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Moins formés, moins promus, plus harcelés...

L'actualité | L'événement | publié le : 11.10.2005 | Guillaume Le Nagard

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Moins formés, moins promus, plus harcelés...

Crédit photo Guillaume Le Nagard

Les résultats du 2e Baromètre semestriel Seniors en entreprise, réalisé par NotreTemps.com et Entreprise & Carrières, traduisent, une nouvelle fois, la situation difficile des salariés âgés. Même si ces résultats nuancent légèrement ceux recueillis en avril dernier.

Deux ans après la réforme Fillon qui, sans toucher à l'âge légal de la retraite (60 ans), a allongé la durée de cotisation pour percevoir une pension complète, le repère de l'entrée dans la soixantaine reste déterminant pour les salariés seniors.

Dans l'idéal, et sans préjuger de difficultés de financement de leur retraite, environ le tiers d'entre eux souhaiteraient prendre congé de leur employeur à ce moment-là. Ils ne sont que 15 % à souhaiter partir plus tard, indique la deuxième édition du Baromètre semestriel Seniors en entreprise réalisé par NotreTemps.com et Entreprise & Carrières. Il en reste donc 55 % pour souhaiter partir avant 60 ans.

Dure réalité : pour les salariés seniors de notre panel, qui ont fait le calcul de leurs trimestres, la retraite à taux plein exigera une carrière allant jusqu'à 60 ans dans 48 % des cas, ou au-delà pour plus du tiers d'entre eux (36 %). Le repère des 65 ans commence d'ailleurs à émerger (16 %).

Les carrières longues se font rares

A l'inverse, les carrières longues permettant un départ précoce deviennent bien une exception : 16 % de nos seniors peuvent prétendre à une retraite à taux plein avant l'âge de 60 ans (alors que les 55-60 ans représentent 52 % des répondants).

Cet écart entre les souhaits de fin de vie professionnelle et les exigences du financement de la retraite est plus marqué encore chez les femmes : si près de la moitié d'entre elles peuvent liquider une retraite complète à 60 ans, comme la moyenne de l'échantillon, elles sont, en revanche, un quart à devoir travailler jusqu'à 65 ans ou au-delà pour pouvoir y prétendre (16 % pour les hommes). Or, 39 % des femmes voudraient pouvoir quitter le monde du travail avant 56 ans (28 % pour les hommes).

Départs souhaités et départs réels

Il y a six mois, alors que nous demandions au panel de seniors jusqu'à quel âge ils souhaitaient rester dans leur entreprise, 65,2 % s'y voyaient encore après 58 ans - or, c'est l'âge actuel moyen de sortie du marché du travail - et 35 % pensaient rester après 60 ans. Mais, dans l'idéal, tel que le suggérait la question de ce nouveau baromètre («A quel âge auriez-vous souhaité prendre votre retraite ?»), les réponses sont bien différentes : ils ne seraient que 47 % à vouloir partir après cet âge repère de 58 ans, et seulement 13 % après 60 ans. On mesure donc, sans surprise, le poids des arbitrages financiers dans la décision de départ. Lesquels priment sans doute le sentiment de l'intérêt ou du sens du travail.

Moins de formation

Cette impression est confortée par les résultats constatés en matière de management des seniors au sein de leur entreprise. Ainsi, depuis trois ans, 81 % d'entre eux n'ont bénéficié d'aucun rendez-vous carrière, aide à l'orientation ou bilan professionnel de carrière. L'obligation d'un bilan de compétences après vingt ans de carrière est pourtant inscrite dans la loi du 4 mai 2004, qui retranscrit l'accord interprofessionnel de décembre 2003 sur la formation.

En matière de formation professionnelle, les salariés seniors semblent d'ailleurs toujours discriminés, même si les résultats du baromètre d'octobre nuancent un peu ceux d'avril dernier : 38 % d'entre eux disent avoir bénéficié d'une ou plusieurs formations depuis trois ans, contre 30 % il y a six mois. Un taux très inférieur à la moyenne des salariés, dont, bon an mal an, le tiers reçoivent une formation chaque année. Dans ce domaine, les responsabilités sont sans doute partagées : rares sont les formations proposées aux plus de 45 ans ; à l'inverse, bien peu sont demandées par les seniors eux-mêmes quand vient le recensement des souhaits pour le plan de formation de l'entreprise. L'âge n'arrange rien à l'affaire : 65 % des salariés de 55 à 60 ans n'ont pas été formés depuis trois ans contre, respectivement, 60 % des 50-54 ans et 51 % des moins de 50 ans. L'idée de la rentabilisation de la formation financée par l'entreprise et qui ne serait pas assurée pour une population senior transparaît dans ces chiffres, sans doute autant que le désinvestissement progressif des salariés âgés.

Absence de promotion

De la même façon, les promotions ou les simples mobilités transversales, y compris les affectations sur un projet, se raréfient brutalement au passage de la cinquantaine (mais 29 % en ont bénéficié en trois ans, selon ce dernier baromètre, contre 20 % en avril).

Peu d'augmentations individuelles

Quant aux augmentations individuelles : là encore, le baromètre confirme les informations recensées par ailleurs. Et, cette fois, contrairement aux autres items, on ne constate pas d'amélioration par rapport aux résultats d'avril dernier ; 66 % de nos seniors n'ont pas reçu d'augmentation individuelle depuis trois ans (69 % pour les 55-60 ans).

Le panel Oscar, de la CFDT Cadres, qui scrute, chaque année, la composition de la rémunération d'un panel constant de salariés cadres, permet une comparaison sur la composante cadre de notre échantillon : chaque année depuis 2000, hormis en 2003, la moitié environ des salariés de ce panel ont reçu une augmentation individuelle. Ils étaient même 53 % en 2004. Les cadres de notre échantillon ne sont que 43 % sur trois ans dans ce cas. Rappelons qu'ils sont, par ailleurs, les mieux lotis : les employés n'étaient que 27 % dans cette situation, les ouvriers 32 % et les professions intermédiaires 36 %.

Conditions de travail problématiques

Les conditions de travail restent aussi problématiques : plus de la moitié des seniors interrogés les jugent assez difficiles ou difficiles, un score très comparable à celui d'avril. Les 50-54 ans ont la plus mauvaise perception de leurs conditions de travail, de même que les ouvriers, qui souffrent le plus de l'usure physique et, sans doute, du caractère peu valorisant de leur tâche.

La taille de l'entreprise est peu déterminante : on vit aussi difficilement dans un groupe que dans une PME. Cet aspect est évidemment déterminant dans les choix de maintien dans l'emploi. Une enquête Liaisons sociales/ Anact/CSA d'avril 2004 soulignait, ainsi, qu'après les rémunérations (54 %), les conditions de travail (52 %) sont le critère le plus important dans un emploi.

Victimes de harcèlement moral

Et l'entreprise ne relâche pas la pression sur les quinquagénaires. Une nouvelle fois, la proportion des salariés seniors qui estiment qu'eux-mêmes ou leurs collègues sont victimes de harcèlement moral en raison de leur âge est préoccupante : 40 % des 1 537 seniors interrogés ont, en effet, ce sentiment (41 % ont répondu négativement et 18 % ne savent pas).

Dans l'absolu, et quelle que soit la définition qu'ils donnent à cette notion de harcèlement moral, ce résultat continue de témoigner, a minima, du défaut de management des seniors dans les entreprises et, dans le pire des cas, de stratégies concertées de mise à l'écart. Unique motif de soulagement, le phénomène semble en légère régression depuis notre premier baromètre, en avril dernier, quand la moitié des salariés interrogés ressentaient le harcèlement.

Résultats nuancés mais préoccupants

Le bilan reste donc préoccupant et ne contredit pas les résultats d'avril dernier, même si certains d'entre eux sont nuancés. A cela, plusieurs explications, sans doute complémentaires. Tout d'abord, l'élargissement de notre échantillon, d'un millier à plus de 1 500, entre la première et la deuxième édition du baromètre, a peut-être «lissé» les réponses vis-à-vis de l'entreprise et des conditions de travail, en accroissant la part de salariés seniors, certes concernés par ce difficile maintien dans l'emploi, mais, peut-être, moins menacés ou moins «militants» que les premiers.

Ensuite, les dates de réalisation de nos sondages ont sans doute leur importance : le premier baromètre avait été réalisé en période pré-référendaire, de tensions politiques, de doutes sur l'avenir et de marasme économique. Ce nouveau baromètre a été, lui, réalisé en juillet-août.

Enfin, et ce serait l'élément le plus porteur d'espoir, certaines entreprises, employant des salariés seniors, que nous avons interrogées commencent à déployer des dispositifs destinés à leurs collaborateurs expérimentés. La réforme Fillon a plus de deux ans, et le choc du papy-boom est annoncé depuis plus longtemps encore.

Premier prix de «l'Entreprise seniors responsable»

Aucune entreprise ne pourra faire l'économie d'une réflexion sur l'allongement des carrières et le maintien des seniors dans l'emploi : le resserrement des dispositifs de préretraite comme les menaces de pénurie de compétences dans certains métiers et secteurs, dues au papy-boom les y contraindront.

Mais beaucoup d'entre elles ont déjà mis en oeuvre des pratiques qui favorisent la diversité des âges : travail sur l'ergonomie des postes, sur la mobilité, notamment en seconde partie de carrière, sur la gestion des âges et le transfert des compétences, sur l'organisation du travail, sur la diversité en recrutement.

Pour recenser les meilleures pratiques dans ce domaine, NotreTemps.com, Sodie et Entreprise & Carrières créent un prix de l'«Entreprise seniors responsable». Qu'il s'agisse du lancement d'une initiative spécifique (recrutement, communication...) ou d'une politique de plus long terme (ergonomie, carrières...), des entreprises de toute taille pourront présenter un dossier décrivant leur démarche.

La sélection des lauréats sera réalisée par un jury de professionnels des RH (DRH, universitaires, spécialistes de la notation sociale...). Les prix seront décernés en mai prochain, à l'occasion de la 3e édition du Baromètre seniors en entreprise NotreTemps.com/ Entreprise & Carrières.

Un premier appel à candidatures, la mise en ligne d'un site dédié à cet événement et la mise à disposition des dossiers de participation sont prévus à la mi-novembre.

Auteur

  • Guillaume Le Nagard