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Le rôle des RH est de faire vivre les valeurs de l'entreprise

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 19.12.2006 | Violette Queuniet

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Le rôle des RH est de faire vivre les valeurs de l'entreprise

Crédit photo Violette Queuniet

Pour fonctionner dans un monde international et global, les entreprises auront de plus en plus besoin de s'appuyer sur des valeurs humanistes. A condition que celles-ci se traduisent réellement dans le management au quotidien. Le rôle du DRH est d'y veiller.

E & C : Le groupe Lafarge a des valeurs qu'on peut qualifier d'humanistes et qu'il souhaite faire vivre dans le quotidien de ses 80 000 salariés dans les 76 pays dans lesquels il est implanté. Comment s'y prend-il ?

Christian Herrault : Le courage, l'intégrité, la responsabilité, le respect d'autrui et la priorité donnée aux intérêts du groupe sont les valeurs qui fondent notre philosophie du management. On retrouve parmi elles des valeurs qui fondent ce qu'on a appelé, en Occident, l'humanisme, et qui, à mon avis, sont véritablement universelles : quel que soit l'environnement ou la religion dominante, les gens veulent être respectés, sont attachés à ce que leur travail soit reconnu et à être traités avec justice. Pour autant, je ne voudrais pas tenir un discours sur les valeurs, cela n'a pas de sens. Comme l'a dit Wittgenstein, « il n'y a pas d'éthique déclarative ». Ce qui a du sens, c'est comment les valeurs se vivent dans l'entreprise. Chez Lafarge, elles se traduisent, depuis maintenant trente ans, dans des «principes d'action», réactualisés tous les cinq à sept ans. Non parce que les valeurs changent, mais parce que le monde et les métiers évoluent et qu'il y a des adaptations à faire en fonction de ces évolutions.

Un de nos principes d'action est, par exemple, «contribuer au succès de nos collaborateurs». Cela signifie que nous attendons de nos responsables qu'ils définissent les bons objectifs de façon participative, qu'ils sachent déléguer, qu'ils donnent un feed-back régulier et constructif, qu'ils évaluent les résultats de manière juste. Ils doivent s'assurer que les succès soient célébrés et récompensés, ils aident ceux qui font face à des difficultés et tirent les conséquences d'échecs répétés. Cela peut sembler du «bla-bla». Mais, en pratique, quand un manager me dit que l'un de ses collaborateurs ne fait pas l'affaire et doit quitter le groupe, ma première question est : « Qu'est-ce que vous avez fait pour l'aider ? Est-ce que vous l'avez prévenu de ses difficultés ? ». Si la réponse est non, je demande au manager de venir me revoir six à douze mois plus tard en me montrant ce qu'il a fait. Un des principes d'action de Lafarge est de diriger par l'exemple. L'exemple des chefs est une condition nécessaire et absolue à la traduction opérationnelle des valeurs. Sans cela, les valeurs sont instrumentalisées, on les transforme en outils.

E & C : Le rôle du DRH est-il de travailler à la traduction de ces valeurs ?

C. H. : Effectivement, c'est l'un des rôles clés de la fonction RH de s'assurer que les valeurs soient bien mises en oeuvre. Mais ne soyons pas dupes : les principes d'action définissent un idéal de management. Notre rôle est de réduire l'écart entre la réalité et cet idéal. Des enquêtes menées auprès des salariés nous y aident.

Pour la première fois, nous venons de réaliser une enquête auprès de tous les collaborateurs du groupe, c'est-à-dire 80 000 personnes, dans le cadre du projet d'entreprise «Leader for tomorrow». Les salariés ont répondu par oui ou par non à 40 propositions sur leur vie au travail. Par exemple : «mon manager me fixe des objectifs précis» ; «mon manager me donne régulièrement son avis sur le travail que j'ai effectué» ; «j'ai les équipements et les outils nécessaires à la réalisation de mon travail» ; «il existe une bonne coopération entre mon équipe et les autres équipes de l'établissement», etc. Le taux de réponses, 70 %, a été exceptionnel. Cela nous permet non seulement d'avoir une photographie mais de créer une dynamique et de mesurer les progrès à faire. Nous avons demandé à chaque business unit de travailler sur des plans d'action en fonction des écarts constatés, des moins bons scores, etc. Une «O & HR review» annuelle a été mise en place depuis cinq ans dans chaque business unit pour faire le point sur ses défis et ses actions RH. Une autre enquête, mais cette fois à l'initiative des business units, sera menée, dans deux à trois ans, pour que les salariés voient si des progrès ont été réalisés. Le fait qu'il y ait eu la première enquête avec restitution aux intéressés oblige les managers à s'engager. Cela crée un cercle vertueux.

E & C : Est-ce que les valeurs humanistes ont un avenir dans les entreprises du 21e siècle ?

C. H. : Les entreprises ont besoin de s'appuyer sur des collaborateurs qui comprennent ce que j'appelle «la culture de travail» : des outils et des process communs, des meilleurs échanges de pratiques. Mais le meilleur outil sera rejeté si la culture de travail ne s'intègre pas dans un paysage commun de valeurs de respect des individus, d'intégrité, de justice.

Je crois donc que, dans un monde international et global, les entreprises auront besoin de plus en plus des valeurs humanistes pour fonctionner. Celles-ci me semblent essentielles pour l'efficacité d'une culture de travail. Elles constituent, je crois, un facteur compétitif à moyen et long termes.

Toute la difficulté - et c'est la contrainte permanente des RH -, c'est qu'il faut en même temps satisfaire tous les impératifs économiques du court terme. Mais c'est précisément parce que tout s'accélère et que l'environnement est de moins en moins prédictible que les valeurs prennent encore plus d'importance.

L'étrangeté française, Philippe d'Iribarne, Seuil, 2006.

Sur les chemins du droit avec le général : mémoire de ma vie politique (1944-1988), Jean Foyer, Fayard, 2006.

Vitraux, catalogue de l'exposition Pinceaux de lumière (Musée de Cluny, jusqu'au 15 janvier 2007), Réunion des musées nationaux, 2006.

parcours

Diplômé de l'Ecole polytechnique et de l'Ecole des mines de Paris, Christian Herrault a rejoint Lafarge en 1985. Il a dirigé plusieurs divisions de ce groupe avant de devenir, en 1998, directeur général adjoint, chargé des ressources humaines et de l'organisation, et membre du comité exécutif.

Il a été nommé DRH de l'année 2006 par un jury composé de DRH d'entreprises de taille mondiale, réunis par le cabinet international Hudson.

Auteur

  • Violette Queuniet