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Enquête

Loin de la coupe aux lèvres

Enquête | publié le : 04.07.2006 |

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Loin de la coupe aux lèvres

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Les seniors comprennent qu'ils devront rester plus longtemps que prévu dans l'entreprise pour toucher leur retraite à taux plein : leur âge de départ prévu est très différent de celui exprimé dans leurs souhaits. Il faut dire qu'ils restent peu formés et peu augmentés. Le sentiment de harcèlement pour raison d'âge continue en revanche de décroître par rapport au niveau inquiétant du baromètre de mars 2005.

1 Partir en retraite : âge souhaité, âge réel

La retraite à taux plein ne sera possible qu'après 60 ans pour un tiers des seniors, voire pour 40 % des cadres. L'âge légal de la retraite n'a pas changé, mais la réforme engagée par la loi Fillon de 2003, qui allonge progressivement la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein, fait émerger de nouveaux repères au-delà de 60 ans.

Les différents groupes d'âge paraissent avoir intégré l'un des éléments majeurs de la réforme Fillon (et, avant elle, des ordonnances Balladur de l'été 1993) : l'allongement de la durée de cotisation, avec un minimum prévu de 42 annuités en 2020. Ainsi, 40 % seulement des moins de 50 ans pensent pouvoir prendre leur retraite à 60 ans, et 31 % ne l'envisagent qu'à 65 ans ou plus tard. A l'inverse, 54 % des 55/60 ans peuvent liquider sereinement leurs droits à 60 ans.

Et pourtant, dans l'idéal et sans contrainte de financement, 86 % des seniors ne voudraient pas dépasser les 60 ans. Le quart d'entre eux évoque même le repère des 55 ans, lié à certaines des anciennes préretraites, tandis que 12 % souhaiteraient un départ à 58 ans, ce qui correspond à peu près à l'âge moyen actuel de fin d'activité en France. C'est dire que beaucoup d'entre eux s'apprêtent à rester dans l'entreprise à leur corps défendant. Ainsi, plus de la moitié des moins de 50 ans voudraient pouvoir s'arrêter à 55 ans ou avant ; 83 % pensent pourtant devoir rester jusqu'à 60 ans au moins, dont un tiers au-delà de 64 ans. Rappelons que pour l'heure, l'âge de sortie moyen du marché du travail est de 58 ans.

2 Ressources humaines

La formation : encore peu d'investissement sur les seniors

Les seniors restent-ils les parents pauvres du management des ressources humaines ? Ils semblent toujours écartés des formations comparativement à la moyenne des salariés, les chiffres restant stables par rapport à notre dernier baromètre : depuis trois ans, 64 % des seniors interrogés n'ont bénéficié d'aucune formation ; 19 % d'une seule formation et 17 % de plusieurs formations. Rappelons, à titre de comparaison, la moyenne de 30 % de salariés formés chaque année dans les entreprises. Même s'il est difficile d'extrapoler un taux sur trois ans, les mêmes pouvant bénéficier de plusieurs formations, il apparaît clairement que les seniors de notre panel ont été moins formés que la moyenne sur les trois dernières années. En revanche, les chiffres comparables des deux derniers baromètres sont bien plus optimistes que ceux du premier que nous avions réalisé au printemps 2005 : 30 % seulement du panel avait été formé depuis trois ans.

L'âge est discriminant, puisque l'accès à la formation passe de 47 % de formés une ou plusieurs fois depuis trois ans pour le groupe des 50/54 ans à 32 % pour les 55/60 ans, et à 27 % au-delà.

Cette progression, pour notre panel, illustre la courbe en cloche, souvent décrite, des accès à la formation, qui décroissent très rapidement après 50 ans. Pourtant, l'accès à la formation dans les trois dernières années a été plus fréquent pour la tranche d'âge 50/54 ans que pour les moins de 50 ans (60 % n'ont pas été formés). Pour certains quadragénaires de plus de 45 ans, qui représentent une petite centaine de personnes sur notre panel, le défaut de management semble réel.

Carrière et orientation professionnelle : rien de neuf

Un senior sur cinq a bénéficié d'un entretien de seconde partie de carrière : un résultat identique à celui du baromètre de l'automne 2005. Cette pratique est le fait d'entreprises pionnières, car elle n'est pas encore définie juridiquement : rappelée dans le plan national concerté sur l'emploi des seniors, elle faisait l'objet d'un avenant à la loi sur la formation professionnelle de 2004, qui n'a été signé par les partenaires sociaux qu'en octobre 2005, et n'avait pas été étendu en fin d'année dernière.

Les opportunités de mobilité et de promotion n'ont pas été plus nombreuses pour les seniors interrogés que lors du précédent baromètre. Néanmoins, elles ne sont pas inexistantes : 29 % ont ainsi bénéficié d'une affectation sur un nouveau projet, d'un changement de poste ou d'une promotion.

Dans le détail, ces mouvements concernent plus souvent les moins de 50 ans (39 %) et les plus de 60 ans (33 %) qui ont sans doute des compétences et un niveau de responsabilité leur permettant de progresser et de rester en activité dans des conditions satisfaisantes. C'est le cas des cadres (36 %) et des professions intermédiaires (38 %), plus que des ouvriers (20 %).

Rémunérations : les seniors plus souvent oubliés

Les augmentations individuelles ont été rares l'année dernière pour nos seniors. Sur trois ans, le tiers d'entre eux a ainsi été augmenté une fois ou plus à titre individuel. Cette proportion reste remarquablement stable : ils étaient 34 % lors des deux derniers baromètres.

Pour comparaison, le panel Oscar de la CFDT, qui scrute chaque année les salaires des cadres, est intéressant, dans la mesure où l'individualisation des rémunérations concerne essentiellement l'encadrement. Or, il indique que chaque année ou presque, depuis 2000, la moitié des cadres interrogés ont été augmentés individuellement (53 % en 2004). Il serait imprudent d'en déduire un résultat sur trois ans, étant donné que les mêmes personnes ont pu être augmentées plusieurs fois.

Néanmoins, l'éligibilité de notre panel seniors aux augmentations individuelles depuis trois ans, y compris pour les cadres (44 %), apparaît nettement inférieure à la moyenne constatée par le panel Oscar.

Toutes fonctions confondues, la courbe en cloche se retrouve pour les rémunérations : 41 % des moins de 50 ans ont perçu une augmentation individuelle depuis trois ans, contre 34 % des 50/54 ans et 31 % des 55/60 ans.

Là encore, la courbe remonte pour les 61 ans ou plus qui, on l'a vu, ont connu plus d'opportunités de promotion que la tranche d'âge inférieure et doivent certainement leur maintien dans l'emploi à des compétences spécifiques et/ou à un certain niveau de responsabilité.

Sur tous les éléments liés à la GRH, une forme de discrimination supplémentaire affecte les femmes (entre 2 et 6 points de moins que les hommes sur les promotions, formations, rémunérations).

3 Conditions de travail

Le sentiment de harcèlement en léger recul après l'alerte de 2005

Le harcèlement moral est l'un des champs du baromètre que nous surveillons particulièrement depuis la première édition, du printemps 2005. Celle-ci nous avait appris que la moitié des seniors interrogés avaient le sentiment qu'eux-mêmes ou des personnes de leur entreprise étaient victimes de harcèlement moral en raison de leur âge. Notre baromètre 2006, après celui d'octobre dernier, continue de nuancer ce sombre tableau : 35 % des seniors interrogés ont eu ce sentiment de l'existence du harcèlement pour raison d'âge (soit 5 points de moins que lors du dernier baromètre), alors que 46 % étaient d'une opinion contraire. Ce sentiment reste plus fort chez les femmes, dans la tranche 55/60 ans et dans le secteur public. Les cadres et les employés l'expriment plus souvent que les autres catégories.

G. L. N.

POUR ALLER PLUS LOIN

La diversité des âges. Regards croisés d'experts, coordonné par Bernard Quintreau et Nicole Raoult, éditions Liaisons, 2006. Ouvrage collectif analysant les enjeux de l'allongement des carrières et du choc démographique. Il détaille des pratiques d'entreprises et croise des regards·

La gestion des âges. Pouvoir vieillir en travaillant, sous la direction de Marion Gilles et Florence Loisil, éditions Anact. 2005. Les auteurs ont collecté, avec l'aide du réseau Anact, de nombreux cas concrets d'entreprise et tracent des pistes d'action pour améliorer l'organisation du travail et des temps, la formation, la gestion des carrières...

Les seniors dans l'entreprise, Eléonore Marbot et Jean-Marie Peretti, Village Mondial, 2004.

Les auteurs analysent le « sentiment de fin de vie professionnelle » qui étreint des salariés seniors contraints de rester en activité alors qu'ils pensaient majoritairement pouvoir partir plus tôt. Et ils apportent des réponses à ce problème, pour conserver la motivation et la performance des seniors.

Gestion des âges, Cahiers de la revue Personnel n° 69. Mai 2006, ANDCP.

Propositions de l'ANDCP, nombreuses expériences d'entreprise décrites, fiches pratiques de mise en oeuvre de démarches.