Le sujet du jour porte sur «l'échange des bonnes pratiques». On tente de comprendre pourquoi, dans ce groupe industriel puissant, les multiples groupes de réflexion et d'échanges d'expériences mis en place donnent aussi peu de contributions utiles ?
Sujet difficile. La déception est patente, à commencer par ceux qui participent à ces groupes.
On commence d'ailleurs, dans cette entreprise, à imaginer supprimer ce dispositif, qui coûte du temps et de l'argent, et produit peu de résultats.
Le DRH, quasiment sermonné par le contrôleur de gestion, cherche désespérément une solution pour préserver le dispositif qu'il a mis en place à grand renfort de communication interne et qu'il se voit mal tuer lui-même. Je peux comprendre.
Je demande à voir les documents de synthèse des différents groupes de réflexion et d'échanges qui ont déjà terminé leurs travaux.
Instructif.
On n'y trouve en réalité qu'une longue suite de jérémiades sur toutes sortes de difficultés du quotidien, beaucoup de revendications impossibles à satisfaire, et bien peu de suggestions utiles.
Cela me rappelle une histoire que j'aime bien : une famille s'installe dans un lotissement où toutes les maisons sont strictement identiques. Visite de courtoisie aux voisins, pour se présenter. Leur maison à eux a déjà été refaite, et le résultat est superbe. « Tiens, dit le nouvel arrivant, moi aussi il faut que je refasse le salon. Combien avez-vous acheté de rouleaux de papier peint ? ». « 12 », répond le voisin d'un air assuré. Hop, une petite virée chez Casto, 12 rouleaux dans le coffre, et en avant le travail.
A la fin du chantier, grand étonnement : il reste 4 rouleaux ! Froncement de sourcils. Retour chez le voisin. Reproche : « Il me reste 4 rouleaux ! », dit le néotapissier.
« Ah, vous aussi ? », rétorque le voisin. Fin de l'histoire.
Je vois bien que le DRH rit un peu jaune.
Je complète ma démonstration : inviter les gens à mettre en commun leurs difficultés n'est pas suffisant pour qu'ils trouvent seuls les bonnes réponses. Et quand tout le monde aura constaté qu'il a fait la même erreur, personne n'en sortira grandi.
Il y a même quelque chose d'un peu démagogique, voire de franchement pervers, à laisser patauger des gens qui souffrent dans leurs difficultés, comme si du débat allait forcément naître la lumière de la solution absolue.
Des groupes d'échanges, oui, mais à la condition qu'on sache y adjoindre des experts du sujet concernés, pour aider à analyser en direct et orienter vers des solutions construites en commun.
Pensez-y pour sauver vos groupes d'échanges et de réflexion. Approbation du DRH. Il tient son argument (sans compter que je me demande s'il ne vient pas de déménager...)
Pierre-Loïc Chantereau <
