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Les Pratiques

L'ANPE veut être le premier partenaire du recrutement

Les Pratiques | Point fort | publié le : 11.10.2005 | Marie-Pierre vega

L'ANPE développe une politique d'accords-cadres nationaux avec les grands comptes. Objectif : fournir à ces entreprises des prestations ciblées, faire évoluer leurs critères d'embauche et, à terme, réaliser 100 % des recrutements de ces gros employeurs.

L'ANPE veut devenir le partenaire privilégié du recrutement des grands comptes. Ces dernières années, elle a multiplié les annonces autour de la conclusion d'accords de partenariat avec des groupes d'envergure nationale et internationale. Actuellement, le département grands comptes et branches de l'Agence recense 20 accords-cadres nationaux «actifs» ayant déjà débouché sur environ 100 000 recrutements.

Cette « politique volontariste de conquête de parts de marché auprès des entreprises » remonte à 1994, selon Marie-Claude Martinez, responsable du département grands comptes et branches : « En 2000, nous avons développé notre politique grands comptes en nous dotant d'une vraie stratégie reposant sur des engagements réciproques impliquants pour les deux signataires et formalisés dans des accords-cadres nationaux. Ceux-ci nous permettent de construire une collaboration durable et d'exercer au mieux notre métier : évaluer les candidats et mettre en relation entreprises et demandeurs d'emploi pour satisfaire les offres. »

Secteurs sous tension

Les contractants sont des groupes ou des branches des secteurs dits sous tension : distribution, hôtellerie et restauration, transports, industrie automobile, ingénierie industrielle et services. Ainsi, Auchan, Accor, Carrefour, Elior, Ikea, Keolis, Segula Technologies, Société générale, Veolia, la Fédération française du bâtiment, l'Union des métiers de l'industrie hôtelière ou encore celle des métiers de la métallurgie ont tous signé un accord d'une durée moyenne de trois ans. Idem avec le Syndicat des entreprises de travail temporaire (Sett), qui se tourne vers l'ANPE pour des postes qui suscitent de trop rares candidatures.

Un double objectif affiché

Dans ces conventions, l'ANPE affiche toujours un double objectif : « Aider l'entreprise à réussir ses recrutements et faire évoluer ses critères d'embauche en mobilisant nos outils, notamment pour repérer et intégrer des jeunes sans qualification, des femmes, des demandeurs d'emploi de longue durée, des seniors ou des personnes handicapées », explique Marie-Claude Martinez. Objectif partagé par Keolis, qui a conclu une convention nationale en avril dernier. « Nos filiales de transport urbain connaissent peu de turn-over et ont une notoriété telle qu'elles reçoivent de nombreuses candidatures spontanées. Mais nous avons besoin de l'ANPE pour élargir notre vivier de candidats et recruter un personnel à l'image de notre clientèle, présentant davantage de mixité sociale », explique Dominique Thal, responsable des recrutements de la société.

Diversifier son recrutement, c'est aussi l'ambition de la Société générale, qui a signé avec l'ANPE en octobre 2004. « Notre pyramide des âges est déséquilibrée, avec beaucoup de personnes recrutées dans les années 1970 et d'importants départs à la retraite en perspective. Recruter uniquement à la sortie des écoles reviendrait à reproduire le même phénomène. Nous souhaitons également privilégier l'expérience, le sens du contact et la capacité commerciale de quadragénaires. Nous demandons, ainsi, à l'ANPE, de sourcer pour nous des candidats ayant ce profil », expose Bernard de Talancé, DRH groupe de la Société générale.

Faciliter l'échange d'informations

Les accords ont également vocation à faciliter l'échange d'informations. « Nous sommes en train de marier nos deux sites Internet », raconte Flavien Lorban, directeur du recrutement de Segula Technologies, signataire d'un partenariat en avril. « Toutes les offres d'emploi que les 35 gestionnaires de ressources humaines du groupe saisiront sur notre site worknet.fr apparaîtront automatiquement sur le site anpe.fr. »

Plus ambitieux, le « développement d'outils de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour permettre à l'agence d'anticiper les recrutements », comme le prévoit l'accord avec le groupe Agapes, en septembre 2004. En clair : « Transmettre nos offres d'emploi plus tôt pour réaliser des recrutements d'un meilleur niveau », indique Christian Leroy, DRH de l'enseigne Flunch et responsable du partenariat ANPE pour le groupe Agapes. « Ainsi, en 2003, nous avons renouvelé notre accord de 2001, qui portait sur la mise en oeuvre de la méthode de recrutement par simulation, dite des habiletés, et nous nous sommes engagés à faire connaître nos besoins à trois et six mois. Les résultats sont probants : pour la première fois, notre taux de turn-over, qui était de 130 % il y a six ans, est passé sous la barre des 50 % fin 2004. »

Professionnels à coût zéro

Contractualiser avec l'ANPE, c'est aussi bénéficier de professionnels du recrutement à coût zéro sur tout le territoire. Très utile pour les organisations décentralisées, comme Agapes ou Elior, qui laissent à leurs directeurs de restaurant ou directeurs de site le soin de recruter.

« Ce n'est pas leur métier. Désormais, ils ont la possibilité de s'appuyer sur un conseiller référent qui présélectionne les candidats, recourt à des dispositifs d'évaluations préalables à l'embauche et accompagne l'intégration du demandeur d'emploi », explique Marie-Christine Cosson, responsable du développement des ressources humaines d'Elior.

Mais, pour qu'un accord-cadre national porte réellement ses fruits, encore faut-il que le niveau local s'en saisisse. « Un accord-cadre national, c'est pour dire qu'on se connaît, qu'on s'aime bien et qu'on veut travailler ensemble de manière étroite », résume Dominique Combes, responsable du pôle services aux entreprises à la direction régionale de l'ANPE en Provence-Alpes-Côte d'Azur. « Ensuite, pour qu'il prenne du corps, il faut le décliner localement, dans un contrat de service qualité. » L'ANPE Paca en recense « plusieurs centaines ». « C'est là que vit l'accord. Le contrat est passé entre une agence et un hypermarché, par exemple. Il est très précis sur les identités des référents, les calendriers de réunion, les dates de visite du conseiller ANPE dans l'entreprise, les méthodes de sélection, d'évaluation et d'accompagnement des candidats qui seront mises en oeuvre... », insiste Dominique Combes.

Suivi quantitatif et qualitatif

Tant au niveau local que national, ces accords font l'objet d'un suivi semestriel quantitatif et qualitatif réalisé par un comité de pilotage. La bonne santé du partenariat se mesure à différents critères examinés en comité de pilotage : nombre d'offres déposées et de recrutements effectués, nature des contrats de travail proposés, recours aux mesures pour l'emploi, caractéristiques des métiers et des postes les plus recruteurs... Le suivi s'enrichit aussi d'une grille d'indices de satisfaction construite autour d'une série d'items notés de 0 à 5. Pour le recruteur, il s'agit, par exemple, de noter l'adéquation des candidatures proposées par son agence locale ou la connaissance de ses métiers par l'agent référent. Celui-ci évalue, de son côté, la clarté de la commande de l'entreprise ou le délai des traitements des candidatures proposées. « Il est extrêmement rare qu'un accord ne produise pas les effets espérés », note Dominique Combes.

Des partenaires sociaux attentifs

Les partenaires sociaux, eux, sont attentifs aux effets de cette politique. « Elle va dans le bon sens, estime Michel Coquillon, secrétaire général adjoint de la CFTC et administrateur à l'ANPE. Il est primordial que l'ANPE s'assure un volume d'offres d'emploi pour rester crédible et dynamique sur le marché de l'emploi par rapport à la concurrence. Il faut aussi éviter que les entreprises confient à des cabinets privés leurs recrutements les plus faciles et se tournent vers l'Agence uniquement pour les cas difficiles. » « Ces accords constituent aussi un levier de performance et de reconnaissance pour l'agent qui va se mobiliser avec succès sur un contrat de service qualité », poursuit Michel Coquillon. L'entreprise qui signe un accord est un client prioritaire. Au risque de délaisser les autres «clients» de l'ANPE que sont les chômeurs ? « Les agents référents de ces contrats consacrent effectivement beaucoup de leur temps aux entreprises. Est-ce aux dépens du suivi personnalisé des demandeurs d'emploi ? Il est vrai que le personnel de l'ANPE n'est pas assez nombreux, malgré les 3 500 personnes recrutées avec la mise en place du Pare et les 1 500 autres qui vont l'être prochainement. »

Cinq accords par an

L'ANPE affiche son intention de continuer à développer cette politique, sans accélération, à raison de cinq nouveaux accords par an. Son ambition : récupérer la totalité du recrutement des grands comptes partenaires. « Une entreprise de la distribution vient, ainsi, de nous confier 100 % de ses recrutements d'employés, ajoute Marie-Claude Martinez. Veolia vient également d'externaliser chez nous tout son processus de recrutement. Nous allons présélectionner tous les candidats, y compris ceux qui ont répondu à leurs annonces presse, déposé une candidature spontanée sur le site Internet ou rencontré un responsable recrutement sur un salon. » Veolia, c'est 3 000 recrutements en 2005, 6 000 en 2006 et 8 000 en 2007.

De bons taux de recrutement

Segula Technologies : 420 postes pourvus en 2005 avec l'ANPE, essentiellement des cadres et des ingénieurs, et quelques postes de commerciaux, d'administratifs et de financiers. Le groupe d'ingénierie réalise 13 % de ses recrutements avec l'Agence.

Société générale : 150 personnes âgées de 40 ans en moyenne, recrutées entre mars 2004 et juin 2005, dont la moitié avec l'ANPE. Le taux de démission au bout d'un an de ces collaborateurs est moitié moins important que celui enregistré avec des jeunes diplômés.

Agapes : 4 000 recrutements en 2003, dont 1 500 avec l'ANPE, contre 12 000 en 1999 dont 500 seulement avec l'ANPE.

Elior : le taux de satisfaction de ses offres d'emploi s'établit à 92 %. Le groupe a recruté plus de 5 000 CDI et CDD avec l'ANPE en 2004. Chaque année, toutes sources de candidatures confondues, Elior embauche 6 000 à 7 000 CDI.

L'essentiel

1 L'ANPE développe une politique de partenariats nationaux avec de grandes entreprises pour capter leurs offres d'emploi et les encourager à faire évoluer leurs critères d'embauche.

2 Une vingtaine d'accords-cadres nationaux sont actifs, ayant débouché, à ce jour, sur environ 100 000 recrutements.

3 Les partenaires sociaux jugent cette politique positive mais craignent qu'elle ne se fasse au détriment du suivi personnalisé des demandeurs d'emploi.

Auteur

  • Marie-Pierre vega