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Social-traître ou pépinière de l'avenir ?

Demain | Chronique | publié le : 28.03.2006 | De P.-L. Chantereau

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Social-traître ou pépinière de l'avenir ?

Crédit photo De P.-L. Chantereau

Colloque universitaire. Comme chacun sait, ce n'est pas ma tasse de thé préférée, mais il peut y avoir des pépites dans tous les terrains. Et on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise.

C'est le cas. Nous venons d'entendre une très intéressante contribution sur les «attentes de la génération Internet face au problème de l'emploi». Au moment où une proportion (incertaine mais sûrement assez forte) des étudiants de ce pays défile dans la rue en montrant son inquiétude face aux exigences de l'avenir, la question est brûlante d'actualité.

Un chiffre retient mon attention : un million de jeunes Français de moins de 35 ans travaillent, par choix, à l'étranger. Et souvent les plus qualifiés, les mieux diplômés, les plus entreprenants de leur génération.

Que faut-il en penser ? La conférence est finie ; mais le débat continue autour d'un verre. Les échanges sont vifs, mais courtois. (Au rugby, on dit « viril, mais correct ». C'est du même niveau.)

Je crois distinguer trois catégories d'opinions :

- Ceux, les moins nombreux, qui considèrent qu'il n'y a aucun problème, que le marché de l'emploi se déplace naturellement là où la richesse se crée et, qu'après tout, ceux qui vont travailler ailleurs sont un bon exemple de dynamisme, que chacun devrait en faire autant, et que le marché finira par nous réguler très bien tout ça. En gros, attendons de voir les effets de la main invisible du marché.

- Ceux que cette situation met hors d'eux, parce qu'elle leur apparaît le contraire de l'ascenseur républicain, et que ceux qui ont les moyens culturels et techniques de partir sont toujours les mêmes : les plus diplômés, donc déjà socialement favorisés. Leur départ fait d'eux des déserteurs qui laissent aux moins qualifiés de leur génération le soin de supporter seuls le poids de la dette nationale et les surcoûts du vieillissement. Finalement, une sorte de sociaux-traîtres.

- Ceux, enfin, qui estiment qu'il n'y a là qu'un passage normal dans le cursus d'un jeune, qu'on ne peut pas inciter en permanence à l'ouverture internationale sans prendre le risque de voir s'évader quelques-uns, mais qu'ils reviendront tous plus forts, mieux armés, plus adaptables, plus conformes aux exigences nouvelles de la mondialisation. Bref, qu'ils sont nos meilleurs atouts pour demain.

Evidemment, on me demande mon avis, que je dissimule le mieux que je peux depuis le début du débat. Je le donne et le répète ici :

Oui, les meilleurs partent parce que les conditions qui leur sont proposées ailleurs sont réellement plus attractives.

Non, ce ne sont ni des fuyards ni des déserteurs. C'est nous qui les poussons dehors.

Oui, je suis certain qu'ils reviendront, parce qu'entretemps, nous aurons su évoluer, sous la contrainte, et c'est bien dommage, dans nos pratiques de management.

En partant, ils nous envoient un signal très fort : il est plus que temps de mettre de l'oxygène dans notre organisation sociale et de tenir la promesse initiale faite aux générations qui nous suivent : permettre à chacun de se construire une vie économique et sociale réussie.

Et tant que cette promesse ne sera pas tenue, le départ des plus forts continuera, au détriment des plus faibles !

Pierre-Loïc Chantereau <www.equation-management.com>

Auteur

  • De P.-L. Chantereau