Réunion dite de «motivation». Je l'ai dit souvent, je déteste cette idée. Réunir des gens pour les «motiver» m'a toujours paru une sombre manipulation, sans aucun genre d'effet durable.
Travailler ensemble pour construire un avenir, même dans un contexte très difficile, ça, c'est autre chose. J'y vais donc. On a enfermé dans un château d'assez bonne facture (avec jeu de mots...) l'équipe de direction d'un grand opérateur industriel, un genre de métier sinistré par les normes d'environnement et par la concurrence sans règles de pays émergents.
Pour cette équipe, c'est la énième séance de construction du énième plan de sauvetage. Pas besoin de les «motiver». Je vois bien qu'ils le sont. Et il le faut, parce que le projet ne se fera pas tout seul.
Un des barons de ce groupe me prend à part.
« Il faut dire qu'on a quand même le cuir vraiment dur ! La plupart des gens qui sont là ont survécu à un enchaînement ininterrompu d'ennuis, pour ne pas dire plus. Voilà un métier qui s'est pris de plein fouet des normes anti-pollution que personne n'avait vu venir. Et juste après, le débarquement dans le jeu concurrentiel d'adversaires sans foi ni loi qui inondent le marché de produits pratiquement similaires, sortis de cloaques industriels sans aucun contrôle. Et par-dessus le tout, des pouvoirs publics qui ne savent plus très bien si ça a encore un intérêt d'être un pays industriel producteur de produits de base considérés comme soi-disant stratégiques il n'y a même pas vingt ans. Difficile de trouver un chemin dans ce paysage bourré de traquenards ! Regardez bien ces gens. Leur première qualité, c'est d'être courageux et tenaces » !
Regardons ces gens, puisqu'on nous y invite. Et, en effet, je vois bien qu'une vraie passion pour ce métier les réunit, au point de s'être accrochés, plan après plan, pour sauver leur groupe industriel et trouver un chemin possible dans ce chaos. Qu'est-ce qui leur permet de tenir dans une conjoncture aussi difficile ? L'intérêt de leur poste ? Les avantages de la fonction ? Le sens du devoir ? L'ambition civique de maintenir les emplois dans leur région ? Et que leur dire ? Comment les aider à surmonter, une fois encore, cette lassitude qui plombe leurs débats ?
C'est un autre baron qui trouve la formule. « Vous vous souvenez de Coriolis, le mathématicien qui a démontré que la rotation de la terre vide l'eau des lavabos dans un sens différent selon l'hémisphère où on se trouve ? Eh bien, moi, je dis que nous avons vécu toute la spirale infernale de nos difficultés. Et que nos efforts de longue date sont en train de payer, et que nous entrons dans une spirale inversée, sur le continent du succès ! »
Je leur souhaite que ce soit vrai ! Et à tous ceux qui me lisent et qui se trouvent en situation de difficulté, je voudrais profiter de Coriolis et de cette jolie idée pour leur souhaiter, en 2006, de changer le continent de leur vie professionnelle, et d'entrer enfin dans la spirale du succès qu'ils méritent !
Bonne année à tous !
Pierre-Loïc Chantereau <
