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Le secteur de la lingerie sens dessus dessous

Les Pratiques | Point fort | publié le : 19.12.2006 | Anne Bariet, Marie-Pierre Vega

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Le secteur de la lingerie sens dessus dessous

Crédit photo Anne Bariet, Marie-Pierre Vega

Délocalisations, transferts de production, fermetures de site... En 2006, les plans sociaux se sont multipliés dans la lingerie. Sur le terrain, les discussions entre partenaires sociaux achoppent sur l'accompagnement social.

Dim, mi-mai, Well, en septembre, Aubade, début octobre, Arena, fin novembre... En France, les annonces de délocalisations et de fermetures d'usine de sous-vêtements se multiplient. Au total, 1 100 postes sont actuellement menacés.

Le fonds d'investissement américain Sun Capital Partner, nouvel acquéreur de DBApparel, l'ex-division lingerie de Sara Lee, a, ainsi, annoncé au printemps, huit mois après le rachat, un plan de restructuration de deux de ses marques, Dim et Playtex ; 450 suppressions de poste sont envisagées, dont 400 chez Dim. Well, qui produit au Vigan (Gard) ses célèbres collants et chaussettes, indique, ensuite, qu'il va délocaliser l'ensemble de sa production vers l'Asie. A la clé, 300 suppressions d'emploi (lire p. 16). Puis, c'est au tour d'Aubade, qui prévoit, un an après avoir changé d'actionnaire (la famille Pasquier a vendu l'entreprise au groupe textile suisse Calida), la destruction de 180 emplois dans la Vienne. Seules les «activités stratégiques» (création, R & D, qualité, commercialisation...) resteront en France. La dernière annonce est venue, en novembre, d'Arena, le fabricant de maillots de bain, qui décide de fermer son seul site de production français, à Libourne (Gironde), qui emploie 170 personnes.

Le phénomène de délocalisation n'est pas nouveau : entre 1995 et 2005, les plans sociaux successifs ont réduit de 40 % les effectifs, passés de 136 600 à 81 920 l'an dernier, selon les chiffres de l'Unedic, cités par l'Union des industries textiles (UIT). Lejaby et Barbara avaient déjà préparé des transferts de production. Chantelle et Simone Pérèle ont également quitté l'Hexagone.

Importations à faibles coûts

Mais la levée des quotas d'importations de textile chinois, le 1er janvier 2005, a précipité le mouvement. Selon le cabinet Xerfi, l'année 2006 a vu les plans sociaux se multiplier, et le mouvement devrait se poursuivre. « La concurrence toujours plus forte des produits importés à faibles coûts continuera de pénaliser l'activité des fabricants français de sous-vêtements », indique l'analyste Gaëlle Josse. « Le collant ne se vend plus, ce marché a diminué de 50 % en dix ans. Sur les trois dernières années, DBApparel a enregistré une baisse de près de 20 % de ses ventes, explique la direction du groupe. L'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché européen, la montée des importations et la baisse des prix de vente ont créé un environnement particulièrement difficile. » Parallèlement, l'entreprise attribue ses résultats, « inférieurs au seuil de rentabilité », à la désaffection des femmes pour les collants en général et à la priorité accordée au prix.

Résultat : l'anxiété est grande. L'avenir des salariés est incertain. La CGT textile a dénoncé la responsabilité des fonds d'investissements dans les plans sociaux touchant la lingerie (lire p.16). « On a affaire à des entreprises qui sont en bonne santé financière et qui cherchent à améliorer leur rentabilité », assure le syndicat, qui demande que ces fonds soient soumis à des règles strictes. Pour «adoucir» les restructurations dans ce secteur, douloureuses pour les salariés et coûteuses pour les employeurs, les ministres délégués à l'Emploi et à l'Industrie, Gérard Larcher et François Loos, avaient signé, en début d'année, avec sept organisations professionnelles, deux accords. Le premier permettait, en cas de restructuration, des départs en préretraite dès l'âge dérogatoire de 55 ans, et une durée d'intervention des cellules de reclassement pouvant aller jusqu'à dix-huit mois. Le second accord prévoyait un programme de formation pour 2007-2008. Un bilan de ces deux dispositifs est prévu début janvier. Mais, d'ores et déjà, la CGT dénonce ces mesures, y voyant « un ramassis de dispositions connues et inadaptées ». La confédération demande un plan similaire à celui annoncé dans l'automobile, début décembre.

La prime supraconventionnelle

Sur le terrain, la contestation grandit. Les discussions entre syndicats et direction sont difficiles. Chez Arena, les négociations achoppent sur la prime supraconventionnelle (deux mois de salaire pour les salariés ayant deux ans d'ancienneté ; sept mois de salaire pour ceux ayant plus de trente ans d'ancienneté). Les propositions de reclassement interne sont aussi contestées : sur 18 postes, 16 se trouvent en Italie et uniquement pour les cadres.

Chez Dim, un groupe paritaire de concertation et de négociation des mesures sociales d'accompagnement de la restructuration, réunissant la direction et tous les syndicats, a été créé, avant d'ouvrir la procédure légale d'information-consultation début 2007. A l'heure où nous bouclons, les participants en étaient à leur 14e réunion.

Les discussions achoppent sur les préretraites maison. Le groupe a accepté d'abaisser l'âge d'éligibilité à 56 au lieu de 57 ans ; 170 personnes seraient concernées. « En descendant à 55 ans, une quarantaine supplémentaire pourraient en bénéficier. A ce jour, en cumulant les mesures, notamment, de préretraite, reclassement et création de postes, nous parvenons à un résultat de 120 licenciements secs », explique Olivier Curie, secrétaire du CCE de Dim, et délégué syndical CFE-CGC (syndicat majoritaire au CCE à égalité avec la CFDT).

Réunion au ministère du Travail

Ce 19 décembre, une réunion est prévue au ministère du Travail avec les élus des territoires concernés par les suppressions de poste. Le dossier des préretraites pourrait être évoqué. En l'état des négociations, début décembre, les syndicats espéraient aussi obtenir une indemnité de départ supraconventionnelle. Le plan social prévoit, par ailleurs, une soixantaine de postes en reclassement interne, le bénéfice des mesures du PSE pour tout salarié volontaire au départ pour remplacer un départ forcé, un congé de reclassement de six mois, porté à neuf mois pour les plus de 50 ans, une cellule de reclassement ouverte pendant neuf à quinze mois selon les sites, et des aides à la formation et à la création d'entreprise. Chez Aubade, un accord de méthode a été signé, le 22 novembre, avec l'ensemble des syndicats, prévoyant les principes et le calendrier des négociations sur le plan social. Il fixe au 15 février l'échéance de la procédure. Mais, pour plusieurs syndicats, cet accord ne laisse aucun espoir à une véritable négociation sur la stratégie économique et industrielle. Un nouveau coup dur pour ce secteur déjà meurtri.

A qui appartient la lingerie ?

Aubade ; Calida (suisse).

Dim, Playtex, Wonderbra ; Sun Capital Partners (américain).

Triumph, Hom ; Triumph International (allemand, suisse).

Well, Barbara, Ravage ; Natexis Private Equity (français).

Chantelle, Passionata, enseignes Darjeeling et Orcanta ; Chantelle (français).

Le Bourget ; CSP International (italien).

Princesse Tam Tam ; Fast Relaiting (japonais).

Simone Pérèle, Allumette ; Simone Pérèle (français).

Lejaby ; Wanarco (néerlandais).

Bolero, Lou, Variance, Vassarette ; VF Corporation (américain). SOURCE : PRECEPTA

L'essentiel

1 Well, Aubade, Dim, Arena... Les annonces de restructurations dans la lingerie se multiplient. Au total, 1 000 emplois sont menacés actuellement en France. Entre 1995 et 2005, les plans sociaux successifs ont réduit de 40 % les effectifs du secteur, selon l'Union des industries textiles (UIT).

2 Un bilan des deux accords signés avec sept organisations professionnelles, en janvier dernier, est prévu début 2007.

3 Dans les entreprises, les discussions entre direction et syndicats achoppent sur l'âge des départs en préretraite (Dim) ; sur le montant de la prime supraconventionnelle et sur les reclassements internes (Arena). Un accord de méthode a été signé chez Aubade.

Auteur

  • Anne Bariet, Marie-Pierre Vega