenant complète le texte avec, cette fois, le paraphe de la CFDT. « A l'époque, nous n'avions pas signé le premier volet, car nous ne voulions pas donner un chèque en blanc à la direction sans connaître les modalités de fonctionnement de ce pôle », indique André Granier, de la CFDT, chez STMicro, aujourd'hui rassuré. HP est sur le point de signer.

Cap Gemini, qui emploie 1 000 salariés en Isère, a déjà un accord de GPEC, conclu en 2005, complété, à l'automne dernier, par un avenant sur le pôle, et signé pour trois ans. L'entreprise a déjà ouvert de nouvelles négociations. Radiall prépare le terrain avec une cartographie des métiers et des compétences. Cette PME de 1 100 personnes est présente en Isère avec 600 salariés sur trois sites. Sans vouloir être une « antichambre des départs », le pôle permet, ainsi, d'anticiper des besoins en matière de mutation des compétences au sein de l'entreprise.

Mais seuls les volontaires sont reçus au pôle de mobilité. Rares sont ceux ayant averti la DRH ou leur supérieur hiérarchique avant de venir. « La plupart viennent tester leurs projets plus ou moins matures, plus ou moins en phase avec la réalité du marché », prévient Alain Brémon. Le pôle permet également de tester leur employabilité. Pour inciter les salariés à utiliser le pôle en toute confiance, Thierry Danjean a fixé des règles précises. Afin de clarifier les conditions d'utilisation du pôle, les entreprises adhérentes s'engagent à suspendre leur participation au dispositif en cas de projet de restructuration.

Choisir son parcours professionnel

D'ailleurs, les syndicats approuvent la démarche. « Le pôle de mobilité, c'est une façon claire de permettre aux gens de partir et d'éviter un plan de sauvegarde de l'emploi, commente Thierry Duquesnay, de la CFE-CGC de Cap Gemini. Il permet aux salariés de choisir leur parcours professionnel plutôt que de le subir ». La CFDT salue une « démarche intéressante » permettant d'anticiper pour la « première fois » des suppressions d'emploi. La CFTC y voit une boîte à outils « qui n'est pas une cellule de reclassement ». Jean-Michel Jourdan, de FO STMicro, le considère comme un « outil intelligent, car il propose des services groupés. La création d'emploi, c'est le parcours du combattant, assure-t-il. C'est bien d'être accompagné par des gens compétents. De plus, la confidentialité est respectée. » Mais, selon ce dernier, le pôle ne « réglera pas le problème de l'emploi ». Un argument repris par la CGT, qui ne souhaite pas « cautionner » une structure de plus où les syndicats « servent de faire-valoir à des opérations de restructuration ». Mais tous en sont convaincus : intra-muros, le pôle n'exonère pas d'une solide politique RH.

Le pôle, mode d'emploi

La structure prend la forme d'une association. Concrètement, les entreprises de plus de 3 000 salariés paient 30 000 euros de cotisation annuelle. En dessous, le tarif est de 20 000 euros. A terme, les PMI pourront adhérer au dispositif pour un tarif moins élevé.

Par ailleurs, les organisations syndicales, signataires des accords GPEC, sont partenaires. Les projets des candidats sont validés par les organisations syndicales ainsi que par le directeur de l'ANPE locale, celui de l'Assedic et le responsable de la DDEFP, regroupés au sein d'une commission.

L'essentiel

1 STMicroelectronics, Hewlett-Packard, Cap Gemini et Radiall ont mis en place, à Grenoble, un pôle de mobilité régional innovant, destiné à accompagner les salariés voulant se reconvertir au sein du bassin d'emploi.

2 Animé par quatre consultants, le pôle propose aux volontaires des bilans de compétences, des formations en vue d'une reconversion, ou de participer à des ateliers de création d'entreprise.

3 La priorité est donnée aux personnes travaillant dans des métiers voués à évoluer rapidement, voire à disparaître, et ce, quelle que soit l'ancienneté.