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« Aujourd'hui, on est e-DRH ou on n'est pas »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 12.02.2008 |

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« Aujourd'hui, on est e-DRH ou on n'est pas »

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En moins de deux décennies, la fonction RH a été profondément touchée par les mutations technologiques. Des activités sont devenues marginales, d'autres ont émergé. Aujourd'hui, les responsables RH ont aussi un rôle de régulation de l'utilisation des outils informatiques par les salariés.

E & C : Quel a été l'impact des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) sur la fonction RH ?

François Silva. : Les mutations technologiques ont eu pour effet de déplacer le coeur de métier des RH. Il y a quinze ans, la paie et l'administration constituaient l'essentiel de leur activité. Aujourd'hui, le coeur de métier a basculé vers des activités d'accompagnement des salariés : compensation and benefits, reporting social, recrutement, évolution des compétences et des carrières, SIRH... Conséquence : le niveau de formation s'est élevé (bac + 3 à + 5) afin de pouvoir gérer des outils liés à des méthodes spécifiques pour accompagner individuellement les salariés et les managers. Des outils s'appuyant sur les systèmes d'information. Aujourd'hui, un DRH sans ces outils est comme un financier sans ordinateur et sans calculette. On est, à présent, e-DRH ou on n'est pas.

E & C : Dans ces fonctions «coeur de métier», quel est l'apport des NTIC ?

F. S. : Recruter, c'est, aujourd'hui, savoir gérer des outils d'automatisation des candidatures, rédiger des appels d'offres pour sélectionner des prestataires capables de réaliser des sites, et, dans les grandes entreprises high-tech, mettre en place les premières rencontres avec les candidats par webcaméra.

Le reporting social n'existait pas il y a cinq ans, car on n'avait pas, alors, la possibilité de consolider les chiffres RH et, surtout, de les croiser avec d'autres données - marketing, commercial, etc. A présent, la fonction RH dispose des outils de pilotage permettant de gérer en temps réel, d'agir et de réagir.

Le responsable ressources humaines (RRH), fonction qui prend un poids de plus en plus important - polyvalent, il accompagne les managers et les salariés sur les questions de recrutement, de formation, d'évolution de carrière -, dispose d'outils désormais informatisés tels que les référentiels et les bases de données. Dans un grand groupe, il peut, ainsi, travailler avec les mêmes références que celles de ses interlocuteurs des différents sites géographiques.

E & C : Vous évoquez essentiellement la fonction RH dans les grands groupes. Les NTIC ont-elles le même impact dans les PME ?

F. S. : Dans les entreprises indépendantes de moins de 400 salariés, il n'y a aucun intérêt à investir dans ces technologies pour recruter 20 à 30 personnes par an et gérer le DIF. En revanche, au-delà de 500 personnes, il y aura bientôt la possibilité de développer des outils sophistiqués à moindre coût grâce à la technologie Internet SOA (Service Oriented Architecture), qui permet de gérer des logiciels jusqu'alors complètement séparés les uns des autres. Les coûts de développement sont 5 à 6 fois moins élevés. Tous les éditeurs sont en train de se positionner sur ce créneau, et PeopleSoft va sortir, dans les prochains mois, une offre PME. Les gestionnaires RH, dans les PME, vont donc aussi s'orienter vers des tâches à valeur ajoutée, on aura moins besoin de profils administratifs. Mais la fonction SIRH sera externalisée.

E & C : A quels nouveaux progrès technologiques s'attendre et quel sera leur influence sur les RH ?

F. S. : Nous entrons dans des modes d'organisation structurés par le travail collaboratif. On n'en est qu'au début. Il faut s'attendre à une transformation majeure de l'organisation du travail dans les dix à quinze prochaines années. Il sera de plus en plus virtuel, avec de moins en moins de contacts physiques. La fonction RH aura un rôle de régulateur, de médiateur et de porteur de lien social pour éviter que chacun ne reste dans sa bulle.

E & C : La fonction RH n'est donc pas la seule touchée par les outils informatiques. Comment doit-elle accompagner les salariés dans leur usage ?

F. S. : La fonction RH aura un rôle de plus en plus important dans la mise en place des nouvelles technologies. En eux-mêmes, les outils sont sans intérêt, c'est l'usage qu'on en fait qui compte. Et cet usage doit passer par de l'accompagnement, de la formation, mais aussi de la régulation. Les technologies nous font progressivement basculer dans des relations différentes et d'un autre ordre avec le temps, l'espace, autrui, soi-même, la connaissance. La fonction RH devra s'impliquer de plus en plus dans ces changements. Aujourd'hui, le culte du résultat fait que les salariés, notamment les cadres, peuvent être entraînés dans un cycle de travail de plus en plus dévorant, empiétant sur la vie privée, puisqu'ils peuvent emporter leur ordinateur, être joints à tout moment sur leur téléphone portable ou leur PDA. C'est à la fonction RH de proposer des règles de bon usage de ces outils.

Vers qui s'est-on tourné lorsqu'il y a eu des suicides chez Renault et PSA ? Vers la fonction RH. Chez Renault, ont été ainsi instaurées un certain nombre de règles de bonne conduite : les réunions ne commencent plus à 18 heures, on n'envoie pas de mail après 22 heures. La virtualité, c'est comme la langue d'Esope : ce peut être la pire et la meilleure des choses. A nous d'en faire un outil au service de l'homme et pas l'inverse. On est là au coeur des questions de RSE.

Parcours

• François Silva est professeur à l'Ecole supérieure de commerce et de management (Escem) Tours/Poitiers et au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).

• Il coordonne des projets européens de recherches concernant les nouvelles formes d'organisation du travail et la RSE. Il est, par ailleurs, président de RH sans frontières et vice-président de l'IAS (Association internationale de l'audit social).

• Il est l'auteur, aux éditions Liaisons, de Devenir e-DRH (2001) et de Etre e-DRH (2008).

Ses lectures

Un monde de ressources rares, Le Cercle des économistes, Erik Orsenna, Librairie académique Perrin, 2008.

Le plan B pour un impact écologique mondial, Lester R. Brown, Calmann-Lévy, 2007.

Une histoire de la communication moderne - Espace public et vie privée, Patrice Flichy, La Découverte, 2006.