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Taylorisme moderne

Demain | Chronique | publié le : 02.05.2006 | De meryem Le Saget

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Taylorisme moderne

Crédit photo De meryem Le Saget

Ce ne sont pas forcément les risques les plus évidents qui sont les plus dangereux. Il existe aussi ce que l'on appelle les «risques progressifs». Ceux-là se développent par des séries de situations banales présentant des conséquences néfastes tellement graduelles qu'on s'y habitue sans s'alarmer. Par exemple, le nombre impressionnant de personnes qui perdent la vie dans les accidents de la route, dont une grande partie près de leur domicile. On est pourtant de plus en plus nombreux à se déplacer en voiture, en pensant qu'il n'y a aucun risque. De même, on continue à respirer un air de plus en plus pollué, à fumer et à ne pas faire d'exercice physique, sans réaliser le nombre croissant d'affections respiratoires et d'allergies causées par notre style de vie. Un crash d'avion ou une explosion chimique dans une usine sont plus criants, car ce sont des catastrophes spectaculaires. Néanmoins, les «risques progressifs» sont bien réels et, dans nos entreprises, ils existent aussi.

Le plus sournois d'entre eux, bien déguisé en modernité, est la déshumanisation du travail. En effet, dans notre univers très technologique, régi par des méthodes de gestion rigoureuses, le salarié a aujourd'hui le sentiment que ce n'est plus lui qui organise son travail mais les processus, le système informatique ou le planning qui lui dictent ce qu'il faut faire.

Il aspire à plus d'autonomie ?... On lui fait comprendre qu'il faut obéir. Il aimerait s'épanouir et s'exprimer ?... On lui répond qu'il faut se conformer au process. Merveille encore de la technologie, on peut «tracer» par les systèmes informatiques tout ce que chacun fait ou non, à la seconde près. Quant aux managers, tendus dans leur course aux objectifs, ils en rajoutent souvent, croyant que s'ils ne mettent pas «la pression», leurs équipes ne vont pas produire les résultats attendus.

Mais ce n'est pas tout. Les salariés, que l'on a spécialisés davantage en insistant sur l'expertise, ne traitent plus qu'une petite partie d'un grand ensemble. De ce fait, ils n'ont plus la vision globale et ne savent plus très bien à quoi ils contribuent. Sur de nombreuses questions, ils n'ont pas de réponse. « On ne l'a pas à l'écran » ou « on ne sait pas » ou encore « apparemment, la phase précédente n'a pas été validée ». Danger. Cent fois danger... Car, derrière ces apparences de technologie avancée qui font notre fierté, se réinstalle un taylorisme moderne. Si, par miracle, les silos avaient disparu, on les ressuscite par l'hyperspécialisation du travail. Le résultat ? Des salariés stressés, qui avancent avec un horizon rétréci, chacun travaillant sur sa partie et négligeant d'aller voir les autres. On s'étonne ensuite que la motivation ne soit pas à son meilleur niveau et que les personnes n'aient pas envie de prendre des responsabilités !

La solution efficace est de réintroduire de la compréhension et des échanges. En effet, pendant que les entreprises renforcent leurs systèmes de pilotage, les salariés sont à la recherche de chaleur humaine, d'un meilleur équilibre, de vraies valeurs, de solidarité. Bref, ils veulent faire partie d'une communauté de travail qui ait du sens.

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <lesagetconseil@wanadoo.fr>

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  • De meryem Le Saget