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Comment gérer les libertés individuelles des salariés ?

Demain | Chronique juridique | publié le : 17.10.2006 | d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

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Comment gérer les libertés individuelles des salariés ?

Crédit photo d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

Les libertés individuelles des salariés sont protéiformes : matérielles, immatérielles, spirituelles, physiques, visibles ou discrètes, s'exerçant dans l'entreprise ou en dehors de celle-ci, etc. Leur gestion dans l'entreprise n'en est que plus difficile. Les nouvelles technologies, en élargissant les moyens d'expression des salariés, ont renforcé l'actualité de la question.

La conciliation de ces libertés avec les restrictions nécessaires à l'activité de l'entreprise constitue un enjeu important pour les employeurs. Cet enjeu est d'autant plus sensible que l'encadrement et donc l'atteinte à ces libertés s'assortissent de sanctions civiles rigoureuses (nullité de toute mesure violant une liberté fondamentale) ou pénales. Rappelons rapidement les règles qui permettent cette conciliation.

En premier lieu, le principe de proportionnalité et de légitimité, édicté par l'article L. 120-2 du Code du travail, prohibe toutes « restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». A l'instar des mesures de police, la restriction doit s'avérer nécessaire, proportionnée, et ne doit pas aboutir à une interdiction totale. Ainsi, l'on sait que l'interdiction de toute correspondance personnelle sur le temps et le lieu de travail est excessive.

En second lieu, les dispositions de l'article 9 du Code civil aux termes duquel « chacun a droit au respect de sa vie privée ». La vie personnelle du salarié, qu'elle soit privée (ex. : communication personnelle) ou publique (ex. : tenue vestimentaire), est protégée des incursions de l'employeur : un acte de la vie personnelle ne peut, en principe, donner lieu à sanction. Le salarié est libre sous réserve qu'il respecte son obligation de loyauté et que son comportement ne trouble pas le bon fonctionnement de l'entreprise. L'agent commercial d'une banque qui vole des voitures après sa journée de travail manque à son obligation de probité et génère un trouble dans l'entreprise qui justifie son licenciement pour faute grave (Cass. Soc. 25 janvier 2006). La solution n'allait pas de soi, puisque la Haute Cour avait initialement invalidé le licenciement, considérant que les faits reprochés relevaient de la vie personnelle !

Sur le fond, l'employeur qui envisage de prendre une mesure restrictive de liberté doit donc mener un double examen au regard des principes rappelés ci-dessus. On perçoit, d'emblée, la difficulté relative à la proportionnalité de la mesure. Ce faisant, l'employeur ouvre un débat factuel, source possible de contentieux. A l'heure du «friday wear», une restriction absolue à la liberté vestimentaire qui ne reposerait pas sur une exigence d'hygiène et de sécurité particulière ou sur le contact avec la clientèle, sera critiquable. En revanche, l'abus dans l'exercice d'une liberté sera sanctionné s'il révèle l'inexécution ou l'exécution défectueuse des obligations contractuelles. Surfer trois heures par jour sur Internet a nécessairement des conséquences sur l'exécution des tâches.

Sur la forme, le parcours du chef d'entreprise est balisé depuis longtemps : consultation préalable des instances représentatives du personnel (CE, CHSCT), information préalable des salariés, le cas échéant, déclaration préalable à la Cnil. De l'ouverture d'une armoire individuelle à celle d'un fichier informatique, le régime reste le même : l'employeur en contrôle le contenu en présence du salarié dûment averti dans le cadre des prévisions du règlement intérieur.

La mise en oeuvre et le contrôle de ces libertés sont affaire de proportion, de finalité et de légitimité.

> François Vergne, avocat associé, Cabinet Morgan Lewis

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  • d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social