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Les Pratiques

Total a appris à se méfier des idées reçues sur les femmes

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 28.03.2006 | patricia sudolski

Pour casser le plafond de verre qui bloque la progression des femmes dans l'entreprise, Total a mené une expérience de sensibilisation aux stéréotypes. Testée auprès de soixante responsables, elle est aujourd'hui généralisée.

Les réticences culturelles à la féminisation du management commencent à reculer chez Total. En France, 31 % de femmes cadres ont été recrutées en 2005, contre 26 % en 2004 ; dans le monde, 26 % contre 24 % ; la part des femmes parmi les cadres à haut potentiel est passée de 12 % en 2003 à 16 % en 2005. Les mentalités ont donc sensiblement évolué depuis que, il y a trois ans, Total a créé des séminaires de sensibilisation aux stéréotypes, qui vont être étendus en 2006. Les participants - hommes et femmes - y sont amenés à réfléchir sur les idées reçues concernant les genres qui influencent leurs comportements.

Internationalisation et féminisation

Tout a commencé en 2003. La diversité devient alors une priorité fixée à la DRH par la direction générale, avec pour objectifs l'internationalisation et la féminisation du management, composé à 80 % d'ingénieurs français. « On ne veut pas qu'un talent nous échappe parce qu'il est féminin, explique Catherine Ferrant, directrice de l'innovation sociale et de la diversité chez Total. On compte gagner en efficacité en gérant bien les carrières des femmes. Selon nos enquêtes, la mixité favorise la créativité, elle est un bénéfice pour la productivité, et son apport va bien au-delà d'une question d'image ou de bénéfice social. »

Milieu d'ingénieurs

Mais, pas facile d'imposer le deuxième sexe dans l'industrie pétrolière. « Le pétrole a été longtemps le domaine des ingénieurs, soudés dans la confrontation aux risques techniques, politiques, physiques parfois, heureux de les dépasser ensemble », constate Catherine Ferrant. Aussi, longtemps, Total, qui compte 111 000 collaborateurs dans 130 pays, n'a pas fait place aux femmes. « A l'étape du recrutement, détaille Catherine Ferrant, nous embauchions des femmes cadres en proportion des diplômées des écoles, mais nous les perdions dans la pyramide hiérarchique. »

Pour connaître les ressorts de la déperdition, une enquête qualité a été menée auprès de 50 cadres du périmètre pétrole par le professeur Marcel Bromberg, sociologue à Paris-8. « On a demandé à tous s'ils connaissaient le modèle de réussite qui a cours dans l'entreprise, cite Catherine Ferrant ; les hommes ont répondu affirmativement et les femmes négativement. » L'enquête en a conclu que les femmes, chez Total, ne s'identifiaient pas à une évolution de carrière. « Dans tous les cas de figure, elles définissaient les hommes comme des individus professionnels alors que les hommes, eux, voyaient d'abord la femme avant le cadre », ajoute Catherine Ferrant.

Séminaires de sensibilisation

Des leçons de cette enquête sont nés les séminaires de sensibilisation aux stéréotypes. En 2003 et 2004, 60 gestionnaires de carrière, chargés d'adapter l'offre du service RH aux besoins de l'entreprise et d'assister la hiérarchie dans les promotions, y participent. Parmi eux, 20 % de femmes. Ils y confrontent leur propre expérience aux données de l'enquête. Résultat : ces décideurs ont découvert qu'eux-mêmes anticipaient un besoin de protection et un manque de disponibilité des femmes, ce qui les conduisait à ne leur proposer aucune fonction exigeante. Les femmes sont douces, à l'écoute des autres, mais fragiles, peu mobiles, pas disponibles. Ces stéréotypes, les 20 % de femmes gestionnaires ont admis qu'elles les avaient elles-mêmes intériorisés. Cette prise de conscience a agi sur les esprits : « On a vu que les personnes qui étaient passées par ce séminaire avaient appris à se méfier de leurs certitudes » , constate Catherine Ferrant. C'est pourquoi, à partir de 2006, tous les managers d'équipe participeront à des ateliers d'échange sur les stéréotypes.

Les résultats seront suivis de près par le conseil de la diversité, mis en place en juin 2004. C'est lui qui rend compte des avancées de la mixité, chaque année, au comité exécutif du groupe, par des indicateurs quantitatifs et qualitatifs. Mais, d'ores et déjà, dans sa dernière pub, Total a affiché deux sourires féminins. « Notre ambition est claire, assure Catherine Ferrant, nous voulons, dans l'équité, donner toutes leurs chances aux femmes qui nous choisissent. »

Un congé maternité sans douleur salariale

Le 21 novembre 2005, avec les fédérations syndicales européennes (EMCEF, Feccia, FECR), Total a signé un accord dans lequel le groupe s'engage à corriger les écarts salariaux hommes/femmes, à niveau de compétences, qualification, performances égal.

Pour éviter un décrochage de salaire au moment de la maternité, l'accord prévoit d'instaurer, l'année de la maternité, une augmentation au moins égale à la moyenne de celles des trois années précédentes. De même pour les congés parentaux d'éducation pris par les hommes. Total a promis qu'ils seraient sans conséquence sur leur évolution de carrière.

Auteur

  • patricia sudolski