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Les «bons plans» des plans sociaux

L'actualité | L'événement | publié le : 24.04.2007 | Anne Bariet

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Les «bons plans» des plans sociaux

Crédit photo Anne Bariet

Un projet européen, Mire*, dédié à l'étude de la gestion des restructurations en Allemagne, Belgique, Suède, France et Royaume-Uni, met en lumière des pratiques innovantes. Revue de détail.

Comment font nos voisins européens ? De fait, les licenciements collectifs n'épargnent pas l'Europe. En Suède, l'annonce des licenciements collectifs par plusieurs employeurs du secteur des télécoms, et en particulier par Ericsson, en 2001, a soudain suscité une crise dans la région de Göteborg, venant menacer la stratégie de reconversion industrielle du territoire axée sur les nouvelles télécommunications. En Grande-Bretagne, l'entreprise automobile Vauxhall, à Luton, dans le Bedfordshire, s'est séparée, en 2003, de 2 000 salariés. En Belgique, Alcatel a décidé de fermer son site, en septembre 1997, pour délocaliser sa production notamment vers la Chine et la Turquie. 202 salariés étaient concernés. Plus récemment, Volkswagen a créé un nouveau séisme au sein de la population, rappelant les heures noires de Vilvorde, en 1997.

Capitaliser les innovations

Pour comprendre et améliorer les pratiques en matière de gestion des restructurations, la France a participé, aux côtés de l'Allemagne, de la Belgique, de la Suède et du Royaune-Uni, à un vaste programme européen, baptisé Mire (Monitoring Innovative Restructuring in Europe), soutenu par le Fonds social européen et coordonné par Syndex, cabinet d'experts- comptables intervenant pour les comités d'entreprise. L'UET (Université européenne du travail), en France, a travaillé aux côtés de partenaires belges (le Lentic), suédois (la Göteborg University), allemands (Institut Arbeit und Technik et IPG**), ou encore britanniques (WLRI***). Objectif ? Tenter de capitaliser les innovations permettant de gérer au mieux le processus de restructuration à partir de 31 études de cas et de rencontres avec de multiples acteurs (syndicalistes, responsables d'entreprise, représentants d'organismes publics et privés de reclassement, collectivités territoriales). Près de deux ans ont été nécessaires pour constituer cette banque de données inédite.

Des principes protecteurs

Quels enseignements en tirer ? Point commun : malgré des législations différentes, pas de cost-killers en Europe, et même la très libérale Grande-Bretagne a adopté des principes protecteurs. Mais là, tout se joue au sein de l'entreprise, selon le bon vouloir des employeurs et la puissance des syndicats. Car, à la différence de la France, la plupart des pays font confiance aux partenaires sociaux pour conclure un accord.

Par ailleurs, les restructurations sont accompagnées de mesures sociales visant à réduire leurs effets négatifs et à favoriser le passage des salariés à un autre emploi. A la manière de nos contrats de transition professionnelle. En Wallonie, par exemple, le Forem (l'équivalent de l'ANPE) a mis en place une forme originale de cellule de reclassement intervenant à la demande des syndicats. En Allemagne, les «sociétés de transfert» permettent aux salariés en passe d'être licenciés d'être transférés vers une société chargée de leur reconversion, animée par le service public de l'emploi, avec les mêmes droits que les salariés de l'entreprise. La Suède, de son côté, a construit progressivement, à partir de 1974, des dispositifs paritaires originaux à l'échelle des branches professionnelles, les job security foundations, financés par des cotisations patronales, de l'ordre de 0,3 % de la masse salariale et animés par des consultants privés chargés de la reconversion des salariés. Actuellement, 90 % de la population active est couverte par ce type d'accord.

Maintien de l'employabilité

Parmi les innovations, l'enquête montre le rôle capital des « représentants syndicaux» britanniques chargés spécifiquement de la formation pour maintenir l'employabilité des salariés. Disposant d'une dotation financière de l'Etat, leur rôle est d'encourager les non-qualifiés à se former et d'engager une concertation avec l'employeur pour conduire ces actions. Près de 12 000 délégués syndicaux de ce type, désignés par les syndicats, étaient recensés en Grande-Bretagne, en 2005.

Les acteurs locaux sont également appelés à la rescousse. C'est ainsi qu'en Suède, les acteurs territoriaux se sont mobilisés, avec l'université locale, pour organiser la reconversion des salariés du secteur des télécommunications en plein marasme. Ils ont organisé des foires pour l'emploi afin de faire rencontrer ces cadres et les PME en mal de compétences.

Pour Frédéric Bruggeman, consultant au Syndex et coordinateur international de l'étude, cinq recommandations peuvent être émises. Tout d'abord, il souligne l'importance de l'anticipation. « On ne peut pas gérer convenablement une restructuration sans une organisation en amont », indique-t-il. Autrement dit, avoir mis en place, au préalable, des actions anticipatrices pour préparer la mutation.

C'est ainsi que chez Vauxhall, à Luton, les différents acteurs se sont constitués en association (syndicats, services pour l'emploi, autorités locales, entreprises). Son but était d'organiser, deux ans avant la fermeture, la requalification des salariés et le soutien au réseau des PME afin de se diversifier. Ensuite, la priorité doit être donnée aux mutations internes au sein d'un grand groupe ou, pour les PME, au niveau territorial.

Autre orientation : organiser des évaluations afin de mesurer les résultats et organiser les apprentissages. Par ailleurs, pour Frédéric Bruggeman, la gestion de la restructuration ne peut être laissée uniquement à l'entreprise. Elle doit également s'appuyer sur le service public de l'Etat et les partenaires territoriaux.

Les points à améliorer en France

Au vu de l'enquête, quels sont les points à améliorer en France ? « Ce qui manque ici, indique-t-il, c'est l'anticipation et l'évaluation. Nous n'avons pas une culture du résultat. Il a fallu attendre 2006 pour avoir une première évaluation des plans sociaux, à la suite de la loi de 1989. Nous devons également renforcer le rôle des partenaires sociaux. Là où ça marche, c'est une constante, il existe une habitude de négociation et non uniquement une pratique d'information-consultation ». Autant de pistes de réflexion pour le futur ministre du Travail.

Enquête disponible sur le site : < mire.restructuration.eu >

*Monitoring Innovative Restructuring in Europe

**IPG : Institute for Psychology of Work, Unemployment and Health

***WLRI : Workinglives Research Institute.

Auteur

  • Anne Bariet