logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

les questions d'argent agitent la formation continue

Enquête | publié le : 21.11.2006 | Laurent Gérard

Image

les questions d'argent agitent la formation continue

Crédit photo Laurent Gérard

«Collecte», «fiscalisation», «mutualisation», «imputabilité»... Les questions d'argent dans la formation professionnelle continue sont primordiales. Et la gestion des sommes est un sujet de friction.

Le rapport Cahuc-Zylberberg qui propose de supprimer l'obligation légale de financement de la formation professionnelle continue ainsi que le DIF, et le débat houleux qui a suivi ; des tensions entre des Fongecif et le Crédit agricole sur la gestion des fonds du congé individuel de formation du Crédit Lyonnais, et un possible procès en appel à venir ; un vote par les députés d'un amendement gouvernemental prévoyant un «prélèvement exceptionnel de 175 millions d'euros» sur le Fonds unique de péréquation (FUP, sorte de super Opca des Opca pour les fonds de la professionnalisation et du Congé individuel de formation) pour boucler le budget de l'Afpa, et des partenaires sociaux furieux ; l'UMP, qui propose de créer, « avec les partenaires sociaux », un « compte épargne formation individuelle » qui « constituera pour tous une protection dans la mondialisation et, pour ceux qui n'ont pas pu faire d'études supérieures, une vraie seconde chance », mais qui ne dit rien du financement de cette idée... La formation professionnelle continue, c'est, bien sûr, «le développement», «l'élévation», «l'édification de l'humain» ; mais c'est aussi quelques menues questions d'argent.

Obligation de financement

A l'origine, il y a «l'obligation légale», fixée par les partenaires sociaux et les différents gouvernements depuis 1971. Une partie de cette obligation de financement est captée par les organismes paritaires collecteurs (Opca, Fongecif, Agecif...). En 2006, la collecte sur les masses salariales 2005 avoisine les 4,4 milliards d'euros, en augmentation de 5,64 %. Et pourtant, il y a un manque à gagner, car le gouvernement, voulant alléger les charges des entreprises, a réduit l'obligation légale formation des entreprises de 10 à 19 salariés. Il s'était engagé à compenser la perte de collecte. Les Opca attendent toujours.

Une autre partie de cette obligation est dépensée directement par les entreprises. Le tout est «regardé» par les services fiscaux : au travers des déclarations fiscales des entreprises (2483, 2486...), et du suivi financier quasi quotidien des collecteurs par les services de la DGEFP. Et les dépenses des unes et des autres doivent avoir du «sens» vis-à-vis de ce que l'Etat et les partenaires sociaux estiment être «formation» ou pas. Si la «formation» fait «sens», elle est «imputable». Sinon, elle est refusée. Du moins, en théorie. Car il n'est pas simple de contrôler les circuits empruntés par quelque 23 milliards d'euros quand on a sous la main, en tout et pour tout, 150 agents du ministère du Travail...

Une efficacité controversée

L'efficacité de toute cette architecture a souvent été mise en cause. La dernière est venue du controversé rapport Cahuc/Zylberberg, dont les propositions d'abandon du DIF et de l'obligation légale, et de les remplacer par un financement d'Etat ont reçu une volée de bois vert unanime. Le débat reste pourtant ouvert. Philippe Bernier, docteur en droit, estime que la pertinence de l'obligation légale «fiscale» reste entière : « Elle donne un cadre clair nécessaire aux dépenses de formation. Elle impose des règles organisationnelles, rejette tout acte de formation ne répondant pas à un réel transfert de connaissances susceptible de faire l'objet d'une appréciation des résultats. Sinon, il serait mis dans le vocable formation tout et n'importe quoi. »

Renforcer le rôle des acteurs

Un directeur d'Opca pense également que « le fait de consacrer 1,5 % du PIB à la formation professionnelle est hautement nécessaire, et l'on n'atteindra jamais ce chiffre par le volontariat. Plutôt que de supprimer les obligations ou le DIF, renforçons le rôle des acteurs et leur contrôle par une tierce partie ».

Gilles Pinte, maître de conférences en sciences de gestion à l'université de Bretagne Sud, prône, lui, « d'associer DIF et CIF de façon à déterminer un capital horaire de droit à la formation selon le niveau de sortie du système de formation initiale et l'âge du salarié ». Sur le DIF, le directeur d'Opca reconnaît qu'« on peut être d'accord pour considérer que c'est imparfait, mais certainement pas pour le supprimer. Sans esprit de polémique, la question est de savoir si les propositions faites sont meilleures ou pires que le mal ».

Options de gestion

Alain-Frédéric Fernandez, consultant, estime, lui aussi, que le DIF est un fait acquis, mais que différentes options de gestion devraient être offertes aux entreprises. Et c'est justement ce que se proposent de faire les réseaux de collecte interprofessionnels des fonds de la formation professionnelle, Agefos-PME/CGPME et Opcareg/Medef, qui mettent au point des «prévoyances DIF», sortes de «gestion financière externalisée» pour aider les entreprises à gérer ce droit et son risque.

Les questions d'argent n'ont pas fini de structurer - et d'agiter - la formation professionnelle continue.

L'essentiel

1 Près de 30 % de l'ensemble des financements formation des entreprises transitent par les collecteurs de fonds (Opca, Fongecif, Opacif).

2 La collecte en 2006 sur les masses salariales 2005 se monte à 4,4 milliards d'euros, soit + 5,64 %.

3 Garde-fou ou archaïsme : le principe de l'obligation légale fait débat. Nombreux sont ceux qui pensent que le système sera rénové après les élections présidentielles.

Auteur

  • Laurent Gérard