logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les Pratiques

Le toilettage du Code du travail prend du retard

Les Pratiques | Point fort | publié le : 24.10.2006 | Sandrine Franchet

Image

Le toilettage du Code du travail prend du retard

Crédit photo Sandrine Franchet

Lancée début 2005, avec pour objectif d'être achevée pour le centenaire du ministère du Travail, ce 25 octobre, la mission de recodification du Code du travail va bénéficier d'un nouveau délai. Le nouveau Code ne sera pas disponible avant fin 2007.

Gérard Larcher l'avait annoncé en grande pompe, le 15 février 2005 : le Code du travail allait faire l'objet d'une réécriture à droit constant, destinée à en simplifier l'utilisation. Quatre mois et demi plus tard, la mission de recodification du Code du travail, sous la houlette de Jean Michel, chargé de mission auprès du directeur général du Travail, franchissait la première étape : la validation du nouveau plan, en huit parties, par la commission supérieure de codification. « Dans la foulée, raconte Jean Michel, nous avons entamé la réécriture de la partie législative, avec pour engagement de l'achever fin mars 2006. Nous avons tenu ce délai. » Seul problème : compte tenu de l'organisation choisie (lire encadré), la commission supérieure de codification n'a toujours pas pu examiner la totalité du projet. La commission des partenaires sociaux doit encore se réunir le 19 octobre prochain, les trois dernières parties du texte devant être examinées par la commission supérieure de codification d'ici au 13 novembre. Le projet sera alors soumis pour avis au conseil d'Etat, dès que la nouvelle habilitation législative aura été accordée, rappelle Jean Michel. C'est justement pour répondre à cette exigence que l'article 35 du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, voté le 11 octobre dernier par les députés, prolonge de neuf mois le délai initial (arrivé à échéance en juin dernier) imparti au gouvernement pour procéder, par voie d'ordonnance, à la recodification de la partie législative du Code du travail. Ce qui permettra au gouvernement de publier et de faire ratifier par le Parlement l'ordonnance de recodification d'ici au printemps prochain. Néanmoins, la mission devra encore réécrire le volet réglementaire. Autrement dit, le nouveau Code du travail ne sera pas disponible avant la fin 2007. Un délai qui fait craindre aux partenaires sociaux qu'il ne soit obsolète avant même sa parution !

Logique utilisateur

Ce n'est pas le seul reproche formulé à l'encontre de la future «nouvelle bible» des DRH. Les représentants du patronat regrettent, ainsi, que le gouvernement se soit limité à un simple toilettage. L'Administration estime, cependant, que les deux objectifs qui lui avaient été assignés (lisibilité, accessibilité à droit constant) ont été atteints. Que ce soit grâce à la scission d'articles, à la suppression de renvois inutiles ou à leur explication, à l'adoption de conventions d'écriture harmonisées, à la codification de nouveaux textes de loi ou, au contraire, à l'exportation de dispositions particulières dans d'autres codes ou encore au déclassement d'articles législatifs en articles réglementaires (en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution). « Nous avons toujours privilégié la logique utilisateur, sans faire d'idéologie. Et s'il est arrivé que, en toute bonne foi, nous ayons modifié le sens d'un article, nous avons fait machine arrière sans états d'âme », insiste Hervé Lanouzière, membre de la mission recodification.

Code plus lisible

Laurent Vilboeuf, directeur départemental du travail de Charente et membre de la commission d'experts, partage cette analyse et juge le nouveau Code « plus lisible et plus facile d'accès ». « Par exemple, énumère-t-il, on trouve désormais, dans le livre 3 de la partie 5 sur l'emploi, la liste complète des contrats aidés, tandis qu'un autre livre regroupe tous les cas de figure des salariés protégés en matière de licenciement. Le défi va désormais résider dans l'appropriation du nouveau plan et des nouvelles numérotations d'articles : il va falloir, par exemple, faire notre deuil de l'article L. 122-12 ! »

Pour les organisations syndicales, en revanche, le compte n'y est pas. Si elles jugent positive la méthode employée, ayant parfois obtenu gain de cause auprès de la mission (notamment sur le maintien de certaines dispositions dans la partie législative), elles dénoncent, en revanche, certains choix de plan (notamment l'inscription des règles relatives aux licenciements économiques collectifs dans la partie 1, sur la relation individuelle de travail), la décodification des articles sur la VAE, ou encore le déclassement de certains éléments de procédure en articles réglementaires. Ce qui a pour effet de les rendre moins lisibles (les renvois ne sont pas systématiques) et plus facilement modifiables.

Règle de droit affaiblie

Mais, surtout, les syndicats fustigent la suppression des formules impératives au profit du présent de l'indicatif. D'autant plus qu'elle découle de l'application stricte du «guide légistique», texte qui, comme l'explique Véronique Lopez-Rivoire, responsable du service juridique, de FO, « a été élaboré par le secrétariat général du gouvernement et le conseil d'Etat et n'a aucune légitimité juridique, mais s'impose parfois avec plus de force que la Constitution ». Pour les syndicats, cette modification rédactionnelle risque d'affaiblir la règle de droit : « Par exemple, en matière d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, remplacer «l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation» par «l'employeur assure» revient à instaurer une simple obligation de moyens là où il y avait une obligation de résultat. Par ailleurs, les parlementaires n'étant pas imprégnés de ce guide de légistique, on risque de voir très rapidement cohabiter des textes formulés de manière impérative et d'autres à l'indicatif, et donc fleurir des contentieux sur le caractère obligatoire de ces derniers. »

Malgré tout, l'on imagine mal le conseil d'Etat ou le Conseil constitutionnel retoquer le texte. Pour la CFE-CGC, comme pour les autres organisations, reste l'espoir des prochaines échéances électorales... « et d'une mobilisation au bon moment ».

L'essentiel

1 La recodification du Code du travail, qui devait être achevée cet automne, va bénéficier d'un nouveau délai de neuf mois.

2 Le volet législatif devrait être entériné par le Parlement avant les prochaines échéances électorales. La partie réglementaire, en revanche, sera réécrite au cours de l'année 2007.

3 Les syndicats, qui estiment que la recodification ne s'est pas faite à droit constant, n'excluent pas de mobiliser les salariés sur ce thème dans les mois qui viennent.

Une mission au fonctionnement inédit

Le toilettage du Code du travail a donné lieu à une méthode de travail innovante. « Nous ne pouvions nous contenter, comme c'est l'habitude en matière de codification, de travailler isolément, et d'arriver devant la commission supérieure de codification avec un dossier ficelé, relate Jean Michel. Le ministre a souhaité associer à nos travaux les partenaires sociaux, mais aussi des experts en droit du travail, en complément du contrôle habituel exercé par les institutions (Commission supérieure de codification placée auprès du Premier ministre et Conseil d'Etat. »

Composée de Jean-Philippe Bourret et Philippe Waquet, respectivement magistrat à la chambre sociale et conseiller honoraire de la Cour de cassation, de Jacques Barthélémy, fondateur du cabinet éponyme, de Christophe Radé, professeur à l'université Bordeaux-4, et de Laurent Vilboeuf, directeur départemental du travail de Charente, la commission d'experts a été saisie, au cours d'une demi-douzaine de réunions, des textes les plus problématiques.

La commission des partenaires sociaux, qui présente la même composition que la commission nationale de la négociation collective, se réunit toutes les six semaines pour contrôler l'avancée des travaux et procéder à des contributions orales et écrites.

Ce mode de fonctionnement, jugé utile et positif par tous les acteurs, entraîne toutefois un nombre important de navettes, à l'origine du retard pris par la mission.

Auteur

  • Sandrine Franchet