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Enquête

Le management par les valeurs

Enquête | publié le : 31.01.2006 | Céline Lacourcelle

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Le management par les valeurs

Crédit photo Céline Lacourcelle

De grands groupes ont souhaité responsabiliser leurs salariés sur leur comportement au sein de l'entreprise. Pour ce faire, ils ont élaboré des codes de conduite qui prescrivent un certain nombre de valeurs et de principes fondamentaux afin de promouvoir une attitude irréprochable. De plus, en cas de dérives constatées, le principe de l'alerte professionnelle «made in France» est en place.

Code de bonne conduite, charte éthique, business principles... Quel que soit le nom qu'on leur donne, ces documents, provenant le plus souvent des hautes sphères de l'entreprise, se généralisent dans les grands groupes, après avoir commencé à faire parler d'eux dans les années 1990. Leur but : édicter les valeurs fondamentales de l'entreprise, déclinées en principes comportementaux. La motivation des sphères dirigeantes étant de donner un cadre de référence aux salariés et à diverses parties prenantes de l'entreprise.

Tout commence par l'énumération de grands thèmes : relations client/fournisseur, santé/sécurité/environnement, travail d'équipe, respect des lois, loyauté... ; ensuite, ils sont illustrés de manière plus factuelle. Il est alors question de lutte contre la discrimination ; d'acceptation dans les limites du raisonnable de cadeaux et d'invitations ; d'utilisation parcimonieuse des ressources informatiques et téléphoniques de l'entreprise ; d'interdiction de divulgation d'informations professionnelles à caractère confidentiel ; d'interdiction de prises d'intérêts chez un concurrent, etc.

Délinquance en col blanc

A noter que, sur le chapitre de la délinquance en col blanc, les entreprises paient un lourd tribut. En effet, selon une récente enquête de PricewaterhouseCoopers (*), la fraude en entreprise est en augmentation dans le monde, et près d'une entreprise française sur deux déclare avoir subi des actes de criminalité économique au cours de ces deux dernières années (contre 29 % en 2001). L'addition ? 4,7 millions d'euros. En réaction, la grande majorité d'entre elles annoncent avoir fait des efforts de prévention, notamment par le renforcement du contrôle interne ; c'est le cas de 62 % des entreprises françaises interrogées lors de cette enquête. Une sage mesure, quand on sait que 47 % des fraudeurs sont les salariés mêmes de l'entreprise.

Dans le groupe Suez, le code de bonne conduite s'adresse aux financiers du groupe, autrement dit, à toute personne agissant dans les domaines comptable et financier. Et ce, afin « de promouvoir, en toutes circonstances, une culture de l'honnêteté et de l'intégrité ». Pour le faire vivre, l'industriel s'est doté d'un réseau de déontologues au niveau corporate, branches et filiales. Il attend également beaucoup du management, comme les autres entreprises dotées d'instances dédiées à l'éthique, afin qu'il soit l'interlocuteur des salariés confrontés à un dilemme.

Conflits d'intérêt

Chez Antargaz, le code de conduite et d'éthique dans les affaires, outre l'édiction de principes de respect des lois et des personnes, aborde les problématiques de délits d'initié, de favoritisme et de conflits d'intérêt. Dès qu'un cas se présente, il est conseillé d'en informer sa hiérarchie, même si le groupe est doté d'un comité d'éthique, rattaché au président.

Principes de comportement

Yves Médina, déontologue, vice-président de l'Orse (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises) et associé de PricewaterhouseCoopers France (PWC), en est convaincu : « Le code de conduite est, avant tout, de la gestion des ressources humaines. Il la transforme, car il permet un management par les valeurs. » Il a pu éprouver cette position lorsque, il y a quatre ans, le responsable du réseau de PWC, ensemble de cabinets indépendants juridiquement présents dans 170 pays, a décidé de mettre en place un code de conduite qui décline les trois valeurs de la firme - travail d'équipe, excellence et leadership - en 24 principes du comportement. « La philosophie était de donner une vision comportementale plus claire en complément des réglementations auxquelles sont soumis nos professionnels (avocats, commissaires aux comptes et experts-comptables, NDLR). » Parallèlement, il a été décidé, dans presque tous les pays, de mettre en place des business conduct leaders, soit des responsables de code de déontologie, qui se réunissent en moyenne deux fois par an pour assurer l'application et le suivi du code de conduite.

Piqûres de rappel

Car, il ne suffit pas d'éditer un tel document, encore faut-il le faire vivre. Les responsables de l'éthique profitent de toutes les occasions pour administrer des piqûres de rappel aux salariés. Chez PWC, notamment, des formations sur le sujet sont déployées auprès de quatre cibles principales : les nouveaux entrants, les nouveaux managers et associés, et les seniors. A l'Agence française de développement (lire p. 21), Dominique Joseph, conseiller chargé de l'éthique professionnelle, part à la rencontre des agents présents au siège ou dans l'une des 45 agences ou représentations du groupe. « Principes de la charte, procédures à suivre, règles..., tout doit être porté à la connaissance des salariés, et ce, avec récurrence et beaucoup de pédagogie. C'est une condition sine qua non pour que vive un code de conduite », explique João Viegas, avocat et membre de Transparence internationale France (lire l'interview p. 23).

Statut juridique flou

D'autant plus, comme le souligne Yves Médina, que ces codes ont juridiquement une force contraignante : « Les juges s'appuient sur la déclaration des codes pour fonder leur jugement, c'est un élément d'aggravation lorsque l'un des principes n'est pas respecté. »

Pour autant, leur statut juridique reste flou. Il peut être un électron libre. Mais il peut aussi être annexé au règlement intérieur, « auquel cas il entre dans le domaine du contrôle et exige l'information et la consultation du comité d'entreprise, indique Marie-Laure Gauvrit-Renault, senior manager avocat en droit social d'Ernst & Young. Et si le code édicte des mesures générales en matière disciplinaire, il a des chances d'être requalifié, par les juges, en annexe du règlement intérieur ».

Le code peut aussi faire partie intégrante du contrat de travail. C'est l'option choisie, par exemple, par PWC. « Le problème est que ces documents sont autoproclamés, alors qu'ils codifient les relations humaines, déplore François Fayolle, secrétaire de la CFDT Cadres. Dans leur cas, l'information-consultation du CE ne suffit pas, ils devraient être encadrés de négociations. »

(*) Enquête conduite dans 34 pays, réalisée entre mai et septembre 2005 et composée de 3 634 entretiens.

L'essentiel

1 Les chartes éthiques et les codes de conduite font, depuis quelques années, une apparition très remarquée dans les grandes entreprises en France.

2 Le but de ces documents est d'édicter des principes de comportement, principalement des salariés, conformes aux valeurs affichées par l'entreprise.

3 Déclinaison des codes : l'alerte professionnelle, héritée en partie de la loi Sarbanes-Oxley, est revue à la mode française.

Auteur

  • Céline Lacourcelle