On connaissait déjà l'intelligence de la pensée. S'est ajoutée ces dernières années l'intelligence sensible, celle qui donne ce fameux QE ou quotient émotionnel. Mais comme nous vivons dans une complexité croissante, un nouveau défi se profile à l'horizon : posséder l'intelligence du contexte. Cela signifie observer avec finesse, avoir le sens des autres, être capable de lire les situations, d'évaluer leur impact et s'adapter en conséquence. Celui qui lance un projet bénéfique pour son service, sans savoir sur quoi il interfère ne l'a pas. Cet autre qui sort de réunion pour téléphoner alors qu'une conversation importante est en cours ne l'a pas non plus. Tous deux raisonnent pour eux-mêmes, dans leur monde, et ne sont pas conscients du contexte environnant.
Avoir le sens des situations suppose d'être capable de sentir une situation dans son ensemble et d'en percevoir les enjeux. Comme avec une vision d'hélicoptère en quelque sorte. Une nouvelle dans les journaux, un fait rapporté dans l'entreprise, une tension entre deux services... Est-ce important ou pas, faut-il y accorder de l'attention ? Quelquefois, les signaux se font discrets, comme ce collaborateur qui demande s'il peut vous voir et vous sentez qu'il faut le recevoir illico car il a quelque chose d'important à dire. Nous recevons chaque jour des milliers de signaux de notre environnement, lesquels sélectionner ? Capter une situation dans son ensemble, c'est d'abord être à l'écoute, observer des détails que d'autres ne voient pas, utiliser son intuition ainsi que tous ses sens.
Après les premières impressions, l'attention se porte sur les personnes. Celui qui a l'intelligence du contexte se demande toujours qui est concerné : non seulement ceux qui sont directement touchés par une nouvelle action ou une décision par exemple, mais aussi les personnes qui seront affectées par ricochet : collègues, relations proches, partenaires, fournisseurs, on découvre toujours des liens insoupçonnés.
Au-delà de l'anticipation des effets de dominos, l'intelligence des situations se précise quand on explore en profondeur ce que l'on a pressenti. C'est le moment d'analyser les logiques en présence, de réfléchir, d'interroger ceux qui peuvent nous éclairer. A quelles répercussions peut-on s'attendre ? Dans ce contexte particulier, quels sont les scénarios envisageables... En agissant tout de suite, que déclenche-t-on ? A l'inverse, si l'on attend quelques semaines, quelles seront les conséquences ? L'anticipation, c'est souvent la répétition «à blanc» de plusieurs scénarios possibles afin de choisir le mieux adapté.
Enfin, celui qui possède l'intelligence contextuelle est conscient de son impact personnel sur les situations. Il ne se met pas la tête dans le sable, il assume ses responsabilités. D'un côté, il s'emploie à influencer positivement les autres et à transformer les situations avec toute sa détermination et son savoir-faire. De l'autre, il accepte de reconnaître les dommages qu'il crée parfois à certains par ses actions ou ses comportements. Etre animé d'un leadership authentique, ce n'est pas que du panache, c'est aussi de l'humilité. Posséder à la fois le courage d'agir et celui de dire « je m'excuse ».
Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris <
