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« Des crises prévisibles autour du plan »

Dossier | publié le : 27.09.2005 | L. G.

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« Des crises prévisibles autour du plan »

Crédit photo L. G.

Pour Alain-Frédéric Fernandez, consultant du cabinet Faire-Play, la formation va devenir l'objet d'enjeux importants de communication sociale.

E & C : Quels sont les impacts de la réforme sur le métier de responsable formation ?

A.-F. F. : Jusqu'à ce jour, le RF était un pédagogue, dans le meilleur des cas, et un logisticien, dans les cas les plus courants, assurant une gestion administrative des stages. Aujourd'hui, il doit devenir un véritable responsable de professionnalisation, dont les compétences se complexifient et se diversifient.

E & C : La dimension juridique de cette réforme est évidemment importante.

A.-F. F. : Oui. Il faut maîtriser la complexité de la mise en oeuvre du DIF qui est un droit relatif et non absolu - il peut être refusé -, qui n'a pas de régime de financement propre - plan de formation et Opca -, et qui s'applique selon des modalités différentes d'une branche à l'autre et même d'une entreprise à l'autre. Tout en respectant les textes de base. Il faut gérer les temps de formation en tenant compte de la nouvelle classification en trois catégories, qui prévoit des rémunérations et des incidences fiscales et salariales selon la catégorie : adaptation, évolution, développement.

Le RF doit également veiller à l'application de l'article L930-1 du Code du travail sur l'obligation d'adapter les salariés à leur poste de travail. Il doit maîtriser les conditions d'éligibilité aux contrats et aux périodes de professionnalisation selon la loi, d'une part, et chaque accord de branche, d'autre part. Il devra garder une traçabilité des échanges individuels avec les collaborateurs en respectant les formes : accord pour se former hors temps de travail, reconnaissance éventuelle, accord ou désaccord sur le DIF, délais de réponse. Et il lui faudra conseiller les RRH et le service paie sur l'application du droit au DIF en cas de licenciement, démission, plan social, transfert, modification du contrat de travail.

E & C : Le dialogue avec les représentants du personnel, les syndicats et le CE en sera-t-il transformé ?

A.-F. F. : Très certainement. La formation était un terrain «pacifié». Elle devient l'objet d'enjeux importants de communication sociale. La collaboration avec la commission formation du CE devient plus indispensable que jamais pour établir des règles de gestion des priorités en matière de DIF, de professionnalisation, de VAE ou de bilan. La discussion autour des catégories d'actions de formation doit être transparente et sera sans doute au centre des crises prévisibles dans les relations sociales.

E & C : Le recours à la formule classique du stage est-il remis en question ?

A.-F. F. : La réponse «stage» n'est plus satisfaisante à elle seule. Pour construire des parcours de professionnalisation et répondre aux enjeux de plus en plus individualisés de l'employabilité, le RF doit diversifier les modalités pédagogiques : stages, e-learning, tutorat, coaching, échanges de bonnes pratiques, échanges de poste, délégation, etc. Il faut mobiliser les ressources internes pour développer la formation «maison» et mettre en valeur les experts de l'entreprise. Un catalogue DIF peut être mis en oeuvre dans une perspective de «parcours» dont les éléments sont des étapes, sous toutes les formes, et pas seulement sous forme de stages.

E & C : Les questions de financement sont omniprésentes. Le budget formation va-t-il être fortement impacté par l'arrivée du DIF ?

A.-F. F. : Oui, quelle que soit la stratégie développée pour l'amortir. Il va donc falloir optimiser les sources de financement : se rapprocher de l'ANPE pour favoriser les formations préalables à l'embauche ou en vue de remplacer un départ à la retraite ; se rapprocher du conseil régional pour avoir une bonne visibilité sur les offres pédagogiques aidées et sur la carte et la favorisation de l'apprentissage (en concurrence avec les contrats de professionnalisation) ; et, surtout, se rapprocher de son Opca ou développer une nouvelle relation avec un Opca interprofessionnel pour profiter au mieux des financements par le 0,5 % (contrats et périodes) et des opportunités européennes.

Parallèlement, il me semble primordial de mettre en place une professionnalisation de l'achat de formation dans l'entreprise, et des procédures plus contraignantes d'acceptation des demandes d'action de formation, ce qui passe par une implication plus grande des managers.

E & C : Au final, pensez-vous que cette réforme soit une chance pour la formation et pour les responsables formation ?

A.-F. F. : Oui, mais la formation devra s'aligner sur la stratégie de l'entreprise afin de lui garantir les compétences nécessaires. Dans le même temps, les salariés ont besoin et demandent à rester de plus en plus «employables», ce qui nécessite une vision à long terme de l'évolution des métiers.

Le service formation ne doit plus être coupé des autres entités quand elles existent : recrutement, emplois, compétences, gestion des potentiels. Le responsable formation doit d'ailleurs mobiliser de nombreux partenaires dans l'entreprise pour assurer les missions de la formation : réseaux, chefs de service, managers, IRP, experts internes, etc.

Autre conséquence : le responsable formation doit disposer au plus vite d'un véritable système d'information sur la formation. De nouveaux indicateurs doivent être très rapidement disponibles : compteurs de DIF, hors temps de travail, passeport de formation, ventilation des actions par catégories...

(1) Auteur de Manager la formation après la réforme, ESF éditions.

Auteur

  • L. G.