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Les Pratiques

Une casse sociale et environnementale

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 21.06.2005 | B. L.

La Cour de cassation a annulé, le 19 avril dernier, l'extension de la liquidation judiciaire de Metaleurop Nord à sa maison mère. Ainsi, Metaleurop SA est mise hors de cause dans la faillite de sa filiale. Le marathon judiciaire se poursuivra, désormais, devant la cour d'appel de Paris.

Ce fut une journée noire pour le Nord-Pas-de-Calais. Le 17 janvier 2003, dans un communiqué de presse, le conseil d'administration de Metaleurop SA expliquait qu'il avait « décidé de ne pas octroyer de nouveaux financements (prêts) à sa filiale Metaleurop Nord », à Noyelles-Godault. En quelques mots, la messe était dite pour cette usine qui avait accusé, en 2001 et en 2002, des pertes cumulées de 97 millions d'euros.

Plan de restructuration

Sans son appui, la maison mère promettait la mort inéluctable de Metaleurop Nord. Un drame pour ce bassin d'emploi des plus frappés par le chômage. L'usine employait 830 salariés et faisait vivre de nombreux sous-traitants. L'histoire est d'autant plus dramatique qu'en juillet 2002, le groupe avait annoncé la mise en oeuvre d'un plan de restructuration. « 265 emplois devaient être supprimés et l'usine, spécialisée jusqu'alors dans la production de zinc et de plomb, devait se tourner vers le recyclage de zinc », se souvient Farid Ramou, l'ex-délégué CGT de Metaleurop.

Finalement, ce projet ne verra jamais le jour. Sûrement parce que Glencore, une multinationale suisse qui détenait alors 33 % du capital de Metaleurop SA, n'avait plus guère intérêt à posséder cette usine qui plombait le bilan de Metaleurop SA depuis deux ans. Mieux ! Cette stratégie permettait au groupe suisse «d'économiser» la prise en charge du plan social et de la dépollution du site. Parallèlement, Glencore a «dépecé» sa filiale. Sans doute pour se prémunir contre tout recours juridique que risquait d'encourir Metaleurop SA, Glencore en a extrait son plus beau bijou, l'usine d'électrolyse de zinc implantée à Nordenham, en Allemagne. En décembre 2002, cette usine était revendue pour 100 millions de dollars à Xstrata, société dont Glencore détenait 40 % du capital. « C'était une bouchée de pain. Cela représentait le tiers de sa valeur », se souvient Farid Ramou.

Liquidation judiciaire

Pour les salariés, ce qui devient dans les médias «l'affaire Metaleurop» constitue, de fait, un véritable abandon. Et pour cause ! Initialement, « la vente de l'usine de Nordenham devait permettre à Metaleurop SA de financer la reconversion de l'usine de Noyelles-Godault », note l'ex-délégué CGT. Les salariés manifestent alors dans le département, dans la capitale... Rien n'y fait. Le 10 mars 2003, la décision tombe : la liquidation judiciaire de la société est prononcée. Faute d'être pris en charge par Metaleurop, le plan social est alors assuré par les services de l'Etat : 43 millions d'euros sont débloqués et chaque ex-salarié bénéficie d'une avance de 15 000 euros, eu égard au préjudice moral subi.

En avril 2003, la demande d'extension de la liquidation à la maison mère, réclamée par les administrateurs judiciaires de Metaleurop pour lui faire financer le plan social, est rejetée par le tribunal de grande instance de Béthune. L'affaire Metaleurop entre alors dans un véritable marathon judiciaire. En décembre 2004, coup de théâtre. La cour d'appel de Douai revient sur la décision et décide l'extension de la liquidation. Le tribunal estime alors que Metaleurop Nord « se trouvait dans une dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée » vis-à-vis de sa maison mère. Les anciens salariés espèrent pouvoir récupérer la totalité de l'indemnisation réclamée, soit 65 000 euros.

A présent, le moral des métallos est retombé au plus bas. En effet, le 19 avril dernier, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Douai et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris. Autant dire que l'espoir de «faire tomber» Metaleurop SA s'est quelque peu aminci.

Pour les représentants des ex-salariés, l'enjeu, aujourd'hui, est surtout de démontrer la responsabilité de Glencore. Comme l'indique Albert Lebleu, vice-président de l'association Choeurs de fondeurs, « c'est Glencore qui a tiré les ficelles ». Une enquête parlementaire, déjà réclamée par plusieurs élus, permettra assurément de lever, un jour, le voile sur les conditions de la fermeture de l'usine de Noyelles-Godault. Mais il faudra d'abord attendre l'issue des procédures judiciaires.

Le devenir des «ex-Metaleurop»

Sur les 803 salariés de Metaleurop licenciés, 132 (16 %) ont bénéficié de l'allocation de préretraite licenciement (ASFNE) ; 671 salariés restaient donc à reclasser. A l'issue de la mission de l'antenne emploi, qui s'est achevée le 31 mars dernier, 291 salariés (37 %) ont obtenu un CDI ou un CDD de plus de six mois ; 18 ont créé leur entreprise et 29 suivent encore un cursus de formation longue. Par ailleurs, 28 personnes ont été dispensées de recherche d'emploi.

Si la majorité des «ex-métallos» ont trouvé une solution, nombre d'entre eux vivent toujours des situations difficiles. Ainsi, 35 personnes travaillent encore en intérim ou en CDD de moins de six mois, et 246 recherchent toujours un emploi. Parmi celles-ci, 106 sont dans une situation où le reclassement semble compromis en raison de problèmes de santé ou d'alcoolisme, de problèmes sociaux, d'illettrisme, ou encore en raison de leur âge avancé.

Auteur

  • B. L.