logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Les entreprises livrent bataille sur la toile

Dossier | publié le : 02.05.2006 | Jean-François Rio

Image

Les entreprises livrent bataille sur la toile

Crédit photo Jean-François Rio

Pour doper le sourcing et débusquer les meilleurs profils, les entreprises ont érigé leurs sites RH en pierre angulaire de leur politique de recrutement. Quitte à les gaver de fonctionnalités, au détriment d'une relation suivie avec les candidats.

Une date historique pour l'Internet en France ! Selon une étude Mediamétrie, dévoilée en mars dernier, notre pays comptait 26 millions d'internautes à la fin du 4e trimestre 2005. Autrement dit, pour la première fois, plus d'un Français sur deux (50,5 % de la population âgée de 11 ans et plus) s'est connecté à la toile. Un chiffre à rapprocher de la progression détonante (+81 % en un an) du haut débit, connexion qui concerne, désormais, près de 8 foyers sur 10. « Avec l'avènement des technologies collaboratives, l'explosion des blogs, des messageries instantanées, des flux RSS, et le retour en grâce des jeunes diplômés sur le front de l'emploi, le contexte est actuellement très favorable pour le recrutement en ligne », observe Olivier Fécherolle, directeur général du groupe Keljob.

Pour s'en convaincre, celui-ci cite les dernières tendances issues de son baromètre «Internet et emploi», qui mesure, chaque mois, le nombre d'offres disponibles sur le web. En mars, tous sites confondus, 350 195 offres en ligne ont été publiées, contre 324 900 en février et 235 700 en janvier. « Internet est, aujourd'hui, le premier moyen d'accès à l'emploi », assène-t-il. Plus surprenant, ce sont les sites emploi des entreprises du CAC 40 qui enregistrent la plus forte hausse (+ 31,12 % en mars), avec un total de 7 714 annonces.

La rubrique RH très consultée

Sur l'ensemble de 2005, près de 25 000 offres (13 400 en 2004) ont été diffusées sur les sites des 1 000 premières entreprises françaises (voir infographies). « 59 % des entreprises de cet échantillon mettent en ligne des offres d'emploi. A l'exception des sites e-business, la rubrique RH est la deuxième rubrique la plus consultée après les informations générales sur l'entreprise », affirme encore Olivier Fécherolle.

Premier lieu de rencontre

« Entre 80 % et 90 % des candidatures passent, aujourd'hui, par les sites des entreprises. C'est le premier lieu de rencontre entre un candidat et un employeur. D'ailleurs, les offres publiées sur les job boards renvoient le plus souvent sur les espaces emploi des sites corporate », observe, quant à lui, Pierre Polycarpe, consultant en SIRH. Dans les grandes entreprises, il est désormais courant qu'un tiers des recrutements soient réalisés grâce à la présence d'un site RH corporate. Chez Altran (16 000 salariés), qui reçoit 130 000 CV par an, ce taux s'élève même à 80 % ! « En y incluant les candidatures publiées sur les job boards », précise Gilles Wozelka, DRH France du groupe de conseil.

Attractivité

Si le site RH est érigé en élément central de la politique emploi dans de nombreuses entreprises, il n'est pas, faut-il le préciser, devenu l'unique canal de recrutement. « Nous sommes dans une logique de diversification. Les entreprises ont besoin d'utiliser d'autres médias pour se faire connaître et booster le sourcing », indique Valérie Vaillant, directrice commerciale marketing de Cadresonline et présidente de l'Appei, une association de job boards. Même constat pour Patrick Pedersen, directeur des opérations de Monster France : « Toutes les entreprises ont, à un moment donné, des problèmes de sourcing. Un exemple : L'Oréal n'a aucun mal à attirer des spécialistes du marketing mais a les pires difficultés pour recruter des chimistes. »

Qu'il est loin, en tout cas, le temps des sites RH corporate statiques, avec le discours du patron, les deux ou trois chiffres-clés et l'affichage d'une poignée d'offres d'emploi. Présentation, contenu éditorial, design, ergonomie, interactivité sont, désormais, au rendez-vous. Aidés par les technologies du multimédia, les sites ont gagné en attractivité. « Outre l'impact sur l'image de l'entreprise, cela participe aussi à la volonté de l'employeur de collecter de la «candidature utile» », remarque Stéphane Amiot, directeur Europe du Sud de Taleo, un éditeur de solutions de gestion du recrutement et de la mobilité interne. Alors que le marché de l'emploi commence à se tendre, les entreprises se livrent à une véritable concurrence par sites interposés. Objectif : attirer les meilleurs profils avant les autres. Pour cela, elles rivalisent d'ingéniosité, quitte à frôler le trop-plein technologique. Podcast, tests, quiz, SMS, vidéo, blogs (celui de Casino Supermarchés, animé par Jean-Claude Delmas, le DRH) nourrissent les sites carrière.

Fin de la langue de bois

Parmi les outils les plus en vogue, le «chat» est, sans conteste, celui qui rallie le plus de suffrages. « Il permet à l'entreprise de sortir de la langue de bois - ce qui est très apprécié des candidats - tout en gardant une certaine maîtrise de la communication », illustre Pierre Polycarpe. Autres avantages : l'entreprise se forge une image moderne ; elle en retire des bénéfices immédiats en termes de sourcing ; et, nec plus ultra, elle reçoit des CV davantage conformes à ses valeurs et aux postes qu'elle propose.

L'an dernier, les «chats» RH ont, pour la première fois depuis sa création, en 1999, dégagé 50 % du chiffre d'affaires de Canalchat Grandialogue, une société spécialisée dans l'organisation de «chats» événementiels. « En 2002, notre premier client RH était Cetelem, puis l'activité a décollé en 2003, grâce à l'armée de terre », signale Jean-Marc Solal, son président. Trois types d'entreprises recourent aujourd'hui à ses services : des groupes du secteur privé (L'Oréal, Carrefour, Total, Société générale, McDo...), des grands recruteurs du public (armée de terre, police nationale...) et des organisations professionnelles (FNTP) au chevet de PME en pénurie de main- d'oeuvre. Sans oublier les institutions liées à l'emploi, comme l'Apec, qui a programmé 35 discussions en ligne en 2006.

Revers de la médaille des «chats», et, plus globalement, rançon du succès des sites RH : les entreprises sont littéralement submergées de CV. La Société générale en reçoit, chaque année, plus de 300 000 ! Pour gérer cette abondance, les entreprises se sont équipées tardivement de solutions de gestion de candidatures, capables de prendre en charge la chaîne du recrutement.

Solutions maison

Chez Siemens, qui investit plus de 60 % de son budget recrutement sur le web, c'est une solution «maison», Hermès, qui gère, depuis février 2001, l'ensemble de l'emploi (mobilité, recrutement, reclassements). « L'application traite, actuellement, un volant de 30 000 à 40 000 CV par an et plusieurs centaines de milliers de candidatures. Elle supporte, bien entendu, nos stratégies de jobposting depuis le début, souligne David-Alexandre Gava, responsable coordination emploi et carrières chez Siemens France, et permet de partager efficacement le recrutement avec nos managers. La totalité de nos front offices, à savoir notre site RH, notre intranet, les sites Internet de nos filiales, est alimentée par Hermès dans un souci de cohésion. »

McDonald's France, qui croulait sous les CV au rythme de 20 000 par mois, a investi, via son GIE, une structure qui globalise les moyens de communication entre ses restaurants et ceux de ses franchisés, dans le logiciel Recruteasy développé par Frégates. « Tout est parti du constat que cette manne de CV n'était guère exploitée par les patrons de restaurants. Par la suite, nous avons lancé une campagne nationale d'image employeur. Pour accompagner cette opération d'envergure, qui s'est achevée en novembre 2005, nous avons relooké notre site RH. Anticipant un volume supplémentaire de candidatures, nous avons opté pour une solution informatique destinée à instaurer une gestion dynamique du recrutement en ligne », explique Francis Viriot, manager RH enseigne chez Mc Donald's France.

Changement de donne

Sur les 1 060 restaurants de l'enseigne américaine, environ 600 utilisent Recruteasy, qui nécessite la souscription d'un abonnement. Pour le patron d'un McDo, la donne a changé : alors qu'il devait aller sur le site, il reçoit, désormais, chaque lundi, un tableau de bord très simple, récapitulant les principaux événements de la semaine passée (nombre de CV reçus, CV traités par type de métier, nombre de CV non traités...).

Les tests d'évaluation en ligne et autres quiz appréhendés, le plus souvent, sous un mode ludique, permettent, de leur côté, de vérifier, en amont, l'adéquation entre un candidat et l'entreprise. Intérêt : opérer un premier tri avant que l'internaute n'envoie son CV.

Capacité à travailler ensemble

« L'enjeu du e-recrutement, affirme Thanh Nguyen, directeur du département e-relations de Publicis Consultants RH, c'est, avant tout envoi de candidature, de vérifier si un candidat et une entreprise peuvent travailler ensemble. Pour cela, il faut engager un dialogue. Le B-A BA, c'est la présence d'une charte éditoriale afin que le candidat puisse se forger une première opinion sur l'entreprise. »

Relation, même brève, avec l'entreprise

Appréciant la dimension collaborative du web, les internautes ne demandent pas autre chose. Ils souhaitent qu'une relation, même brève, s'instaure avec l'entreprise. L'afflux de CV et son corollaire, la négligence dans le traitement des candidatures, sont, sans nul doute, le point critique des sites carrière. « Bien souvent, ajoute Thanh Nguyen, l'entreprise monte un site RH sans réflexion car elle veut imiter le concurrent. Au final, elle déçoit terriblement les candidats qui n'y reviennent pas deux fois. »

Les sites RH des entreprises ont donc encore de gros efforts à fournir en matière de relation avec le candidat. « Il faut tendre vers le CRM, le candidat relationship management, plaide Patrick Pedersen. Faute d'avoir entretenu des relations suivies avec les candidats - en envoyant, par exemple, chaque semestre, un email informant des dernières nouvelles de l'entreprise -, les employeurs ont laissé échapper nombre de profils pertinents qu'il est ensuite très difficile et très coûteux de récupérer. »

Recommandé par ses utilisateurs, le push mail - l'internaute enregistre son profil et reçoit un courriel dès qu'une offre correspond à ses attentes - évite de couper le cordon. Chez Total, un quart des candidats postulent grâce à un système de job-alert particulièrement efficace. « Environ 100 000 personnes sont inscrites à ce service », précise Xavier Valy, responsable études, communication et outils au sein de la direction recrutement et carrières du groupe pétrolier.

Autre piste de progrès pour les sites carrière : l'adaptation des formulaires de candidature aux profils recherchés. On ne traite pas un jeune diplômé comme un cadre confirmé ! Enfin, quelques astuces techniques restent très appréciées par les internautes pressés. C'est le cas de la saisie accélérée du CV à partir d'un CV en format Word, une trouvaille opérationnelle, depuis déjà deux ans, chez Siemens France.

L'essentiel

1 La bataille du recrutement se gagne désormais sur le web. En première ligne : les sites RH des entreprises, de plus en plus sophistiqués.

2 Pour gérer la masse des CV, les entreprises ont investi dans des solutions informatiques. Elles vérifient aussi, par des tests, l'adéquation entre le candidat et leurs propres valeurs.

3 La relation avec le candidat reste une des pistes d'amélioration des sites emploi.

Le recrutement à l'heure du peer-to-peer

On connaissait Kazaa ou Emule pour la musique et la vidéo, Skype pour le téléphone, voici StreamJobs, un service de peer-to-peer appliqué au recrutement. Le principe consiste à automatiser la relation entre le candidat et le recruteur, et ce, de PC à PC. Pour cela, rien de plus simple : recruteurs et candidats doivent utiliser le même logiciel, à télécharger gratuitement. Le candidat remplit un formulaire qui, grosso modo, reprend les éléments de son CV. Il spécifie le type d'annonce auquel il souhaite répondre et peut ajouter des informations complémentaires.

De son côté, le recruteur précise ses critères de sélection et entre ses offres (payantes). C'est ensuite au système de jouer. Théoriquement, le recruteur ne reçoit que des CV susceptibles de l'intéresser.

Pour le candidat, terminé les envois non ciblés de CV. « La mise en contact est enfin en adéquation avec vos critères et vos compétences car le filtrage se fait en amont. StreamJobs vous évite de regarder des dizaines de propositions non pertinentes et trouve ce que vous cherchez. Tout de suite. Sur votre PC », promet le prestataire. Lequel s'est inspiré de son modèle américain, < mkt10.com >, lancé en juillet 2005 par un ancien fondateur de CareerBuilder.

VediorBis passe à la vitesse supérieure

Plus de 400 000 visites mensuelles, 3 millions de pages consultées pour environ 50 000 nouvelles candidatures déposées chaque mois. En quelques années, le site Internet de VediorBis <www.vediorbis.com> est devenu un instrument incontournable dans la politique de recrutement de l'entreprise de travail temporaire.

Ouvert depuis décembre 2004 au marché du placement de demandeurs d'emploi en CDI et CDD, VediorBis a procédé, en février dernier, à un grand toilettage de son site, dont la précédente version datait de 2003.

« Nous avons, souligne Christophe Dupont, directeur marketing et recrutement de VediorBis, travaillé sur le design et le contenu éditorial. Nous employons, désormais, le terme de candidat, vocable qui englobe le personnel intérimaire et le salarié en CDI. Nous souhaitons montrer que nous avons un positionnement attractif sur toutes les qualifications, notamment dans le secteur tertiaire. » Dans cet objectif, un second site <www.vediorbis-search.com> est dédié au recrutement de cadres en CDI et CDD. Un lien vers celui-ci est proposé sur la page d'accueil de vediorbis.com.

D'un point de vue technologique, peu de bouleversements pour cette dernière version, mais de simples améliorations portant sur la recherche de coordonnées d'agences ou encore la réception des offres d'emploi par e-mail. Il faut dire que l'ancienne version était déjà bien pourvue en fonctionnalités avec, par exemple, un système d'archivage des CV, un outil de push mail et un logiciel de text mining autorisant une recherche multicritère dans la CVthèque.

Auteur

  • Jean-François Rio