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Une évaluation sous contrôle du CHSCT

Dossier | publié le : 19.02.2008 |

Un arrêt récent de la Cour de cassation impose à l'employeur de consulter le CHSCT avant de mettre en place un système d'évaluation des salariés. Et s'il est informatisé, la Cnil doit en être informée.

En 2005, le Groupe Mornay décide de mettre en place un système d'évaluation des salariés fondé sur l'entretien annuel. Il consulte le comité d'entreprise sur la base de l'article L432-2-1 du Code du travail. Mais il ne consulte pas le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le CE, le CHSCT et des organisations syndicales saisissent alors le juge des référés pour suspendre la mise en oeuvre du processus d'évaluation. Motif : le CHSCT devait être consulté, car l'institution d'entretiens annuels formels entraîne une pression psychologique sur le personnel. Par ailleurs, ils demandent que le système soit déclaré à la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés).

Pression psychologique reconnue

Le TGI, puis la cour d'appel font droit à leur demande. La Cour de cassation contredit la cour d'appel en ce qui concerne la Cnil - tant que le système n'est pas informatisé, et même s'il est destiné à l'être, il est inutile d'alerter cet organisme -, mais confirme sa décision quant au CHSCT. Parce que les enjeux de l'entretien « étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail », indique l'arrêt du 28 novembre 2007, le CHSCT devait être consulté.

« Un arrêt largement prévisible, selon Pierre-Yves Verkindt, professeur de droit à l'université de Lille-2. Ce qui est nouveau, c'est que ce soit un arrêt de la Cour de cassation. Mais plusieurs décisions des juges du fond ont déjà considéré que le CHSCT devait être consulté par l'employeur préalablement à la mise en place d'un système d'évaluation, du fait de son impact psychologique. Cela illustre la montée en puissance de la question de la santé mentale dans l'entreprise, renforcée ces derniers mois par les affaires de suicide au travail. Montée en puissance, également, du CHSCT et de la possibilité qu'il a de recourir à l'expertise, prérogative qu'il utilise de plus en plus. »

Prise de conscience

Les employeurs, généralement bien au courant de leurs obligations en matière de santé physique et de sécurité, vont-ils, désormais, prendre conscience que la santé mentale fait partie du «package» ? C'est l'avis de Jean-Claude Delgènes, directeur de Technologia, un cabinet spécialisé dans l'évaluation et la prévention des risques professionnels : « Les employeurs commencent à comprendre qu'il s'agit d'un sujet incontournable pour eux et que, sous peine de voir leur responsabilité civile et pénale engagée, ils doivent s'en préoccuper. » Lui aussi évoque le sujet des suicides sur le lieu de travail, dont la médiatisation, constate-t-il, a contribué à une prise de conscience des services juridiques des employeurs. Technologia vient d'ailleurs de rendre un rapport, à la demande du CHSCT, sur les suicides au Technocentre de Renault.

Vers une jurisprudence ?

L'arrêt du 28 novembre 2007 de la Cour de cassation fera-t-il jurisprudence ? « Pas à lui seul, nuance Pierre-Yves Verkindt. Cette décision ne s'impose pas véritablement au juge du fond. En revanche, il s'inscrit dans une tendance lourde. Du point de vue de la Cour de cassation, rien n'indique qu'il s'agit d'un arrêt d'espèce isolé. »