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Des indicateurs pour cibler l'action

Enquête | publié le : 05.12.2006 | Céline Lacourcelle

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Des indicateurs pour cibler l'action

Crédit photo Céline Lacourcelle

Pour adapter au mieux leur politique de prévention TMS, des entreprises se sont dotées d'outils quantitatifs pour une mise en oeuvre qualitative.

Paustra, filiale du groupe Hutchinson spécialisée dans la fabrication de joints dynamiques pour l'industrie automobile (1 000 salariés) est engagée, depuis 2002, dans une démarche de prévention du risque TMS. Mise en place d'un groupe de travail pluridisciplinaire, formation aux TMS, analyse de poste, comité de pilotage... L'entreprise angevine présente un programme complet. En guise d'indicateurs sécurité, rien de plus classique : absentéisme, taux d'accidents du travail et taux de fréquence.

Fiche de douleur

En 2005, sa démarche prend de la hauteur. Il est, en effet, question de transmettre la culture TMS interne à d'autres acteurs de l'entreprise. Pour ce faire, le groupe de travail réfléchit à l'élaboration de nouveaux indicateurs. Ils seront obtenus à la source, au moment de l'expression d'une douleur ou du risque. Ainsi, depuis juillet 2006, dès qu'un accident du travail survient, l'infirmière ou le service sécurité établit une fiche de douleur. Le but : recueillir le maximum d'informations sur le poste, sur la machine et sur le risque. A l'arrivée : un descriptif de la situation.

Plus en amont, un autre indicateur concerne le signalement de la douleur. Pour chaque cas, l'infirmière collecte la plainte du salarié et réalise, là encore, une description de la situation potentiellement dangereuse qu'elle inscrit dans un tableau Excel. L'ensemble de ces données fait l'objet d'un «bilan usine» mensuel, qui répertorie les douleurs, leur nombre et les parties du corps atteintes. Sont alors décidées les actions à engager au niveau de la production, sur la base d'une analyse fine du risque.

Analyse démographique

Calor (1 300 salariés), pour sa part, a procédé par étapes. Avant même de se lancer dans une politique anti-TMS, elle a choisi de sonder la population de son usine d'assemblage de Pont-L'Evêque (38). Elle a commencé, en 2002, par une analyse démographique. Conclusion : sa population est vieillissante et l'ancienneté importante (seize ans en moyenne). Des données comparées à un autre constat : les déclarations de maladie professionnelle et d'accident du travail évoluent à la hausse. Pour pousser plus loin cette analyse, l'entreprise décide de croiser les données de sa pyramide des âges avec celles des restrictions médicales. Résultat : les salariés souffrant de restrictions médicales ne sont pas ceux présentant la plus grande ancienneté.

Pour illustrer son propos, la direction cible son étude sur deux ateliers de montage et réalise de nouveaux croisements : arrêts maladie, restrictions médicales, accidents du travail, moyenne d'âge, ancienneté. Elle identifie ainsi la population sur laquelle porter son attention. Il en découle un plan d'action pour sécuriser les parcours professionnels et maintenir l'employabilité des salariés.

Outils de suivi

Elle crée, ainsi, des outils de suivi, dont Apogée, un programme complet de recueil d'informations confrontant ressenti et poste de travail. Ainsi, un volet d'Apogée consiste à réaliser une enquête médicale poussée auprès du personnel, qui débouche sur l'élaboration de ratios : pourcentage de personnes se sentant mal au travail, pourcentage de douleurs et de leur localisation. Cette démarche est doublée d'une observation poste par poste des gestes contraignants, qui aboutit à une cartographie de l'ensemble d'une ligne. C'est à la lumière de ces résultats que Calor conçoit ses nouvelles lignes d'assemblage.

TMS en tête de gondole

Alors que le nombre de maladies professionnelles répertoriées aux tableaux 57 et 98 a été multiplié par cinq entre 1995 et 2004 dans le secteur de la distribution à prédominance alimentaire, la Fédération des entreprises de commerce et de la distribution (FCD), sa commission sociale et le Cisme, organisation représentant 320 services interentreprises de santé au travail, se sont associés pour explorer la réalité des conditions de travail.

Présentés le 29 novembre dernier, les résultats de l'enquête Ergodistrib, qui a mobilisé plus de 355 médecins du travail et près de 5 000 salariés, permettent de mieux comprendre pourquoi les TMS ont explosé dans ce secteur. Ainsi, 85 % des salariés interrogés déclarent que leur travail est physiquement fatigant. En cause : de multiples contraintes physiques, telles que des postures inconfortables, des mouvements répétitifs, des efforts des poignets et des mains, des ports de charge... De plus, les personnels souffrent de contraintes organisationnelles. Ils mettent notamment en avant une pression temporelle importante qui n'est pas compensée pas une certaine autonomie dans le travail et des possibilités d'entraide.

Quant à la charge mentale, 40 % des sondés se déclarent tendus, crispés et stressés. Les problèmes de santé les plus récurrents entraînant une gêne dans le travail sont liés à des douleurs situées au bas du dos, à la nuque, aux poignets, aux mains et aux épaules.

La démarche des clubs TMS

Huit clubs dans neuf régions regroupant près de 80 entreprises... Depuis 2000, l'Anact et les Aract favorisent l'émergence de «clubs TMS». Depuis la création du premier club, en septembre 2000, en Lorraine, le principe qui sous-tend ces regroupements est resté identique : faire se rencontrer des chefs d'entreprise, des DRH, des médecins du travail et autres responsables de prévention, afin de développer le partage des connaissances et des bonnes pratiques en matière de lutte contre les TMS, et ce, quels que soient les secteurs d'activité. « A la faveur du décloisonnement des expériences de terrain, nous insistons beaucoup auprès des entreprises sur la notion de prévention durable », explique Patricia Soussem, directrice de l'Aract Bretagne.

Pour Grégory Blin, DRH de Mc Key Food Service, une entreprise qui produit des steaks hachés pour McDonald's, sa participation au «club TMS» de la région Centre lui a permis de mieux cerner les mécanismes de cette pathologie et de « faire tomber les tabous ». « Le fait d'échanger avec les autres a non seulement enrichi mes connaissances, mais cela m'a également permis de déculpabiliser. En clair, je n'étais pas le seul DRH concerné par les TMS. A partir de là, il devenait plus facile d'agir. »

Dans d'autres régions, ces structures font montre d'un réel dynamisme. Créé début 2004 en partenariat avec l'Association bretonne des entreprises de l'agroalimentaire (120 entreprises ; 59 000 salariés), le «club TMS» de la région Bretagne vient d'éditer un guide intitulé Amélioration de la performance et prévention des TMS, diffusé auprès des chefs d'entreprise. « Notre démarche se fonde sur une approche globale qui ne peut fonctionner que si la notion de performance économique reste l'épine dorsale de toute politique de prévention », indique Yves Fantou, patron de Yves Fantou SAS, une PME d'Ille-et-Vilaine spécialisée dans la découpe et le conditionnement de viandes, récompensée cette année par un trophée décerné lors de la Semaine pour la qualité de vie au travail de... l'Anact.

Auteur

  • Céline Lacourcelle