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Des territoires a revitaliser

Enquête | publié le : 25.04.2006 | Anne Bariet

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Des territoires a revitaliser

Crédit photo Anne Bariet

Fermetures de sites, licenciements, restructurations... l'équilibre économique des bassins d'emploi est souvent fragilisé par les décisions des entreprises. Comment donner une dynamique aux territoires sinistrés ? En recréant des emplois. C'est la nouvelle obligation pour toute entreprise de plus de 1 000 salariés qui entame un plan social. Une tâche ardue.

En Seine-et-Marne, à Bagneux-sur-Loing, 225 salariés de Rioglass entament une formation à l'Afpa, qui durera près d'une dizaine de semaines, pour se reconvertir vers un nouveau métier, la fabrication de vitres et de pare-brise. Ils étaient, jusqu'en juillet 2005, employés par Thomson Videoglass et produisaient des tubes cathodiques. C'est, en effet, à cette date, que l'entreprise française, débordée par la concurrence des écrans plats, a cédé le site à l'Espagnol Rioglass. Un repreneur perçu comme un sauveur dans ce département qui avait perdu, en deux ans, plus de 1 000 emplois directs après les restructurations de SKF, de Nina Ricci et d'ABB. A Boulogne-sur-Mer, en revanche, les ex-salariés de Comilog, filiale d'Eramet, ont fait une croix sur leur passé. Aucune société industrielle n'est venue remplacer l'entreprise fermée. Les salariés licenciés n'ont même pas profité de l'implantation du centre d'appels Armatis, qui a créé 250 emplois dans la même ville. Leurs compétences étaient trop éloignées des standards demandés par ce nouvel employeur. Ils étaient fondeurs. Ils sont devenus soudeurs, caristes, chauffeurs poids lourds, employés, pour la plupart, dans les PME-PMI locales.

Des collectivités locales impuissantes

De tels scénarios de restructurations font redouter le pire aux collectivités locales, impuissantes face aux décisions des entreprises. Aucun territoire n'est à l'abri. Hier Alençon (Moulinex), Reims (Electrolux), Calais (Lu), et demain ? Beaugency, dans le Loiret, commence à préparer l'après-Faurecia, l'équipementier automobile qui ferme son usine de 157 personnes. A Longjumeau, dans l'Essonne, les acteurs locaux organisent également la riposte pour contrer la perte de 132 emplois chez Procter & Gamble, implanté en plein centre-ville.

Conscients de la vulnérabilité des territoires, les gouvernements qui se sont succédé ont tenté d'améliorer les règles du jeu. La loi de modernisation sociale, tout d'abord, a posé, en 2002, le principe de l'obligation de revitalisation des territoires pour toute entreprise procédant à une fermeture de site.

Création d'activités nouvelles

La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a affiné le dispositif. Toute société de plus de 1 000 salariés entamant un PSE est désormais concernée. Elle est tenue de favoriser la création d'activités nouvelles, pour des montants qui ne peuvent être inférieurs à deux fois le Smic par emploi supprimé. Pour les entreprises plus petites, le montant de la contribution est laissé à l'appréciation des services de l'Etat. Mais, quels que soient les moyens déployés, la difficulté de la tâche ne doit, toutefois, pas être masquée. Trouver des filières de remplacement sur un territoire est ardu. C'est tout le talent des acteurs du développement économique.

Exporter les savoir-faire

Créés lors des premières restructurations d'Usinor, de Giat industries et de Charbonnages de France, Sodie, Sofred et Sofirem en savent quelque chose. Ils ont, aujourd'hui, exporté leur savoir-faire en dehors de leur maison-mère et sont devenus conseil en développement économique intervenant tant auprès des entreprises que des collectivités locales. En un peu plus de dix ans, Sofred a accompagné environ 520 actions (implantations, projets de création, de développement et de reprise d'entreprise), correspondant à 11 000 créations d'emploi. Mieux, Sodie, avec vingt-trois ans d'ancienneté, a soutenu 6 000 projets et généré 140 000 emplois.

Aux côtés de ces acteurs historiques, les collectivités locales développent leurs propres réseaux : agences de développement régionale, départementale, communale... à toutes les strates des territoires. Quelques petits cabinets ont aussi fait une percée sur ce marché. C'est, par exemple, le cas de Akya Consulting qui a misé sur le créneau de la reconversion industrielle. « L'objectif pour moi, explique Hubert Kirchner, le président, c'est de partir des compétences des salariés en place. Après une cartographie de leurs savoir-faire, j'essaie de trouver un repreneur en quête de la même technicité. C'est ainsi qu'une partie du personnel d'un établissement d'optoélectronique a pu se reconvertir dans des activités de cosmétique et de santé. »

Jobs d'avenir

C & D International Dynamix a, lui aussi, misé sur le transfert de compétences. « Notre travail ? insiste Marc de Ferrière, le président, c'est de trouver des jobs d'avenir à des salariés sans avenir. »

D'un territoire à l'autre, les options retenues sont différentes. Mais une chose est sûre : sans viser un effet Toyota comme à Valenciennes ou encore l'implantation de centres d'appels générant des centaines d'emplois, la plupart des actions misent sur des projets modestes, et en particulier sur le développement endogène des PME-PMI déjà en place afin de diversifier l'activité des bassins d'emploi concernés, via des prêts ou des subventions pour booster les projets dormants. C'est l'objectif, par exemple, de Faurecia, à Beaugency. Pour tourner la page, les acteurs comptent s'appuyer sur le soutien des entreprises du cru. Seize projets, porteurs de 174 emplois, sont déjà dans les tuyaux.

Capacité à se mobiliser et à fédérer des projets

Le secret de la réussite ? La capacité des acteurs locaux à se mobiliser et à fédérer des projets, au-delà des querelles de clochers. La prise de conscience a été immédiate en Seine-et-Marne. Au lendemain d'une manifestation pour la défense de l'emploi, qui a rassemblé 2 000 personnes, le 16 avril 2005, à l'appel de 60 maires, élus et entreprises se sont pris en main. Pour tenter d'attirer Rioglass, Thomson, l'Etat, la région et les fonds européens n'ont pas hésité à proposer le financement d'un vaste plan de formation. Une proposition qui a payé puisque le repreneur, au départ tenté par les Asturies, a finalement accepté l'offre de Thomson ; 11 millions d'euros ont été dépensés pour la reconversion des salariés. Thomson y a contribué à hauteur de 5,4 millions d'euros. L'Opcareg a apporté 4,1 millions d'euros. L'Etat, la région et les fonds européens ont également participé au tour de table à hauteur de 500 000 euros chacun. Les acteurs ont même décidé d'aller plus loin : ils travaillent à la mise sur pied d'un groupement d'intérêt public chargé d'installer des PME sur ce territoire, qui pourrait voir le jour dans les prochains mois. « Notre objectif est de créer 450 nouveaux emplois dans les deux à trois ans », indique le conseil régional.

Mais comment créer une réelle dynamique de territoire ? « On voit un début de cohérence, de maturité des territoires, à travers les schémas de développement régional, les pôles de compétitivité ou encore les pôles d'excellence locaux, assure Vincent Kalus, directeur des opérations de Sodie. Les territoires font valoir des axes de développement, reposant sur des projets structurants. » Cela suppose, en amont, une véritable réflexion territoriale. « Une cohésion globale est indispensable, faute de quoi, notre action se limite à appliquer des pansements ici et là », poursuit Jean-Marie Thuillier, responsable du département réindustrialisation à Sofred.

Sur-mesure

Compenser pour compenser ? « L'objectif, c'est de faire du sur-mesure », déclare Nicolas Marion, chargé de mission à l'Agence régionale de développement Ile-de-France. L'idéal : une entreprise qui se fond dans un projet de territoire et en phase avec le coeur de métier. » Pfizer, qui a supprimé 300 emplois à Saint-Quentin-en-Yvelines (78), s'est rallié au projet porté par l'agglomération, Gérondicap, dédié aux soins des personnes âgées. L'entreprise a investi un million d'euros sur trois ans pour la formation des aides à domicile et la création d'une plate-forme de modernisation des organismes de services à la personne. Une chance pour ce groupe pharmaceutique.

Projet régionnal

Sanofi-Aventis, à Romainville (93), a saisi également le projet de la collectivité. Le groupe, qui fermait son centre de Recherche et Développement, il y a deux ans, a investi dans le projet Biocitech, parrainé par la région.

A Villeron, dans le Val-d'Oise, près de Roissy, aucun projet n'était déterminé. Mais la fermeture de Delphi, l'équimentier automobile (650 emplois), prévue cet été, pourrait être l'occasion de créer une base de maintenance aéronautique, avec l'arrivée d'Aertec, une PMI qui pourrait, à terme, créer 200 emplois. Des formations de reconversion ont été mises en place. La gageure étant, pour Delphi, de rendre leur site comme leurs anciens salariés, rapidement opérationnels. Une façon de rendre l'inévitable plus acceptable.

L'essentiel

1 Conscients de la vulnérabilité des territoires, les gouvernements ont tenté d'améliorer les règles du jeu. La loi de modernisation sociale, tout d'abord, en 2002, puis celle de la cohésion sociale, en 2005.

2 Toute entreprise de 1 000 salariés est désormais tenue de favoriser la création d'activités nouvelles pour des montants qui ne peuvent être inférieurs à deux fois le Smic par emploi supprimé.

3 D'un territoire à l'autre, les options retenues sont différentes : implantation de nouvelles entreprises, de centres d'appels, développement endogène des PME-PMI, via des prêts ou des subventions, afin de diversifier l'activité des bassins d'emploi concernés.

Auteur

  • Anne Bariet