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Les Pratiques

Le Cesu pourrait devenir un outil de fidélisation

Les Pratiques | Point fort | publié le : 02.05.2006 | Martine Rossard

Le Chèque emploi service universel (Cesu) ne connaît pas encore le succès escompté par Jean-Louis Borloo, mais il marque des points. Les DRH sont intéressés par cet outil, mais attendent pour le diffuser.

D'après une enquête menée par l'Observatoire Caisse d'épargne, le Cesu (Chèque emploi service universel) intéresse une majorité de DRH mais pas au point de le mettre rapidement en place. Ainsi, sur 300 responsables RH d'entreprises de plus de 50 salariés interrogés, 200 ont jugé le dispositif, lancé le 1er janvier, « intéressant », et près de 30 « très intéressant ». Dans les entreprises à personnel majoritairement féminin, ce dernier taux grimpe même à 22 % en faveur de la mesure phare du plan de développement des services à la personne, cher à Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement. Ces réponses favorables coïncident avec celles des salariés, qui, à 82 %, plébiscitent le Cesu préfinancé, s'il est abondé à hauteur de 20 %. Cependant, seuls 8 % des responsables RH envisagent de le distribuer, dès 2006, et 25 % dans les années à venir. Un tiers ne pensent pas l'utiliser et le dernier tiers l'excluent.

Accueil circonspect

Ces résultats ont incité l'Observatoire à parler d'un accueil « circonspect » par les entreprises, un jugement qu'il tempère lui-même en précisant que l'enquête a été réalisée en décembre, avant la campagne d'information.

Daniel Croquette, délégué général de l'ANDCP, note, pour sa part, que plus de 800 DRH étaient inscrits à l'événement de présentation du Cesu, prévu en mars, et annulé pour cause de mouvements anti-CPE. « C'est un outil de fidélisation avantageux, car leurs parts respectives sont déductibles des impôts pour l'entreprise et le salarié », s'enthousiasme-t-il.

Fossé à combler

Les économistes de l'Observatoire pensent que les grandes entreprises seront les plus promptes à diffuser le Cesu en raison de leurs moyens financiers et de l'importance de la fonction RH. Pour eux, refuser le Cesu sous prétexte d'un manque d'intérêt de la part des salariés est « révélateur du fossé qui s'est creusé entre les entreprises et leurs salariés ». Mais, selon Alain Tourdjman, directeur des études et de la prospective à la CNCE, « ce fossé tend à se résorber ». Le rapport «Services à la personne : modes de vie, modes d'emploi » liste les arguments susceptibles de convaincre les responsables RH : lutter contre l'absentéisme, notamment parmi le personnel féminin ; mettre en oeuvre des actions concrètes en matière de parité et d'égalité professionnelle ; fidéliser les salariés qualifiés attentifs à l'équilibre et à la qualité de la vie. Ou encore réduire le stress et l'impact négatif sur la performance économique des difficultés rencontrées pour concilier vies professionnelle et privée.

Plus optimiste, Bruno Arbouet, directeur de l'Agence nationale des services à la personne (ANSP), affirme que « tous les indicateurs sont au vert ». Il en veut pour preuves des prises de commande de Cesu d'un montant de 70 millions d'euros et une forte augmentation de l'offre de services (lire p. 34). Il cite, également, les résultats d'un sondage, non publié, selon lequel 90 % des personnes interrogées ont entendu parler du dispositif et 30 % sont prêtes à l'utiliser.

Tâches personnelles

Quant aux DRH, il est prévu de les réunir, le 12 juin, et de leur envoyer une plaquette d'information. Cette dernière mentionne une surprenante étude de Mercer selon laquelle les salariés passeraient 37 % de leur temps en entreprise à des tâches personnelles ! D'où l'intérêt, pour les RH, de les aider à régler leurs problèmes domestiques. Pour leur part, deux confédérations syndicales ont déjà manifesté leur intérêt. Et les CE clients du titre emploi service (TES) ont déjà basculé sur le Cesu. Tel est le cas chez Chèque Domicile, leader sur le marché. « Nous avons aussi une centaine de nouveaux clients et nos ventes ont augmenté de 15 % », souligne Stéphane Knopes, directeur des ventes. Il précise que Chèque Domicile a commercialisé, depuis janvier, 1 million de chèques d'une valeur faciale variable, pour un montant global de 12 millions d'euros. Le tout sur un marché évalué à 15 millions d'euros sur trois mois. Selon lui, le taux d'utilisateurs par entreprise, actuellement entre 10 % et 20 %, pourrait grimper jusqu'à 40 %, notamment pour la garde d'enfants. Même les ménages non imposables peuvent, en l'absence d'incitation fiscale, trouver leur compte au Cesu si - pour eux - l'abondement est amélioré.

Formation des conseillers

Parmi les autres émetteurs agréés, La Banque postale n'a pas commencé la commercialisation du Cesu. Natexis non plus, mais cette banque forme déjà ses 7 500 conseillers professionnels et mise sur 3 000 à 5 000 petites et moyennes entreprises clientes d'ici à la fin de l'année.

L'une d'elle, Immo Premier, faisait bénéficier son seul salarié du TES en prenant à sa charge le montant intégral jusqu'au plafond annuel de 1 830 euros. Avec le Cesu, elle a doublé sa commande, car le gérant peut désormais en bénéficier aussi. « Les TPE prennent le maximum et payent 100 % du Cesu pour leurs salariés et dirigeant, tandis que les grandes abondent à hauteur de 30 % en moyenne », indique Marie-Béatrice Zaniol, directrice adjointe marketing et communication de Domiserve. Cette structure, créée par Axa Assistance et Dexia Crédit local, commercialise le Cesu depuis mi-février, mais elle reste muette sur ses ventes et prévisions.

Même discrétion chez Sodexho où Catherine Tonlorenzi, directrice du Cesu, évoque un « accueil positif » et des commandes plus importantes que pour le TES, grâce à la possibilité de rémunérer l'emploi direct. Quant à Accor, le sixième émetteur agréé, il a développé tout un argumentaire sur ses carnets de tickets-restaurant et sur son site Internet.

Côté entreprises, les services de presse ignorent souvent ce qu'est le Cesu et peuvent rarement parler des intentions des services RH ou du CE. On apprend quand même que des Cesu sont proposés au personnel à la Caisse d'épargne, au Crédit agricole, à Radio France et à La Poste. Essilor a évoqué le dispositif dans le cadre de discussions sur l'égalité professionnelle. Le CCE de BNP-Paribas s'interroge et devrait solliciter une rallonge budgétaire à sa direction. Et les cordonniers ne sont pas les plus mal chaussés : les salariés de Chèque Domicile ont tous droit au Cesu, pour toutes les prestations éligibles, avec abondement de 40 % par l'entreprise.

Auteur

  • Martine Rossard