Il paraît qu'il conviendrait de s'alarmer du fait que la nouvelle génération n'aspire rien tant qu'à devenir fonctionnaire. Selon certains experts, la fracture ne serait plus sociale, mais générationnelle. Les jeunes ne voudraient plus travailler. Les vieux, quant à eux, ne veulent pas bouger afin de préserver leurs acquis sociaux. Les entreprises, pour leur part, ne cessent de réclamer plus de flexibilité pour affronter la mondialisation. Le gouvernement répète à l'envi qu'il faut travailler plus pour gagner plus...

De cette cacophonie ressort au moins une idée simple : l'emploi, en France, ne va pas bien. Pour savoir qui travaille au salaire minimum (supposé encore trop lourd pour l'entreprise), et dans quelles conditions, Elsa Fayner s'est mêlée à la foule anonyme des travailleurs précaires. Après trois mois d'immersion totale, elle raconte son quotidien de femme de chambre, de serveuse, de télévendeuse... Il ne correspond ni à l'idéologie patronale ni à celle, traditionnelle, de la classe ouvrière, arc-boutée sur les avantages acquis.

Là où la pression au travail ne cesse de s'accroître dans des conditions contractuelles qui n'assurent souvent pas même le Smic, le premier danger pour les ouvriers n'est pas la fin des régimes spéciaux, mais la montée de la précarité pour des emplois à coûts bradés, véritable phénomène de délocalisation interne, qui menace la classe ouvrière de l'intérieur.

Elsa Fayner est journaliste et auteure de Violences, féminin pluriel (Librio, fév. 2006).