logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

les ressources humaines a la mode chinoise

Enquête | publié le : 06.09.2005 | Céline Lacourcelle, à shanhai

Le marché chinois est si prometteur que les entreprises françaises ne peuvent l'ignorer. Sans oublier, cependant, de tenir compte de ses particularités. Emploi, management, formation... Autant de problématiques RH que les sociétés françaises implantées dans l'empire du Milieu doivent adapter à la mode chinoise si elles veulent que la greffe prenne.

«Enrichissez-vous », tel était le mot d'ordre, dans le début des années 1980, de Deng Xiaoping, la figure emblématique de l'après-Mao. Force est de constater qu'il a été entendu, tant par les entreprises locales que par celles d'autres continents, dont quelque 600 entreprises françaises implantées en Chine (1). Et l'ouverture du pays à l'OMC (Organisation mondiale du commerce), le 11 décembre 2001, a amplifié le phénomène.

Aujourd'hui, la Chine assure, à elle seule, avec une croissance moyenne de 9 % par an (à deux chiffres pour Shanghai), 18 % de la croissance économique mondiale et 8 % des exportations mondiales.

Bouleversements sociaux

Des mutations économiques qui se sont accompagnées de bouleversements sociaux et sociétaux. On estime, en effet, à 400 millions le nombre de personnes sorties de la pauvreté en vingt ans, à plus de 150 millions le nombre de Chinois présentant un pouvoir d'achat comparable à celui des pays développés, et à plus de 500 millions le nombre de citadins dont le salaire a été multiplié par huit en vingt ans. En majorité, ces derniers touchent environ 450 euros mensuels. Loin derrière, arrivent les fonctionnaires, avec un salaire moyen de 100 euros et les cadres de la fonction publique, avec 300 euros.

« Le ratio est de 1 à 3 entre l'entreprise étrangère et l'entreprise d'Etat », confirme Eric Tarchoune, directeur de Dragonfly Group, cabinet de conseil en management, ressources humaines et intelligence économique, installé à Shanghai. Et de 1 à plus de 40, en moyenne, entre les pays occidentaux développés et la Chine, selon le cabinet de recrutement Egon Zehnder International (2).

200 millions de paysans sous-employés

Tous ne profitent pas des retombées de cette nouvelle économie socialiste de marché, inaugurée à la fin du XXe siècle. En premier lieu, les quelque 200 millions de paysans sous-employés, qui n'ont guère vu leur pouvoir d'achat profiter de l'embellie, et les salariés des entreprises d'Etat. En effet, plus de 20 millions de ces fonctionnaires chinois employés dans l'une des 150 000 entreprises publiques, contraintes de se restructurer, se sont retrouvés à la porte depuis les années 2000. Ces individus, les xia gang, ont un statut particulier. Ils sont en position de recherche : ils n'ont plus d'emploi dans leur entreprise, souhaitent maintenir un lien avec celle-ci, et n'ont pas trouvé d'emploi en dehors. L'Etat leur verse des allocations égales à environ deux tiers de leur salaire pendant trois ans au maximum. Ces personnes suspendues de leur poste n'entrent pas dans les chiffres du chômage, tout comme les sans-emploi des zones rurales car, « tant que la terre existe, le travail existe dans les campagnes ». On parle d'un taux de chômage au-dessus de 10 % dans les villes et de 30 % dans certaines campagnes et friches industrielles. Ce qui a conduit 200 millions de paysans à prendre le chemin des villes.

Réformes relatives à l'emploi

La tâche est donc grande pour le nouveau ministère du Travail et de la Protection sociale, créé en 1998 après la réforme des institutions et la réorganisation des autorités gouvernementales. Son objectif : mettre en oeuvre des réformes relatives à l'emploi et élaborer une protection sociale adaptée au nouveau contexte économique et social. D'autant plus que le chômage demeure la deuxième préoccupation des ménages urbains et, surtout, celle des 60 millions de jeunes arrivant dans la vie active. Autre problème menaçant : les retraites. Les seniors sont, aujourd'hui, plus de 130 millions, et devraient franchir la barre des 200 millions en 2015.

Recherche et développement

Reste que l'empire du Milieu représente une manne pour les sociétés et les investissements étrangers. Après avoir brillé (c'est toujours le cas) dans l'industrie manufacturière - la Chine emploie près de 400 millions de salariés dans l'industrie -, il est aujourd'hui prometteur dans la recherche et surtout dans le développement. Certains ne s'y sont pas trompés. Dernièrement, c'est l'Institut Pasteur qui a annoncé une prochaine structure dans le pays. Quant à l'Anvar, elle a signé, en 2003, un accord de coopération avec l'Innofund, structure placée sous l'égide du ministère chinois des Sciences et des Technologies, pour développer un réseau d'acteurs venant à l'appui de projets de partenariat technologique des entreprises françaises et chinoises.

420 000 ingénieurs et scientifiques

Le pays compte 420 000 ingénieurs et scientifiques, et plus d'un million d'étudiants sortent, chaque année, avec une licence ou une maîtrise ; 160 000 avec un niveau de 3e cycle. Sans oublier les 150 000 «returnees» ou «tortues de mer», ces Chinois de retour après avoir étudié à l'étranger (3), désormais très courtisés par les autorités économiques.

La Chine est une réserve de main-d'oeuvre considérable. Et même si les salaires tendent déjà à augmenter sur les zones côtières, il reste encore 800 millions de salariés potentiels à bas prix, ce qui permet d'envisager quarante ans de main-d'oeuvre low cost, selon les experts.

(1) 3 700 PME travaillent avec la Chine ; elles pourraient être 7 000 en 2007 selon les voeux du président Jacques Chirac.

(2) 0,53 dollar est le salaire horaire moyen en Chine, contre 22 dollars en France et en Allemagne (Source Egon Zehnder International).

(3) 2000/2001 : 117 000 jeunes chinois sont partis étudier à l'étranger (6 % en France), selon le ministère de l'Education ; 41 % étaient de retour en 2001.

L'essentiel

1 La Chine, en pleine croissance, est une manne pour les entreprises étrangères, avec sa réserve de main-d'oeuvre considérable et bon marché.

2 Dans un marché de l'emploi en plein boom, le fort turn-over et la guerre des talents ont une incidence directe sur les pratiques de recrutement.

3 Malgré les opportunités que réserve le business chinois, les entreprises étrangères doivent composer avec un code du travail en lente évolution, des règles managériales culturellement très marquées et des structures pédagogiques à adapter à leurs besoins.

La Chine en chiffres

> Population : 1,4 milliard, dont 30 % en zone urbaine.

> Population active : 823 millions d'individus d'ici à 2010.

> Taux d'activité : 73 % pour les femmes et 86 % pour les hommes.

Auteur

  • Céline Lacourcelle, à shanhai