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Les outils de gestion des compétences décollent

Dossier | publié le : 07.03.2006 | Jean-François Rio

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Les outils de gestion des compétences décollent

Crédit photo Jean-François Rio

A nouveau au coeur des priorités des DRH, la gestion des compétences s'offre une seconde jeunesse. Avec des projets, certes moins ambitieux, mais plus opérationnels. Au diapason de ces nouveaux besoins, les éditeurs de solutions informatiques surfent sur cette vague de croissance.

EDF, France Télécom, PSA Peugeot Citroën, Pernod Ricard, Saint-Gobain... Eric Ghirardi, directeur des solutions RH d'Oracle/PeopleSoft, commence à avoir le souffle court à égrener la liste des entreprises qui ont dernièrement fait confiance au géant américain des ERP pour gérer les compétences de leurs salariés. « C'est simple, avance-t-il, en 2005, la moitié de notre chiffre d'affaires RH a été réalisé grâce à des projets de gestion qualitative des talents, soit, par rapport à l'an passé, une croissance de 40 %. Depuis environ douze mois, nous assistons à une accélération des projets de gestion des compétences chez nos clients et nous sommes de plus en plus sollicités par des prospects. »

Editeur de la solution de cartographie des compétences See-K, Trivium n'est pas en reste non plus. Ses dernières références ont pour nom Airbus, l'Unedic et, plus surprenant, l'Etat américain du Wisconsin ! Même euphorie chez i-Grasp, un éditeur spécialisé, à l'origine, dans les solutions de gestion des candidatures. Sur le dernier trimestre 2005, cette filiale de StepStone a accueilli 60 nouveaux clients, dont Royal Mail, Gaz de France et Fiat.

Convergence entre besoins et produits

Tiré par les évolutions réglementaires (mise en place du DIF), des effets d'ordre conjoncturel (départs en retraite des baby-boomers, tension sur le recrutement de certains profils) et par un repositionnement de la fonction RH sur la gestion du capital humain, le marché des outils informatiques de gestion des compétences affiche une santé de fer. « Pour la première fois, nous assistons à une convergence entre les besoins des entreprises et les produits proposés par les acteurs du marché », soulève Marc Garrido, président d'HR Access France.

Clignotants au vert

De fait, tous les clignotants sont au vert. « En 2005, 41 % des entreprises étaient équipées d'un module RH intégrant des outils de gestion des compétences, contre 38 % en 2004, année où le marché a commencé à prendre son envol », signale Yacine Boucherit, consultant en charge du marché ressources humaines au cabinet PAC. En 2004, le marché de la gestion des compétences pesait déjà 1 milliard d'euros. Selon une étude réalisée par Markess International, 45 % des entreprises avaient déployé, cette année-là, des applications relatives à l'ingénierie des compétences. Projection du cabinet : 65 % des organisations interrogées devraient, en 2006, se laisser séduire par ces outils. Parmi les fonctionnalités les plus en vue (voir infographie ci-dessous) : celles relatives aux formulaires d'entretien annuel et aux référentiels des métiers et des compétences. En outre, 90 % des entreprises de plus de 500 salariés déclarent qu'elles gèreront, via l'informatique, la mobilité et les recrutements d'ici à la fin 2006, contre 60 % deux ans auparavant.

Autre indicateur issu, cette fois, du baromètre 2005 Liaisons sociales-CSC-Entreprise & Personnel : la gestion des compétences se classe en tête des priorités des DRH pour 2006. « Les DRH se positionnent clairement sur le talent management. Et ce n'est pas une mode inventée par les consultants, c'est bien ce qui ressort du terrain », jure Arnaud Bailleul, directeur associé de Talentys, une filiale de la société Des Systèmes et des Hommes.

Catalyseur

Une chose est sûre : ce n'est pas la loi Borloo, qui oblige toute entreprise de plus de 300 salariés à négocier des accords de GPEC, qui pousse les pratiques. « Pas une seule fois les entreprises que je côtoie n'ont mis en avant cette obligation », confirme Patrick Storhaye, directeur de la stratégie RH chez ADP-GSI. « Dans le secteur public, la Lolf (loi organique relative aux lois de finances, NDLR) joue un rôle de catalyseur, indique Alain Riberry, responsable des activités RH chez CSC. Dans le secteur privé, le point d'entrée d'une démarche compétences, ce sont des besoins «business» et l'efficacité opérationnelle. »

Refonte du référentiel des compétences

Accompagné par Cap Gemini, le groupe Vedior vient, ainsi, de refondre le référentiel des compétences de ses intérimaires. Un travail de titan destiné à offrir un meilleur service à ses clients. « De 4 000 qualifications, nous sommes passés à 800. Nous avons structuré les compétences sur chacun de nos métiers », relate Nadia Candé, directrice de projet. Le nouveau référentiel, adossé à une solution e-Front, sera tout prochainement accessible, via un outil ERM, par l'ensemble des agences composant les réseaux Vedior Bis, Appel Médical et Expectra. « Pour Vedior, l'intérêt est d'améliorer son efficacité en proposant aux sociétés utilisatrices les meilleurs profils immédiatement disponibles, et d'être proactifs en se dotant d'un vivier de compétences constamment mises à jour », indique Denis Garcia, directeur du département nouvelles technologies chez Cap Gemini. Efficacité encore quand « certaines entreprises, illustre Gilles Reboul, consultant RH à la Cegos, veulent vérifier la pertinence de leurs investissements en formation par rapport à leurs besoins en compétences ».

Outils plus participatifs et interactifs

Ce retour en grâce de la gestion des compétences s'accompagne, parallèlement, d'une plus grande modestie. Exit les projets de GPEC en forme d'usines à gaz ! Fini les cartographies intellectuellement très séduisantes mais totalement inopérantes ! Tirant les leçons des échecs passés, les entreprises font désormais preuve de pragmatisme. Les outils informatiques suivent naturellement cette tendance. « Ils sont plus simples, plus rapides à maîtriser (dans l'intégration des référentiels métiers, compétences...), plus participatifs et interactifs (avec les différents responsables hiérarchiques et les collaborateurs), plus intégrés avec les autres outils de GRH (formation, recrutement...) », juge Nicolas Aignan, responsable marketing et communication de la société informatique Neeva.

Logique de moins en moins RH

Les entreprises préférent également se concentrer sur une population critique plutôt que sur un effectif global. Du coup, les DRH ne sont plus les seuls interlocuteurs des prestataires informatiques. Nombre de projets sont, en effet, sponsorisés par des directions métiers. « La logique est de moins en moins RH, remarque Laurent Galle, directeur général de Trivium. Une direction métier va, par exemple, tenter de résoudre un souci de staffing lié à un projet de développement. »

En matière de solutions, les entreprises ont - comme c'est souvent le cas en informatique - l'embarras du choix. Quitte à s'y perdre. D'autant que la gestion des compétences recouvre un vaste spectre d'applications. Patrick Storhaye propose de les regrouper en deux familles : l'une ayant trait à l'instrumentation des compétences (référentiel, cartographie), l'autre se rapportant aux processus (évaluation, 360°). A ces deux catégories correspondent deux types de solution : « La première pour stocker et exploiter les données, la seconde pour le déploiement, le recueil et le pilotage. »

Plus concrètement, le marché se structure autour des éditeurs d'ERP (Oracle/PeopleSoft, SAP, HR Access, Meta 4...) et des solutions de type best of breed commercialisées par des sociétés installées sur des niches RH (la gestion de la mobilité interne, la cartographie, l'évaluation en ligne...) et venant d'univers différents comme ceux de la formation (Foederis) ou du recrutement (Taleo, Jobpartners, R-Flex, MrTed, i-Grasp...).

Compétences comportementales

Pour ce qui concerne les majors du progiciel RH, les fonctionnalités balayent l'ensemble de la gestion des compétences. Le module Strategic Human Resource d'HR Access combine, ainsi, compétences, formation, recrutement, évaluation, avec, en standard, un référentiel comportant plus de 200 compétences comportementales.

Chez PeopleSoft/Oracle, l'approche du marché se veut différente : « Nous partons d'une offre best of breed en sachant que nous avons la capacité de répondre à une offre globale », explique Eric Ghirardi.

Décentralisation

Autre tendance forte : la décentralisation des applications vers les salariés et les managers. « Si la gestion des compétences veut gagner en efficacité, il faut rendre les clés aux managers », martèle Xavier Daguzan, directeur commercial de Meta 4. « Finalement, résume le patron de Trivium, il y a deux approches possibles : l'une très opérationnelle visant des populations clés avec un outil spécifique de gestion des compétences ; l'autre plus corporate, où, par exemple, une multinationale va chercher à identifier ses grands métiers et ses zones de mobilité. Dans ce cas, un ERP est sans doute plus approprié. » Sans oublier la troisième voie : le développement d'applications spécifiques par les entreprises. C'est le cheminement emprunté par l'Insee. « Pour donner corps à une méthode initiée par la Cegos, souligne Georges Klochendler, consultant interne en RH, nous avons développé un logiciel permettant d'analyser les compétences de nos agents non cadres dans le cadre de la politique de mobilité . »

L'essentiel

1 Selon une étude Markess International, 65 % des entreprises auront, fin 2006, déployé des applications relatives à l'ingénierie des compétences.

2 Les solutions informatiques sont à l'image des projets de gestion des compétences : plus «raisonnables» et plus opérationnelles.

3 Schématiquement, le marché se partage entre les éditeurs d'ERP RH et ceux développant des solutions de type best of breed.

AGF et BNP Paribas se lancent

« A terme, nous souhaitons disposer d'une véritable cartographie des compétences des collaborateurs pour dynamiser la mobilité dans le groupe. » En charge des fonctions supports chez AGF, Sébastien Musset commence à y voir plus clair dans le projet de gestion des compétences visant 10 000 des 15 000 salariés de l'assureur en France. Seuls les commerciaux n'ont pas été intégrés au dispositif.

S'appuyant sur le progiciel HR Access et comportant de nombreux développements spécifiques - un outil de recherche permet, par exemple, d'identifier des collaborateurs à partir des compétences métier -, le projet sera entièrement bouclé courant 2007. A cette date, le lien entre le référentiel, l'évaluation (via un module en ligne accessible depuis l'intranet) et la gestion des formations sera établi.

« Il a fallu une année pour construire le référentiel, signale Sébastien Musset. Il comporte 50 compétences métier, auxquelles s'ajoutent des compétences comportementales et managériales. Ensuite, nous avons, pour chaque métier, associé cinq compétences requises. Actuellement, nous travaillons sur une solution informatique capable d'affecter, pour chaque salarié, ces cinq compétences fondamentales et les niveaux requis (de 1 à 4) issus de l'évaluation. »

Autre chantier, celui mené par BNP Paribas. A l'instar des AGF, le groupe bancaire s'est appuyé sur son progiciel RH, puis il a développé du spécifique. « Le cadre général de notre projet, rappelle Patricia David, responsable organisation RH à la DRH groupe de BNP Paribas, c'est la gestion mondiale des ressources humaines à partir d'une base de données PeopleSoft.» Après un travail « ingrat, mais nécessaire », consistant à élaborer des normes communes entre les différentes entités du groupe, l'entreprise dispose aujourd'hui d'une gestion individuelle des carrières construite à partir des dossiers individuels des salariés. Avantage : « Les gestionnaires de carrière disposent d'une vision très fine des parcours professionnels et des profils des collaborateurs », indique Patricia David.

Une fonction publique encore frileuse

Les contractuels représentent 24 % des effectifs de la fonction publique territoriale et 9 % de ceux de la fonction publique d'Etat, tandis que la fonction publique hospitalière en compte 12 %. Rares sont les contractuels qui se voient appliquer une gestion de leurs compétences. Les solutions de gestion des ressources humaines raisonnent quasiment exclusivement en termes de statut, de grade et de grille indiciaire. « La gestion des contractuels se fonde sur celle des titulaires. Ce qui n'a aucun sens puisque les contractuels n'ont aucune garantie d'avancement sur échelon », explique Delphine Jaafar, avocate experte auprès du Centre national d'expertise hospitalière.

L'étude (*), publiée en juin 2005 par le cabinet Eurogroup, préconisait de « modifier ou de créer les systèmes d'information RH, pour y intégrer l'expérience passée, la formation et la compétence des cadres quel que soit leur statut ».

L'introduction de la notion de CDI dans la fonction publique devrait contribuer à inciter les DRH à prendre en compte la gestion des carrières des contractuels et donc leurs compétences. Depuis la loi du 26 juillet 2005, la fonction publique décline, en effet, une directive européenne de 1999 qui interdit de reconduire plus d'une fois un CDD de trois ans. Désormais, le contractuel, dont le second CDD de trois ans arrive à son terme, doit quitter la fonction publique ou être reconduit en CDI. Pour Cédric Etienne, manager du cabinet de conseil Eurogroup, « le rapport de force entre les titulaires et les contractuels va changer. Les concours de la fonction publique ne sont pas dimensionnés pour répondre aux besoins qui vont découler des prochains départs à la retraite de fonctionnaires ».

Voilà qui devrait accorder plus de marge de manoeuvre aux DRH pour intégrer une logique de gestion des compétences qui s'appliquerait tant aux titulaires qu'aux contractuels dans les systèmes d'information RH.

(*) En juin 2005, le cabinet Eurogroup publiait une étude intitulée Apports de compétences des cadres issus du privé au secteur public.

Auteur

  • Jean-François Rio